CIG Magazine N°09

REPORTAGE À LA RENCONTRE DES « SHINSHINIMS », CES GRANDS FRÈRES VENUS D’ISRAËL PAGES 21-23 INTERVIEW MAURICE COHEN ZAGOURI, 40 ANS AU SERVICE DE L’ÉDUCATION PAGES 11-13 L E M AG A Z I NE D E L A COMMUNAU T É I S R A É L I T E D E G E NÈ V E 0 4 - 0 7 2 0 2 2 N ° 0 9

CRÉER DES LIENS FORTS SUR LE LONG TERME Wealth & Asset Management | Treasury & Trading | www.ubp.com L’UBP est heureuse de soutenir depuis plusieurs années la Communauté Israélite de Genève. Inscrivez-vous à notre newsletter sur ubp.com T H E D R I V E Y O U D E M A N D

L’ÉDITO NOS PRIORITÉS ! Le premier semestre de l’année 2022 a été marquée par l’adoucissement de la pandémie dans nos régions ainsi que la levée des restrictions qui limitaient nos manifestations et la pratique de nos rites. Nous avons surmonté cette période avec force, travail et dignité. Quelle joie de nous retrouver enfin les visages découverts lors de la dernière assemblée générale du 30 mai dernier. Cette AG a été l’occasion pour les membres de réitérer leur confiance auprès de notre très chère présidente, Madame Roseline Cisier, renouveler les mandats de mes amis et collègues membres du comité, accueillir parmi nous un nouveau membre M. Gary Bennaim et rendre hommage à notre ancien président, désormais président d’honneur Me Philippe A. Grumbach. Les mentions proposées par votre comité lors de cette AG ont toutes été largement adoptées. Nous nous réjouissons, dès à présent, de travailler sur l’implémentation de ces initiatives ; toujours pour le bien de notre communauté. Nous entamons la deuxième partie de l’année civile dans un climat particulier. L’invasion meurtrière de l’Ukraine par la Russie et la crise financière ne donnent aucun répit à la population mondiale. L’abnégation et la solidarité devront à nouveau être sollicités pour permettre à chacun de traverser cette période dans la décence. Ce nouveau contexte de guerre et d’immigration massive engendrent de nouvelles responsabilités. L’effort pour accueillir et aider les migrants ukrainiens ne peut faiblir tant que ce conflit persiste. Le service social maintient une cadence effrénée pour prendre en charge nos coreligionnaires ukrainiens qui fuient la guerre vers Genève. Malgré cet environnement très préoccupant, nous devons maintenir nos efforts pour continuellement solidifier notre communauté pour les années à venir. La Commission chargée du recrutement de notre futur Rabbin avance sereinement et nous informera de ses progrès à la rentrée. Les travaux entrepris à la Maison Juive vont permettre de garantir des revenus supplémentaires tout en renforçant le patrimoine immobilier de la CIG. Le nouvel aménagement offrira aussi un espace dédié au CCJJ, dont l’activité ne cesse de croître. Les discussions d’agrandissement du cimetière de Veyrier, côté Suisse, sont en cours et devraient aboutir avant la fin de l’année. Enfin, la recherche d’un adjoint à notre secrétaire général améliorera encore la prise d’initiative, la fluidité des différents projets et l’évolution de l’organisation pour les années à venir. Ces missions illustrent les actions prioritaires du comité qui s’efforcera d’honorer ces tâches toujours avec la conviction d’offrir un soutien continu, une infrastructure moderne et construire une communauté toujours plus forte pour nos enfants. Pour le Comité, Eric Roditi SOMMAIRE LES NEWS..........................................5-7 LA CHRONIQUE DU RABBIN La Torah et le prêt à taux d’intérêt....... 8-9 L’ENTRETIEN « J’ai aimé enseigner, expliquer, voir un élève progresser… »..................... 11-13 L’ENQUÊTE Israël, expert en agriculture high tech.............................................. 14-15 NOUVEAUTÉ Aftercom: un after work (pas) comme les autres...................................... 17 L’HISTOIRE Le Vélocipède, un remarquable outil d’émancipation des femmes............. 18-19 LE REPORTAGE Les « shinshinims », ces grands frères venus d’israël. .......................... 21-23 ÇA S’EST PASSÉ À LA CIG Nos activités. ..................................... 25-27 Nos instantanés................................. 28-29 L’ÉTAT CIVIL. ..................................... 31 LA CUISINE. ..................................... 33 LE TRAIT D’HUMOUR............... 34 Editeur Communauté Israélite de Genève Rédaction en chef Eric Roditi Rédaction Rav Dr. Izhak Dayan Noémi Amatriain Jean Plançon Jennifer Segui Jean-Daniel Sallin Conception BuxumLunic www.buxumlunic.ch Photos de couverture, aftercom et instantanés Emeric Caron Tirage 1500 exemplaires Impression Imprimerie Agescom AVR I L-J U I L LE T 2022 3

RJ Management SA 5 Cours de Rive, 1204 Geneva - Switzerland +41 22 888 00 50 info@rjmanagement.ch rjmanagement.ch — Wealth Managers for Today’s World Operational excellence Investment passion Bespoke solutions

LES NEWS POUR NE RIEN MANQUER DES ÉVÉNEMENTS DE LA COMMUNAUTÉ 14.09.2022 04.09.2022 25-26.09.2022 19-28.07.2022 RENTRÉE VOYAGE EN ISRAËL Cette année, un voyage de leadership, réservé à l’école de cadres et aux animateurs en formation du CCJJ, est prévu en Israël du 19 au 28 juillet. Une dizaine de jours pour découvrir le pays dans les pas de Yoav Kaplan et Yali Lichter, les deux « shinshinims » venus passer un an de bénévolat dans la communauté, tout heureux de leur servir de guides à cette occasion. Ce séjour leur permettra d’ailleurs de transmettre symboliquement le témoin à leurs deux successeurs pour la rentrée 2022… Informations sur notre site Internet CCJJ À L’ÉPREUVE DE « TOP CHEF » Lancé en 2010, le concours « Top Chef » a révolutionné le paysage de la gastronomie et, surtout, a rendu la cuisine populaire auprès de toutes les générations. Dès la fin de l’été, et tous les mercredis (de 16h à 18h), le CCJJ a décidé de confronter les Kids (6-10 ans) à se confronter aux épreuves de la plus célèbre émission de télé-réalité culinaire. Cela suscitera-t-il des vocations ? Un chef étoilé se cacherait-il parmi la jeune génération de la CIG? À vos casseroles ! Informations sur notre site Internet CCJJ AFTERCOM SUR LE NEPTUNE Majestueuse avec ses deux mâts et ses voiles latines, la Neptune est l’unique barque historique à naviguer sur les eaux du Léman. C’est sur cette embarcation construite en 1904 que Noémi Amatriain-Bernheim a décidé d’organiser la prochaine édition de l’Aftercom – cet afterwork convivial qu’elle a créé en mai dernier. Au programme : une croisière de trois heures sur le lac assortie d’un cocktail dînatoire. Ou comment prolonger le goût des vacances de la meilleure des manières… Inscriptions sur notre site ÉVÉNEMENT LA CULTURE JUIVE À L’HONNEUR À CAROUGE La 22e Journée européenne de la culture juive – qui aura lieu le dimanche 4 septembre à Carouge – sera placée sous le signe du renouveau. Choisi pour l’ensemble des pays européens participants, ce thème est intrinsèque au calendrier hébraïque : mois calés sur la nouvelle lune, fêtes marquant la renaissance de la nature... L’affiche est d’ailleurs illustrée d’un papillon. Emblématique de cette capacité d’évolution et de transformation, il est aussi considéré comme un messager. Tout un symbole ! Informations sur notre site Internet CULTURE ROCH HACHANA Le dimanche 25 et le lundi 26 septembre, la Maison Juive Dumas a prévu d’organiser deux sédarims de Roch Hachana. Préparés par le restaurant Le Jardin, ces repas de fêtes permettront à nos membres de célébrer le Nouvel-an juif et de partager des moments de joie en famille et entre amis. Inscriptions obligatoires auprès de la CIG. Informations sur notre site Internet CULTE ® SHUTTERSTOCK ® SHUTTERSTOCK 5 AVR I L-J U I L LE T 2022

Des consommables et des milliers d´articles de bureau https://shop.axius.ch info@axius.ch

SAVE THE DATE 20.09.2022 LE HANOUCA TALENT SHOW EN DÉCEMBRE Après le succès de la première édition, malgré un contexte rendu difficile par la pandémie de Covid-19, le Hanouca Talent Show a déjà donné rendez-vous aux graines de stars pour la fin de l’année : la date du concours a en effet été fixée au mercredi 21 décembre. Alors, si vous avez des dons de chanteur, d’humoriste, de magicien ou de danseur, n’hésitez pas à vous inscrire dès maintenant ! Vous aurez ensuite six mois pour peaufiner votre performance… Inscriptions sur notre site CCJJ ® SHUTTERSTOCK ® SHUTTERSTOCK UN DÎNER POUR LES PARENTS C’est une première ! À la rentrée, la CIG a décidé d’organiser un dîner pour tous les parents du GAN Yeladim. L’objectif de cet événement est de leur permettre de se rencontrer et de faire plus ample connaissance. Si une date a déjà été fixée pour ce repas, le mardi 20 septembre, le lieu n’a pas encore été défini. Alors, restez connectés, mais réservez déjà votre soirée ! Informations sur notre site Internet GAN 03-17.07.2022 04-05.10.2022 CAMP D’ÉTÉ EN SUISSE Pendant deux semaines (3-17 juillet), une centaine d’enfants du CCJJ, âgés de 6 à 17 ans, se retrouvera en Suisse romande pour un camp d’été qui s’annonce déjà dépaysant. Loin des parents, loin de leur cadre urbain, ils pourront profiter pleinement de la nature, de l’air pur et des activités qui rythmeront leur quotidien. De quoi nouer de solides amitiés et remplir leur album de souvenirs ! Informations sur notre site Internet CCJJ YOM KIPPOUR Cette année, la veille de Yom Kippour – Kol Nidré à la synagogue Beth Yaacov (19h) ou Lekha Eli à la synagogue Maison Juive Dumas (18h45) – aura lieu le mardi 4 octobre au soir. Le lendemain, mercredi 5 octobre, aura lieu Yom Kippour, Jour du Grand Pardon. Le jeûne de Yom Kippour commencera le mardi 4 octobre à 18h55 et prendra fin le mercredi 5 octobre à 19h53. Horaires disponibles sur notre site Internet CULTE POUR PLUS D'INFORMATIONS, CONSULTEZ NOTRE SITE INTERNET WWW.COMISRA.CH ADULTES PROGRAMME DES COURS POUR LA RENTRÉE Dès la rentrée 2022-2023, retrouvez tous nos cours pour adultes ! N’hésitez pas à vous inscrire dès à présent pour y participer ! Krav Maga Dès le jeudi 1er septembre : cours hebdomadaire avec Lior Zabari : à 18h30 pour les hommes et à 19h30 pour les femmes. Atelier d’écriture Dès le 20 septembre à 18h00: début de l’atelier mensuel avec Catherine Tuil-Cohen. Danses israéliennes Dès le mardi 6 septembre à 19h00 : cours hebdomadaire avec Patricia Maurer. Théâtre Dès le mercredi 7 septembre à 19h00: cours hebdomadaire avec Philippe Lüscher et Michal Kalfon. Inscriptions auprès du service culturel : culture@comisra.ch CCJJ ® SHUTTERSTOCK 7 AVR I L-J U I L LE T 2022

LA CHRONIQUE DU RABBIN LA TORAH ET LE PRÊT À TAUX D’INTÉRÊT Après avoir été interdit durant tout le Moyen-Âge par la chrétienté, le prêt à intérêt a commencé à se développer en Occident à partir du XVIe siècle, notamment sous l’impulsion de la Réforme protestante qui le considéra nécessaire au développement économique de la société. Aujourd’hui en Occident, le prêt à intérêt n’est plus sujet à discussion. Il s’est imposé comme une pierre angulaire de la modernité, que les crises économiques et financières n’ont jamais remis en question. Le judaïsme, lui, reste fidèle au message : la Torah l’a interdit et continue de l’interdire ! Quel est le sens d’une telle interdiction ? Ne nuit-elle pas au développement économique ? Quel projet de société envisage la Torah ? Y a-t-il une manière grâce à laquelle le prêt à intérêt serait permis ? Avant d’aborder l’interdit, notons qu’il est une mitsva de prêter de l’argent (Exode, ch. 22, v. 24). Im Késsef talvé ét ‘ami : « Si tu prêtes de l’argent à mon peuple. » Ét ‘hé’ani ‘imakh : « Au pauvre qui est avec toi. » Lo tihyé lo kénoshé : « Tu ne seras pas envers lui comme un créancier. » Lo téssimoune ‘alav néshekh : « Vous ne mettrez pas sur lui une morsure. » Rachi explique sur lo tihyé lo kénoshé : « Tu ne lui réclameras pas avec force. Si tu sais qu’ il n’a pas, ne te conduis pas envers lui comme si tu lui avais prêté, mais comme si tu ne lui avais pas prêté ; autrement dit, ne l’humilie pas. » En utilisant le mot « im» (si), la Torah semble dire que le prêt est un acte facultatif. Or, la Mékhilta (Midrash composé par les Sages de la Michna) rapporte que notre verset est l’un des trois seuls à faire exception à la règle habituelle. D’ailleurs, le verset 8 du chapitre 15 dans le Deutéronome : « ha’avèt ta’aviténou (tu lui prêteras) » en est la preuve. En se basant sur cette même Mékhilta, le Rambam compte la Mitsva de prêter aux pauvres dans la liste des 613 mitsvot et la considère comme supérieure à la Tsédaka (Rambam, Sefer hamitzvot, 197e Mitsva positive). Le Maharal de Prague (Nétivot Olam, Nétiv hatsédaka, ch. 6) explique que la Torah a volontairement utilisé la conjonction conditionnelle « si » pour préciser que le fait de prêter de l’argent n’a aucune valeur en soi, tant qu’on n’a pas appliqué la fin du verset : « tu ne seras pas envers lui comme un créancier, vous ne mettrez pas sur lui une morsure ». Cette explication du Maharal va de pair avec une loi tranchée par le Choul’han Aroukh (‘Hoshen Michpat, 97, 4). À trois reprises, la Torah interdit le prêt avec taux d’intérêt dans : • L’Exode, Parachat Michpatim, ch. 22, v. 24 ; • Le Lévitique, Parachat Béhar, ch. 25, v. 35, 36, 37 et 38 ; • Le Deutéronome, Parachat Ki Tétsé, ch. 23, v. 20 et 21. De ces trois passages bibliques, il ressort que : • L’interdiction s’applique aussi bien aux riches qu’aux pauvres ; • Il n’existe pas dans la Torah de notions de taux d’usure, c’est-à-dire de taux d’intérêt maximum autorisé (comme c’est le cas dans de nombreux pays où le taux d’usure peut varier entre 5 et 20%). La Torah interdit le prêt à intérêt, quel qu’en soit le taux ; • La Torah interdit tout type de prêt à intérêt, que ce soit un prêt à la consommation, un prêt immobilier ou un prêt entreprise. Des trois passages bibliques cités ci-dessus, la Torah utilise les termes Neshèkh et Tarbit pour désigner l’intérêt. Neshèkh est une morsure, comme l’explique Rachi (Exode, 22, 24) : l’intérêt est comme la morsure d’un serpent. Elle n’engendre (au début) qu’une plaie anodine et indolore au pied, puis subitement, elle gonfle et monte jusqu’à la tête. De même, l’intérêt semble (au début) imperceptible et insignifiant jusqu’à ce qu’il s’accumule et qu’il fasse perdre beaucoup d’argent. Ainsi, la Torah nous met en garde du caractère sournois et redoutable du prêt à intérêt. Notons qu’il s’agit d’une problématique d’actualité : D’une part, dans les pays industrialisés, le surendettement des ménages est devenu aujourd’hui un véritable problème de société. Certains pays ont franchi le cap de 2% de surendettement. La cause principale en est la banalisation du crédit à la consommation. D’autre part, il est question d’une éventuelle annulation de la dette des pays du tiers monde envers les pays industrialisés. Un des arguments majeurs en faveur de cette annulation consiste à dire que, par le paiement des intérêts, la dette a déjà été payée plusieurs fois et que, malgré tout, ces pays se retrouvent plus endettés. 8 LA CHRONIQUE DU RABBIN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 09

® SHUTTERSTOCK DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS, LE SURENDETTEMENT DES MÉNAGES EST DEVENU AUJOURD’HUI UN VÉRITABLE PROBLÈME DE SOCIÉTÉ. Le terme Tarbit (surplus) provient du mot harbé qui signifie « beaucoup ». En omettant la première lettre (le tav) du mot tarbit, on se retrouve avec le mot « ribit », qui signifie le prêt avec taux d’intérêt dans la littérature talmudique. Ces deux termes traduisent les deux aspects du prêt à intérêt : la morsure (Neshèkh) exprime la souffrance de l’emprunteur qui doit rembourser plus que ce qu’il a emprunté ; le surplus (Tarbit) exprime l’enrichissement du prêteur qui reçoit plus que ce qu’il n’a prêté. Pourquoi cette redondance ? Le texte ne les a distingués que pour rendre passible le prêteur à intérêt d’une double transgression (Bava Métsi’a, 60b). Le Maharal (Gour Aryé, Vayikra 25,37) explique ainsi que l’interdit de la morsure (Neshèkh) a pour enjeu le fait de mordre son ami, ce que la Torah interdit ; alors que le second interdit du surplus (tarbit) a pour enjeu le fait de s’enrichir de façon injustifiée. L’explication du Maharal soulève une autre question : pourquoi la Torah concernant le prêt à intérêt distingue-t-elle ces deux aspects pour le prêt à intérêt, alors qu’elle n’énonce qu’un seul interdit global pour le vol : « tu ne voleras pas » ? Le Maharal (Dracha léChabbat Hagadol, p. 208) explique que le ribit affecte le commerce, la subsistance (parnassa) et donc la vie de l’emprunteur. Le remboursement des intérêts étouffe son développement économique. En revanche, le vol ne touche pas en profondeur la vie de la victime, mais uniquement son argent. Il s’agit d’une atteinte ponctuelle qui n’affecte pas son développement économique futur. À la différence du prêt à intérêt où l’emprunteur est assujetti au remboursement futur des intérêts, la victime d’un vol conserve sa totale liberté d’action. Même si quelqu’un se fait voler toute sa fortune, rien ne l’empêche de se remettre au travail en repartant de zéro. En revanche, un emprunteur aux prises avec le remboursement des intérêts n’a pas de perspective d’avenir : son horizon est fermé. Des deux premiers passages bibliques cités ci-dessus, il ressort aussi que le juif peut prêter à intérêt à un non-juif. Du 3e passage, il est explicite qu’un non-juif peut prêter à intérêt à un juif (Deut. 23, 21). L’interdiction du ribit ne s’applique que lorsque le prêteur et l’emprunteur sont juifs. Cependant, la Torah aurait pu également interdire le ribit entre un juif et un non-juif (dans le souci d’assurer l’équité). Pourquoi la Torah a-t-elle limité l’interdiction du ribit entre Juifs ? Na’hmanide (Deutéronome, 23,20) propose la démarche suivante : le prêt à intérêt avec un non-juif est autorisé, contrairement au vol qui est interdit comme l’enseigne le Talmud (Bava Kama, 113b). Na’hmanide commence ainsi par rappeler que le Talmud interdit de voler un non-juif. Puis, il explique la différence fondamentale entre le ribit et le vol. Le prêt à intérêt se contracte par consentement mutuel, alors que le vol s’effectue sous la contrainte. Ainsi, le vol est contraire à la morale universelle, raison pour laquelle la Torah l’interdit de manière systématique. Le prêt à intérêt ne s’opposant pas à la morale universelle, la Torah l’autorise entre un juif et un non-juif. Cependant, par devoir de fraternité, il sera interdit entre juifs. En conclusion, l’interdiction du ribit est tellement importante qu’elle inclut toutes les parties prenantes au prêt : le prêteur, l’emprunteur, le garant, et les témoins. Certains ajoutent que même le scribe qui rédige le contrat du prêt (Bava Métsi’a, 75b) est concerné par le ribit. Il faut également préciser qu’il y a bien des modes de prêts à intérêt permis dans le cadre de la Halakha, mais qui dépassent cependant le cadre de cette chronique. Effectivement, ‘Hazal ont élaboré des structures appelées ‘Isska et Hétér ‘Isska qui permettent d’envisager un prêt entreprise et un prêt immobilier. Rav Dr. Izhak Dayan, Grand Rabbin 9 AVR I L-J U I L LE T 2022

WWW. BUXUMLUN I C . CH BuxumLunic | Agence de communication Rue Du-Bois-Melly 2, 1205 Genève info@buxumlunic.ch | +41 22 960 97 50 C M J CM MJ CJ CMJ N ai165477897428_BXL-ANNONCE CIG_190x133,5_FOGRA52_C.pdf 1 09.06.22 14:49 REACHING NEW HEIGHTS Gestion de fonds I Gestion d’actifs I Family Office www.bedrockgroup.com REACHING NE HEIGHTS

L’ENTRETIEN « J’AI AIMÉ ENSEIGNER, EXPLIQUER, VOIR UN ÉLÈVE PROGRESSER… » Après avoir dirigé un lycée du groupe ORT à Marseille pendant 30 ans, Maurice Cohen Zagouri est arrivé à Genève sur la pointe des pieds en 2013 pour s’asseoir dans le fauteuil de directeur de l’École Girsa. Fondée en 1981, avec un effectif de 12 élèves, cette école privée juive s’était installée à Veyrier, en 2003, dans un bâtiment flambant neuf, grâce à la générosité de trois hommes : Bruce Rappaport, Edmond Safra et Nessim Gaon – lequel vient de s’éteindre à l’âge de 100ans. Si la pandémie de Covid-19 a empêché l’établissement de célébrer ses 40ans en 2021, il a retrouvé son dynamisme grâce aux bons offices de ce directeur passionné par l’enseignement et l’épanouissement de ses élèves. Au moment de prendre une retraite bien méritée, Maurice Cohen Zagouri parle de sa carrière et de sa mission à l’école qui a changé récemment de nom – Beit Yossef Girsa – en l’honneur de Joseph Safra. L’école a pris un nouvel élan avec l’arrivée de Jacob Safra à la tête de la fondation. La famille Safra est connue pour ses réalisations philanthropiques à travers le monde entier, et en particulier pour son soutien aux écoles juives. Pourquoi avoir choisi de vous installer à Genève après tout ce temps passé à Marseille ? J’étais sur le point de prendre une préretraite. Comme j’avais commencé ma carrière jeune, j’avais de bonnes conditions de départ… C’est là que l’Alliance israélite universelle, alors aux commandes de l’École Girsa, m’a demandé de venir pour un dépannage. Elle avait besoin de quelqu’un d’expérience pour régler un problème de gouvernance. Cela aurait dû durer trois à quatre ans au maximum, j’en ai fait neuf… Quels ont été les problèmes rencontrés ? Quand j’ai découvert cette école, dans ce magnifique bâtiment, j’ai trouvé une équipe pédagogique de qualité, mais il y avait un souci dans le fonctionnement administratif, comptable ou gestionnaire. Cette période de flottement, avant mon arrivée, entraîna une perte de confiance de la part des parents : ils n’avaient pas d’interlocuteurs face à eux, ce qui a conduit à une fuite importante d’effectifs vers d’autres établissements. J’ai pris la direction de cette école avec 82 élèves. Aujourd’hui, je la quitte avec 243. Nous avons mis de l’ordre dans tous les domaines et nous avons regagné la confiance des parents. Comment s’y prend-on justement pour renouer le dialogue ? Par une présence dans la vie communautaire. J’ai tenu à habiter à Genève, et pas en France voisine, dans un quartier où il y avait de nombreux parents d’élèves. Par les contacts réguliers, j’ai pu, par petits pas, regagner cette confiance et les convaincre – de revenir pour certains ou d’inscrire leurs enfants ici pour d’autres. Pourquoi ce choix de travailler exclusivement dans le privé plutôt que dans le public ? C’est l’histoire de mon parcours qui m’a amené dans le privé. Au départ, je suis ingénieur diplômé en électronique. J’ai d’ailleurs fait l’école d’ingénieurs à Genève, à la rue de Lyon. Mais, alors que je me destinais à une carrière dans l’industrie, j’ai accepté, totalement par hasard, de faire un remplacement d’enseignant. J’ai découvert ce métier et j’ai adoré. J’ai trouvé extraordinaire cette action d’enseigner à des élèves et de leur transmettre des connaissances. Ce n’était pas du tout planifié comme ça. J’avais même signé un précontrat avec la société Alcatel à Paris. Qu’est-ce qui vous a vraiment plu dans cette profession ? Je dois vous décrire le sentiment précis qui m’a poussé à suivre cette voie… Je donne mon premier cours de mathématique et, à la fin, je perçois dans le regard des élèves en face de moi, qu’ils ont compris mon cours. À cet instant j’ai ressenti un immense plaisir. Je m’étais bien préparé, évidemment, mais ce plaisir-là, j’avais envie de l’approfondir et de le poursuivre. J’ai beaucoup aimé enseigner, expliquer, voir un élève progresser, changer, poser des questions intelligentes… Vous vous dites alors que vous faites quelque chose de bien ! On entend beaucoup d’enseignants, surtout dans le public, se plaindre des conditions de travail… Quel regard portez-vous sur cette problématique ? Je suis le premier à reconnaître que c’est une profession difficile. Dans le privé, il y a un contact encore plus important avec les parents, notamment dans le primaire. Cette relation est essentielle. Avec eux, il faut savoir communiquer... C’est un exercice difficile ! Un enseignant présente son cours, il l’explique, mais il doit aussi le défendre quand il est contesté. À L’ÉCOLE GIRSA, NOUS AVONS FAIT LE CHOIX DE L’EXCELLENCE. NOUS DEMANDONS UN TRAVAIL ACCRU AUX ÉLÈVES POUR LES ÉLEVER AU PLUS HAUT NIVEAU. 11 AVR I L-J U I L LE T 2022

Dans le privé, la relation est d’autant plus différente que les parents paient pour l’éducation de leurs enfants, non ? C’est une notion délicate à exprimer : les parents-clients ! Une école doit cependant garder le pouvoir de ses décisions. À l’École Girsa, nous avons fait le choix de l’excellence. Nous demandons un travail accru aux élèves pour les élever au plus haut niveau. Il y aura toujours un premier et un dernier, me direz-vous, mais quand le dernier présente une moyenne de 5,1, c’est beau ! J’attache néanmoins beaucoup d’importance à cette relation avec les parents. En tant que directeurs, nous sommes des communicants permanents : il faut parler avec les parents, expliquer votre travail, et, lorsque vous êtes transparent et honnête, même quand vous leur expliquez des choses qui ne leur conviennent pas, vous êtes respecté. Vous parlez d’excellence. Or, un enfant a des aptitudes au départ. Comment gérez-vous les différents niveaux dans une même classe ? Dans le primaire, nous avons mis en place une démarche avec le corps enseignant : au début de l’année, et dès les premières semaines de cours, chaque maîtresse repère les troubles qu’elle peut observer chez ses élèves – notamment tout ce qui touche aux troubles DYS. Dès que ce repérage est fait, nous prenons contact avec la famille. Nous conseillons alors un bilan auprès de professionnels. Puis, une fois que le trouble est avéré, nous mettons en place une remédiation : cours de soutien, séances chez un logopédiste, etc. Nous suivons la thérapie jusqu’à ce que l’élève fasse les progrès nécessaires. Nous essayons d’avoir une solution adaptée pour chaque situation. Combien de classes avez-vous dans votre école ? Actuellement, nous en avons une douzaine. La difficulté dans la direction d’une école privée, c’est de fidéliser ses élèves. Par rapport à la vie de l’école ou aux résultats. Par définition, dans le privé, un élève est libre de choisir son école. Il peut en changer chaque année s’il le souhaite. Mon travail de directeur consiste à ce qu’ils n’aient pas envie d’aller voir ailleurs et qu’ils poursuivent leur cursus scolaire, du primaire au secondaire 2, chez nous. ® JEREMY PHILIPPE – @J.PHILIPPE.PHOTOGRAPHY ® SHUTTERSTOCK 12 L’ENTRETIEN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 09

13 AVR I L-J U I L LE T 2022 Pourquoi avoir opté pour le baccalauréat français ? Pour répondre à la demande des élèves. Savez-vous combien d’écoles privées proposent le bac français à Genève et ses environs ? Dix-sept. Ce n’est donc pas un choix particulier de l’École Girsa, c’est un diplôme très demandé par le public genevois. Cela vient probablement du phénomène de turnover des familles à l’international : le bac français est plus connu à l’étranger que la maturité. Nous avons eu une première promotion il y a deux ans, avec 100% de réussite, et nous en avons une deuxième en cours actuellement. Quelles sont les matières traitées à l’école ? Notre contenu est le même que celui d’une école publique. Nous fonctionnons selon le PER (ndlr. Plan d’Études Romand), nous sommes donc reconnus et inspectés par le DIP. Mais, en plus, nous avons notre spécificité juive qui nous exhorte à mettre en place des cours de culture juive. Cela représente un emploi du temps, pour une classe équivalente, un peu plus lourd que dans le public. Est-ce fondamental pour la communauté juive d’avoir une école qui transmette cette culture à ses enfants ? La démarche des parents est simple. Ils ont à la fois l’envie de voir leurs enfants réussir leurs études et le souhait qu’ils reçoivent une culture juive complète, avec l’histoire du peuple juif, et Dieu sait si elle est riche, et de l’État d’Israël. Nous offrons cette partie-là. En plus des cours, cela se traduit par une célébration des dates importantes dans le calendrier hébraïque. Fixée au début de la journée scolaire, la prière fait aussi partie du package que nous offrons. Mais cela doit rester une pratique dans le temps scolaire. Nous nous interdisons de nous mêler de la pratique personnelle et familiale. Nous donnons un programme identique à chaque élève. Si certains sont plus libéraux ou plus orthodoxes que d’autres, nos élèves ont le point commun d’être juif : ils vivent et étudient très bien ensemble. Notre école promeut cet esprit d’ouverture. Vous avez choisi de tirer votre révérence à la fin de l’année scolaire. Pourquoi ? Après une longue carrière derrière moi, j’ai envie de souffler, de consacrer mon temps à mes loisirs, aux voyages et à ma vie familiale. Je suis marié à Anne, une Israélienne et nos trois enfants vivent en Israël. Ils y ont fait leurs études supérieures, ils y sont mariés pour certains. Aujourd’hui, nous ressentons le besoin de vivre à leurs côtés, avec nos petits-enfants. Vous savez, la pandémie nous a fait beaucoup de mal dans la relation avec nos enfants : nous n’avons pas pu nous voir aussi souvent qu’avant. J’ai moi-même été atteint par la Covid-19, j’ai été hospitalisé, et les enfants ont très mal vécu cette période. Cela a précipité notre décision. Quel bilan tirez-vous de ces 40ans de carrière ? Si c’était à refaire, je ne changerai rien. Je ne regrette pas de ne pas avoir fait carrière dans l’industrie. J’ai eu d’immenses moments de joie et de satisfaction dans l’enseignement en tant que professeur et en tant que directeur. Cela reste un métier dans lequel il faut une sacrée dose de passion, sinon, cela peut vite devenir difficile. Pour avoir été moi-même un jeune directeur, j’ai conservé cette démarche de donner régulièrement un premier emploi à un jeune universitaire qui veut se lancer dans l’enseignement. Et tous me l’ont bien rendu par de belles carrières d’enseignant. Avec votre départ, existe-t-il un risque que l’école se retrouve dans la même situation qu’à votre arrivée ? Pas du tout. Mon successeur a été choisi, désigné et engagé. Nous avons communiqué avec les parents. L’immense majorité des parents comprend ma démarche, tout en regrettant mon départ. Aujourd’hui, je fais en sorte que la transition soit la plus douce et la plus naturelle possible. Mon remplaçant est d’ailleurs déjà dans nos murs et prépare activement la rentrée de septembre à mes côtés. Je ne m’inquiète pas du tout pour l’avenir de l’école. Jean-Daniel Sallin www.beityossefgirsa.ch Maurice Cohen Zagouri, directeur de l’École Beit Yossef Girsa depuis 2013.

L'ENQUÊTE ISRAËL, EXPERT EN AGRICULTURE HIGH TECH L’État hébreu est devenu le verger de la planète en investissant massivement dans la recherche et le développement. Une méthode de micro-irrigation mise au point en 1965 lui a ainsi permis de transformer le désert du Néguev en terres fertiles. Père fondateur de l’État d’Israël, David Ben Gourion a visité le désert du Néguev, dans le sud du pays, pour la première fois en 1935. Son constat fut sans équivoque : dans cette région, il ne manquait que deux choses, de l’eau et des Juifs ! Il se mit alors en tête de transformer ces étendues stériles en terres fertiles. Une vision qu’il partagea dans un livre, Southwards, paru en 1956 : « Il est absolument vital pour l’État d’Israël, à la fois pour des raisons économiques et sécuritaires, d’aller vers le sud : nous devons diriger l’eau et la pluie vers là-bas, y envoyer les jeunes pionniers, ainsi que l’essentiel des ressources de notre budget de développement. » Plus de 60 ans plus tard, les dunes du Néguev sont devenues une sorte de Silicon Valley orientale, la fierté d’une nation à la pointe de la technologie en matière d’agriculture, de cybersécurité et de robotique. Mieux : Israël est surtout parvenu à « faire fleurir » ce désert. Située entre le Sinaï égyptien et la Jordanie, cette région – qui représente 40% de la surface du pays – est désormais considérée comme le verger de la planète. Comment ce pays – dont le climat aride, avec seulement 80mm de précipitations par an, est peu propice à l’agriculture – a-til pu devenir l’un des plus gros exportateurs de produits frais ? Qu’est-ce qui a permis à cet État, sans aucune tradition agricole, de fournir près de 80% des tomates cerises sur l’ensemble du globe ? L’ESSOR DES KIBBOUTZ Israël a d’abord adopté une politique volontariste : le gouvernement a versé des subventions aux personnes qui acceptaient de s’installer dans le sud du pays. Des aides qui permettaient souvent de financer le matériel nécessaire pour lancer une production agricole. Mais l’État s’est également basé sur sa propre histoire, avec l’essor des kibboutz dans les années 20-40, pour développer son agriculture. Ces communautés – dont les moyens de production et les bénéfices sont collectivisés – ne représentent aujourd’hui que 2% de la population, soit plus de 170000 personnes vivant dans ces 265 villages coopératifs, mais elles sont responsables de 45% de la production agricole. Restait à savoir comment amener de l’eau dans cette région désertique… Israël s’est très vite profilé comme un leader dans ce qu’on appelle l’AgriTech. Il est même le pays qui investit le plus dans ce domaine devant la Corée du Sud et le Japon. De nombreuses institutions et centres de recherches – Vulcani Center, Université Ben Gourion du Néguev, Institut Weizmann, Université hébraïque de Jérusalem, etc. – travaillent d’arrache-pied dans la lutte contre la désertification et forment des agronomes issus du monde entier. Et il n’est pas rare que les exploitations soient elles-mêmes reliées à ces « laboratoires » pour tenter de pallier le manque d’eau. ® SHUTTERSTOCK L’État d’Israël a développé un vaste système de désalinisation de l’eau de mer dans tout le pays pour pouvoir irriguer les champs. 14 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 09 L’ENQUÊTE

® SHUTTERSTOCK COMMENT LES DUNES DU NÉGUEV – QUI REPRÉSENTENT 40 % DE LA SURFACE DU PAYS – ONT-ELLES PU DEVENIR LE VERGER DE LA PLANÈTE ? DÉSALINISATION ET MICRO-IRRIGATION Depuis 1997 et l’ouverture de sa première station à Eilat, l’État d’Israël a d’abord développé un vaste système de désalinisation de l’eau de mer dans l’ensemble du pays : aujourd’hui, 80% de l’eau potable consommée sont passés par ces usines de dessalement. Une expertise, très convoitée, qui – soit dit en passant – lui a permis de normaliser ses relations diplomatiques avec des pays comme le Bahreïn, le Maroc ou les Émirats arabes unis. Grâce à la microbiologie, il a également été possible de recycler 86% des eaux usées dans l’irrigation des cultures. Un record mondial ! Et c’est justement dans la micro-irrigation qu’Israël s’est illustré… En 1965, l’entreprise Netafim, du kibboutz Hatzerim, à l’ouest de Beer-Sheva, a mis au point cette méthode innovante qui a littéralement révolutionné l’agriculture israélienne : le goutte-àgoutte alimente 80% des terres dans le pays. Avec l’apport des technologies digitales, elle est encore plus efficace : des applications connectées aux champs permettent à chaque agriculteur de doser précisément la quantité d’eau nécessaire à la plante en fonction des besoins de l’espèce et des variations d’humidité et de température. Avec un milliard de dollars de chiffre d’affaires et un tiers du marché mondial en 2019, Netafim est logiquement devenu le leader dans ce domaine. Aujourd’hui, Israël est l’un des plus gros producteurs et exportateurs d’agrumes (oranges, mandarines, pamplemousses, pomelos). Il cultive du blé, du sorgho et du maïs. Et de gigantesques palmeraies foisonnent à deux heures de route de Beer-Sheva. En plein cœur du désert. Évidemment, cette quête d’innovation s’accompagne de… dommages collatéraux. La consommation en eau est supérieure aux ressources renouvelables disponibles et la surexploitation des nappes phréatiques entraînera leur salinisation. Avec le réchauffement climatique et la consommation d’énergie des usines de dessalement (qui rend Israël fortement dépendante des centrales à charbon et à gaz), l’eau est devenue un enjeu préoccupant pour le pays et cette région qui se situe en deçà du seuil de stress hydrique. L’avenir de son agriculture passera donc par sa faculté à relever ce nouveau défi technologique. Jean-Daniel Sallin ® SHUTTERSTOCK Après avoir visité le désert du Néguev en 1935, David Ben Gourion, père fondateur de l’État d’Israël, s’est mis en tête de transformer ces étendues stériles en terres fertiles. 15 AVR I L-J U I L LE T 2022

NOUVEAUTÉ AFTERCOM : UN AFTER WORK (PAS) COMME LES AUTRES ® EMERIC CARON – AIGAL STUDIO Cet afterwork est né pour pallier un manque : la CIG ne proposait pas encore d’activité propre aux plus de 30 ans. Responsable communication et événements, Noémi Amatriain-Bernheim a lancé ce concept en mai dernier au Rumi’s Bar avec 80 personnes. Un franc succès ! La CIG a une offre d’activités plutôt riche. Par son large programme d’animations, le Centre Communautaire de la Jeunesse Juive (CCJJ) couvre les tranches d’âge de 6 à 30 ans. Le service culturel organise conférences, concerts et expositions destinés à toutes les générations. Le service social, lui, se concentre sur les seniors – les plus de 65 ans – à qui il propose chaque semaine des déjeuners et des excursions. Pourtant, aux yeux de Noémi Amatriain-Bernheim, responsable communication et événements de la CIG, il manquait quelque chose… FRÉQUENCE : UNE FOIS PAR MOIS ! «Au-delà des activités cultuelles et culturelles, la CIG ne proposait rien pour les plus de 30 ans », fait-elle remarquer. Ce sentiment est corroboré par des SMS qu’elle recevait de quelques amies qui s’inquiétaient de ne plus trouver de lieu pour « rencontrer du monde » et « tisser des liens sociaux ». «Moi-même, j’ai 36 ans, je suis mère de famille et j’aimerais pouvoir sortir en couple dans une atmosphère décontractée. » Elle en parle à Elias Frija, secrétaire général de la CIG. La réflexion remonte jusqu’aux oreilles du comité. De par sa formation à l’École Hôtelière de Lausanne, Noémi Amatriain-Bernheim prend logiquement les rênes de ce nouveau projet. L’idée de créer un afterwork arrive rapidement sur la table. Il faut lui trouver un nom. Noémi met à contribution ses collègues, Chirlie Sellam, assistante du Grand Rabbin Izhak Dayan, et Delphine Lok, secrétaire du service social : l’événement s’appellera Aftercom – pour « afterwork » et « communauté » ! Il aura lieu une fois par mois et proposera aux adultes de la communauté juive de Genève de se réunir autour d’un verre et d’un cocktail dînatoire, casher évidemment, pour échanger, faire connaissance, rire… Profiter de la vie, tout simplement ! UNE CROISIÈRE SUR LE LAC EN SEPTEMBRE La première soirée a eu lieu le 4 mai dernier au Rumi’s Bar, dans le quartier des EauxVives. Un franc succès ! « Les places étaient limitées, mais nous avons très vite atteint les 80 personnes espérées », précise Noémi Amatriain-Bernheim. «Nous n’avions pas fixé de limites d’âge, mais 80% des invités avaient entre 30 et 50 ans. » Couples, groupes d’amis, célibataires… Un joyeux melting-pot s’est retrouvé à la rue Henri-Blanvalet pour un joli moment de partage. «Après deux ans de pandémie, les gens ont vraiment envie de sortir et de savourer ces instants de joie. C’est toujours un bonheur de voir ces yeux qui pétillent et ces sourires sur les visages !» A-t-elle créé une attente ? Certains se sont déjà inscrits pour le prochain Aftercom. Les plus indécis – ceux qui veulent voir avant de décider – sont prêts à sauter le pas et à assister à la deuxième soirée. Une date est déjà confirmée pour la rentrée, juste après la pause estivale : le 14 septembre, l’Aftercom aura lieu sur le pont de la Neptune. Au programme : une croisière de 3 heures sur le lac et un cocktail dînatoire. Comme les places sont limitées à 60 personnes, il est conseillé de s’inscrire au plus vite. Mais cette soirée s’annonce déjà inoubliable. «C’est l’objectif que je me suis fixée avec cet afterwork : proposer du rêve dans des lieux d’exception… » Jean-Daniel Sallin 17 AVR I L-J U I L LE T 2022

L’HISTOIRE LE VÉLOCIPÈDE, UN REMARQUABLE OUTIL D’ÉMANCIPATION DES FEMMES Le Vélocipède, apparu en 1818 en Allemagne sous l’appellation initiale de Draisienne (engin à deux roues sans pédales) a d’abord été un objet de curiosité et un signe d’originalité plutôt réservé à la classe bourgeoise. Il ne connaît un engouement populaire qu’à partir de l’année 1861 lorsqu’un Français, Pierre Michaux, invente la Pédivelle – deux manivelles fixées en opposition sur l’axe de la roue avant – permettant la traction de celui-ci par un mouvement rotatif effectué par les pieds. LE VÉLOCIPÈDE, UNE RÉVOLUTION À L’ÈRE INDUSTRIELLE Le vélocipède devient rapidement un symbole : celui des progrès techniques accomplis dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Nouveau moyen de transport et de communication, simple et pratique, il révolutionne totalement la société en la faisant rentrer dans l’ère moderne. Mais en dehors de ses nombreuses applications dans le secteur économique, le vélocipède est aussi un formidable instrument de loisir qui invite à l’évasion, au voyage, à la liberté. Il devient aussi un facteur de santé, qui encourage à la pratique des activités physiques, au sport et à la compétition. Véritable fer de lance de ce mouvement naissant de Sportmen, il est à l’origine de la démocratisation des disciplines sportives qui, jusque-là, étaient réservées à une certaine élite de la société. Bien que majoritairement utilisé par les hommes, le vélocipède suscite aussi un intérêt de la part des femmes qui voient là l’opportunité de s’affranchir des contraintes quotidiennes dans lesquelles elles sont ordinairement enfermées. Le vélocipède, symbole de liberté, leur permet de sortir enfin des limites jusque-là imposées. Évidemment, cela ne se fait pas sans heurts. Les critiques sont alors très virulentes de la part d’une société qui est encore empreinte d’un grand conservatisme. Le corps médical lui-même, majoritairement méfiant à l’égard de la pratique de cette discipline nouvelle, ne cesse de clamer que le vélocipède, déjà nuisible au corps, s’avère être aussi un vecteur d’immoralité pour les femmes ! «On connaît l’effet négatif spécial produit sur les cyclistes mâles par l’usage du vélocipède ; il est prouvé que le même exercice produit l’effet contraire sur les cyclistes femelles qui trouvent là le moyen de s’adonner à des plaisirs qu’elles peuvent aisément cacher. » UN NOUVEAU CODE VESTIMENTAIRE L’adoption du vélocipède par les femmes aura aussi une incidence notable sur le code vestimentaire de l’époque. Robes, jupes longues, corsets et autres jarretières étant peu propices à l’utilisation de cet engin, ces dames commencent à se débarrasser de ces carcans encombrants. Ce fut l’apparition du fameux Bloomer, un ensemble composé d’un chemisier, d’un pantalon à la turque et d’une jupe courte destinée à masquer au mieux les parties du corps féminin qu’il n’était pas convenable d’exposer. Son succès fut immédiat, mais entraîna de vives réactions d’hostilité. Les prêtres consacrèrent par exemple des sermons entiers à l’immoralité de ce vêtement. En France, on interdit aux enseignantes de le porter pour se rendre à l’école et en Angleterre le port du Bloomer fut interdit dans les parcs publics. Malgré ces obstacles, les femmes persistèrent dans cette soif de liberté et bientôt des clubs féminins virent le jour af in que celles-ci puissent se déplacer en groupe et éviter ainsi le harcèlement sur la voie publique. Les esprits s’habituèrent cependant progressivement à voir des femmes en vélocipède et ces dernières f inirent par alléger encore plus leurs vêtements, abandonnant le Bloomer au prof it de pantalons et autres petits chemisiers qui, certes, cette fois-ci, dévoilaient plus visiblement leur anatomie. En 1895, un exploit retentissant va constituer un tournant dans la lutte pour l’émancipation des femmes lorsque l’une d’entre elles, Annie Cohen Kopchovsky, réussit l’impensable, être la première femme à accomplir un tour du monde en vélocipède, en solitaire et sans assistance. MISS ANNIE LONDONDERRY, L’AVENTURIÈRE FÉMINISTE Annie Cohen, née en 1870 à Riga, en Lettonie, est issue d’une famille d’émigrants juifs qui s’établissent à Boston, aux ÉtatsUnis, en 1875. Mariée à l’âge de 18 ans avec Simon Kopchovsky, un autre émigrant juif qui est colporteur, elle a trois enfants et travaille comme vendeuse d’encarts publicitaires pour des quotidiens de Boston. Bien qu’issue d’un milieu d’obédience orthodoxe, Annie Cohen Kopchovsky est animée par un tempérament très libéral et combatif qui la pousse à prouver qu’une femme peut également faire tout ce qu’un homme est capable d’accomplir. Le 25 juin 1894, elle se lance dans ce pari avec pour tout bagage quelques vêtements de rechange et un revolver à manche de nacre. Sponsorisée par la Londonderry Lithia Spring Water Company, qui commercialise de l’eau de source, elle accepte de prendre un nom d’emprunt durant son périple, celui de Miss Annie Londonderry. 18 L’HISTOIRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 09

® WIKICOMMONS (DOMAINE PUBLIC) ® MUSÉE DU VÉLO DE CHIPIS, SUISSE Partie de Boston, en robe longue et avec une bicyclette Columbia pesant plus de 20kg, elle opte très rapidement pour un short-culotte féminin et un modèle de vélo plus léger, le Sterling de marque anglaise. Son périple autour du monde durera 15 mois, en allant à la rencontre de populations et de cultures diverses, mais aussi de déconvenues physiques et de situations dangereuses. De retour sur le sol américain le 23 mars 1895, elle entame la dernière partie de son parcours depuis San Francisco et traverse les États-Unis jusqu’à Boston où elle arrive le 24 septembre de la même année. UNE ARME ÉMANCIPATRICE Les retombées de l’exploit sont considérables, tant aux États-Unis qu’en Europe où Annie devient un symbole, celui qui incarne la femme moderne. Dans les années qui suivent, les mouvements féministes s’inspireront de son exemple dans les combats qu’elles mèneront pour l’égalité des droits. Le vélocipède, appelé aussi entre-temps bicyclette, devient alors une arme de communication émancipatrice que ces dames n’hésitent pas à exhiber dans leurs actions. Comme l’indiquera la grande militante suffragiste américaine Susan B. Anthony, « la bicyclette a fait plus pour l’émancipation des femmes que n’ importe quelle chose au monde. Je persiste et je me réjouis chaque fois que je vois une femme à vélo ». Dans le long processus vers l’égalité des droits, le vélocipède tient à n’en pas douter une place prépondérante. Il fut pour les femmes celui qui leur permit de gagner la première des grandes batailles dans cette lutte inlassable, qui perdure encore aujourd’hui, car nombreux sont les écueils qui sont encore à franchir avant de pouvoir espérer goûter à une victoire finale. Alors Mesdames, lorsque vous enfourcherez à nouveau votre bicyclette, prenez le temps de penser que vous avez entre les mains un curieux engin qui a contribué à changer votre destinée et celle de toute une société. Jean Plançon Annie Cohen Kopchovsky a mis 15 mois pour réaliser son tour du monde en vélocipède, en solitaire et sans assistance. Son exploit aura des retombées considérables aux États-Unis et en Europe : elle devient l’incarnation de la femme moderne ! 19 AVR I L-J U I L LE T 2022

GÉREZ-VOUS CORRECTEMENT VOS RISQUES? DISCUTONS ENSEMBLE DU MEILLEUR MOYEN DE LES IDENTIFIER, LES ÉVITER ET LES ASSURER. EN AVANT, SEREINEMENT. Nous vous conseillons de manière globale dans les domaines de la gestion des risques, de l’assurance et de la prévoyance et contribuons de manière signi- ficative à votre succès durable. Bénéficiez de notre expertise dans votre secteur d’activité pour la gestion des risques assurables et non assurables de votre entreprise. www.kessler.ch

LE REPORTAGE LES « SHINSHINIMS », CES GRANDS FRÈRES VENUS D’ISRAËL ® EMERIC CARON – AIGAL STUDIO 21 AVR I L-J U I L LE T 2022

® EMERIC CARON – AIGAL STUDIO Les deux jeunes Israéliens ont animé toutes les activités du Centre Communataire de la Jeunesse Juive de la CIG. Fraîchement diplômés de l’école secondaire, deux Israéliens de 18 ans, Yoav Kaplan et Yali Lichter, viennent de passer dix mois au sein de la communauté. Un an de volontariat avec la mission de faire rayonner la culture et l’histoire de l’État d’Israël auprès des jeunes. Entre cours d’hébreu et activités ludiques. C’est devenu une tradition. Depuis un an, les jeunes du CCJJ, âgés de 14 à 17 ans, se retrouvent tous les mardis à l’Israéli Bar, à l’avenue Dumas. Au programme : matches de la Ligue des Champions, parties de billard ou de babyfoot, musique, boissons et amusebouche ! Mais, en cours de soirée, il y a un passage obligé, une parenthèse dans cette routine parfaitement organisée : pendant une trentaine de minutes, on leur propose un jeu en hébreu. Une manière ludique de se familiariser avec la langue, mais aussi d’en apprendre un peu plus sur la culture et l’histoire d’Israël. Cette idée a germé dans l’esprit de Yoav Kaplan et Yali Lichter. Responsable du CCJJ, Guillaume Cohen leur avait laissé carte blanche pour créer une activité destinée aux 14-18 ans. L’Israéli Bar est né comme ça. Après deux mois de conception. Mais il ne représente qu’une goutte d’eau dans l’emploi du temps bien rempli de ces deux garçons. Arrivés à Genève en août 2021, ils ne sont pas venus passer des vacances au bout du lac. Ils ont une mission à remplir : fraîchement diplômés de l’école secondaire, Yoav et Yali sont des « shinshinims ». Ce programme mis en place par l’Agence juive envoie en effet près de 200 jeunes Israéliens à travers le monde pour une année de bénévolat dans la diaspora. Avec le mandat de faire rayonner leur culture dans les communautés. LES RÉALITÉS D’UN PAYS « Chaque année, il y a des milliers de jeunes Israéliens qui rêvent de participer à ce programme et se présentent au concours », explique Guillaume Cohen. «Mais il faut avoir un certain nombre d’aptitudes pour être sélectionné : maîtriser l’hébreu et l’anglais, avoir des connaissances sur Israël au niveau économique, culturel et géopolitique, connaître l’histoire biblique… Ce sont des super-ados ! » Avant d’accomplir leurs trois ans de service militaire, obligatoires en Israël, ces « ambassadeurs » profitent donc de ces dix mois pour voyager et, surtout, pour partager leur vision personnelle de leur pays. «Nos enfants ont pris l’habitude de passer leurs vacances à Eilat ou à Tel-Aviv », explique Guillaume Cohen. «Mais il nous paraît essentiel qu’ ils puissent comprendre ce que représente cet État – dont on parle souvent dans les médias pour dire tout et son contraire. Il n’y a aucune ambition politique, ce n’est pas du lavage de cerveau ! L’objectif est simplement de montrer les réalités d’un pays et de créer un lien avec lui pour en comprendre toutes les nuances. » Jusqu’en 2021, pourtant, les shinshinims ne se sont jamais arrêtés en Suisse. On les croisait partout en Amérique du Nord, en Afrique du Sud ou en Amérique latine. Mais, malgré une diaspora influente et importante, Genève restait en retrait. Il a fallu l’impulsion de Joel Herzog, membre de la communauté locale, pour que la situation évolue : il est le frère d’Isaac Herzog, président de l’État d’Israël depuis le 7 juillet 2021 et ex-dirigeant de l’Agence juive, instigatrice de ce programme national. L’idée a vite fait l’unanimité. Un partenariat s’est alors dessiné entre la CIG, la synagogue Hekhal Haness et l’École Beit Yossef Girsa. Restait à trouver les oiseaux rares… AGENDA D’AMBASSADEURS «Nous avons défini un profil », précise Guillaume Cohen. « À nos yeux, il était clair que nos shinshinims devaient avoir une certaine expérience avec les jeunes. Nous en avons ensuite rencontré quelques-uns, via Zoom, un peu comme on le ferait pour un entretien d’embauche. » Leur choix s’est porté sur Yoav et Yali. L’un vit à Jérusalem, l’autre est originaire de Modiin. «Ce sont deux jeunes sympathiques qui ont su apporter beaucoup de gaieté dans notre communauté. » Le duo s’est en tout cas parfaitement intégré. « À notre arrivée, la barrière de la langue nous a un peu compliqué les choses », disent-ils en chœur. «Mais nous avons pris des cours de français et nous avons pu assez vite nous faire comprendre… » 22 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 09 LE REPORTAGE

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE4MDE=