CIG Magazine N°13

logements avoisinants ou pour éviter que les turbines ne tournent à vide sur le tarmac. Nous incitons les compagnies aériennes à voler avec des avions de nouvelle génération (ndlr. la classe 5) qui sont 40% moins bruyants et moins gourmands en kérosène. Nous sommes aussi très attentifs sur le nombre de départs retardés après 22 heures, en mettant en place un système dissuasif de quotas qui oblige les compagnies aériennes à limiter les retards. Croyez-vous à l’arrivée des avions électriques ? À l’horizon 2025, nous devrons proposer 2% de Sustainable Aviation Fuel (SAF) qui réutilise du carbone produit pour l’injecter dans l’essence. L’électrique, je n’y crois pas trop pour l’instant. Le futur, ce sera plutôt ce carburant, plus orienté vers le développement durable, et, à un plus long terme, l’hydrogène. En attendant, les plus grandes mesures à prendre, c’est dans l’éducation. Vous irez toujours en avion à Los Angeles pour étudier ou en vacances en Afrique. Vous n’irez jamais en bateau, car cela polluera plus. On estime d’ailleurs que, dans les avions de nouvelle génération, on consomme deux litres de carburant au 100 km par passager pour un avion à trois-quarts plein. Vous pouvez donc descendre à Nice pour 5-6 litres d’essence. Sur l’Europe, l’avion n’est pas le moyen de transport le plus polluant. Avec le Covid, on pensait que les gens changeraient leurs habitudes de voyage. Trois ans après, on a l’impression que tout est oublié... Encore une fois, il y a une différence entre celui qui va aux États-Unis pour deux jours ou pour deux semaines... Il y a une envie de voyager qui a été réprimandée. Aujourd’hui, on observe néanmoins que, dans le monde des affaires, ça n’a pas repris aussi bien qu’on l’espérait : on pense retrouver les chiffres de 2019 en 2024-2025. On parlait aussi à l’époque de 25 millions de passagers pour 2030. Désormais, on pense qu’on atteindra à peine ce chiffre à l’horizon 2040-2050. Les habitudes changent, mais l’avion reste un moyen peu polluant pour voyager. Vous évoquiez de nouveaux revenus pour l’aéroport. Quels seraient-ils ? Ce sera à la nouvelle équipe de la direction générale et du conseil d’administration de faire ces choix-là. Mais le message est là : nous avons 1030 employés, soit 970 EPT, un trafic de 15-18 millions de passagers par an et un certain chiffre d’affaires. Comme nous prévoyons une stagnation autant pour le trafic aérien que pour le nombre de passagers, je trouverais regrettable de ne pas essayer de créer de la valeur ajoutée ailleurs pour préserver les emplois actuels. Nous venons de construire une nouvelle aile d’embarquement à 640 millions dans le secteur est. Il est temps que ce terminal des années 60, prévu pour 5-7 millions de passagers, soit également rénové et mis aux standards d’une ville internationale comme la nôtre – ce qui représenterait un autre investissement de 620 millions. Nous avons perdu tous nos fonds propres pendant le Covid et, si elle s’est améliorée depuis deux ans, nous restons dans une situation financière relativement précaire. En revanche, nous souhaitons rester indépendants, c’est-à-dire ne pas être subventionnés. Il faut que nous puissions continuer à payer notre contribution à l’État, à investir, à emprunter sur les marchés... Dans quel état d’esprit quitterez-vous votre poste en 2024? Apparemment, il y a une vie après Genève Aéroport ! Il faut la trouver. Je suis heureux de mon dernier mandat en tant que président et vice-président. C’était une expérience fabuleuse. Je suis prêt à utiliser tout ce que j’ai appris en termes de gouvernance d’entreprise à l’extérieur, dès que mon mandat sera terminé. Qu’est-ce que le fait d’être aux commandes d’un avion vous apporte-t-il personnellement ? La sensation est indescriptible. J’oublie mes problèmes pendant deux heures, j’ai une impression de hauteur... Voler, c’est toujours anticiper ce qui va se passer. Un beau vol, surtout quand il se révèle compliqué, c’est lorsqu’on a réussi à être tout le temps en amont. C’est pourquoi il est important de s’entraîner régulièrement. Vous êtes aussi entrepreneur : est-ce que cela vous aide dans vos affaires ? Non. Parce qu’en avion, il faut savoir renoncer, s’abstenir... Dans les affaires, on ne peut pas toujours. Une fois qu’on a saisi une opportunité et qu’on s’est lancé, il n’y a qu’une seule sortie possible : par le haut. Ce que l’aviation m’a surtout appris, c’est la rigueur, la méthode et le contrôle de soi. Dans vos passions, vous parliez de la famille, de l’aviation... Et l’horlogerie ? Cela reste une de mes passions, mais soyons honnête, ce n’est pas l’aviation... Ce que j’aime par-dessus tout, c’est le développement d’affaires. J’aime ce passage de la feuille blanche à la création d’emplois, à la commercialisation et aux retours clients. J’aime la montre, le produit, mais en soi, je pourrais le faire avec autre chose. Ce qui me fait avancer, c’est la gestion du changement, la recherche des solutions, le dépassement de soi, la transformation des idées en concret. Peut-être qu’il fallait quelqu’un comme moi – un président LA RENCONTRE 12 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 3 Pierre Bernheim a appr is à voler avec son grand-père, Raymond Weil . I l a hér ité de son avion après son décès en 2014.

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