CIG Magazine N°13

PIERRE BERNHEIM : « J'AI UN CŒUR QUI BAT POUR MA FAMILLE, UN AUTRE POUR L’AVIATION » TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Directeur des ventes chez Raymond Weil pendant six ans, CEO du Groupe Picchiottino en Haute-Savoie, Pierre Bernheim est devenu président du conseil d’administration de Genève Aéroport en 2022. Père de trois enfants, passionné d’aviation, il est surtout un entrepreneur lucide et raisonné qui aime développer des affaires et qui ne craint pas le changement. Il nous parle de son grand-père, du futur de l’aéroport, d’horlogerie et des valeurs qui l’animent au quotidien. Vous êtes devenu président du conseil d’administration de Genève Aéroport dans des conditions particulières (ndlr. à la suite du retrait de Corine Moinat, alors en conflit avec le Conseil d’État). Avezvous hésité à prendre ce poste ? J’étais administrateur depuis 2010, puis je suis passé au bureau du conseil d’administration en 2016. Ce bureau est en quelque sorte le bras armé du conseil d’administration : il en gère les décisions et en constitue le lien avec la direction générale. Après avoir été nommé vice-président en 2019, j’ai reçu un appel de Serge Dal Busco, conseiller d’État, me proposant de remplacer Corine Moinat. Ce mandat s’arrêtera en 2024, je serai à la fin de mes années de disponibilités selon la LOIDP. Puisque j’ai terminé tous les sujets stratégiques en cours, il est préférable qu’une nouvelle équipe prenne ma succession et suive Mme Nathalie Fontanet sur les cinq prochaines années. Pourquoi être entré comme administrateur à l’aéroport ? J’ai un cœur qui bat pour ma famille et un autre pour l’aviation et les affaires. Je suis moi-même pilote professionnel. J’ai appris à voler dès mon plus jeune âge avec mon grand-père, Raymond Weil, fondateur de la marque de montres éponyme. Malgré un handicap, j’ai réussi à passer cette licence professionnelle – dont je suis très fier – mais j’ai vite compris que je ne pouvais pas en faire ma profession. J’ai donc trouvé un bon compromis : travailler dans le monde aérien sans être pilote. J’ai appris qu’il y avait un conseil d’administration... J’ai tenté ma chance, j’ai écrit au Conseil d’État, et ça a marché du premier coup ! Quel bilan pouvez-vous tirer de ces années? Ce fut une magnifique expérience. Sous ma présidence, nous avons pu travailler de manière approfondie sur la stratégie 20302040 de l’aéroport, entérinée avec la nomination du nouveau directeur général, Gilles Rufenacht. Nous avons connu le Covid, avec un aéroport à l’arrêt complet, nous avons aussi dû traiter une énorme affaire de corruption... Et puis, avec mon conseil d’administration, j’ai pu prendre les décisions nécessaires pour affronter le monde de demain. J’ai trois enfants en bas âge (ndlr. 10, 8 et 5 ans) et leur vision du développement durable n’est plus du tout corrélée à la nôtre. Le réchauffement climatique est présent, l’aviation doit s’adapter. Aujourd’hui, beaucoup de gens voyagent encore, l’aéroport est plein, mais, si nous pouvons toujours compter sur une croissance de développement, ce ne seront plus les 6% ou 10% que nous avons connus par le passé. Cet été, il y a eu cette grève assez dure des employés qui a paralysé l’aéroport pendant quatre heures pour dénoncer la nouvelle grille salariale... Pouvait-on l’éviter ? Nous sommes soucieux de nos dépenses dans un monde où nous ne pensons plus croître de la même manière. L’une des décisions majeures sur lesquelles nous travaillons, c’est tendre vers une diversification du modèle d’affaire, c’est-à-dire adapter notre aéroport, afin qu’il devienne un centre de mobilité compétitif et convivial – dont la desserte aérienne répond aux besoins de Genève, de ses citoyens et de la Genève internationale. Nous souhaitons transformer cet aéroport en centre de connectivité. Nous prévoyons une croissance de 1%, mais elle peut aussi être seulement de 0,8%, voire négative. Comme nos charges augmentent également, il est temps de trouver du revenu ailleurs et de se diversifier, tout en conservant le cadre légal qui est le nôtre. Parfois, il y a donc des décisions à prendre, qui ne sont pas toujours faciles. Mais le futur ne sera plus le même et je ne veux pas être le président d’une institution qui n’a pas vu ou senti que les choses sont en train de changer. Comment gérer la colère des riverains qui n’en peuvent plus du bruit de l’aéroport ? J’aurais pu, dans ma jeunesse, espérer qu’on devienne l’un des concurrents numéro 1 des grandes plateformes internationales. Aujourd’hui, je ne le souhaiterais pour rien au monde. La Confédération veille rigoureusement à réguler le bruit – avec le plan sectoriel de l’infrastructure aéronautique (PSIA). Nos actions sont multiples. Nous faisons énormément pour insonoriser les 11 OC TOBRE 2023 – JANV I ER 2024 LA RENCONTRE

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