CIG Magazine N°11

® DR ® AIGAL STUDIO Le matin du vendredi 3 juillet 1936, dans la salle du Conseil général de la S.D.N., il interrompt le discours du délégué espagnol Augusto Barcia, s’écrie « Je suis la dernière victime », puis se tire une balle en pleine poitrine. Lux ne meurt pas sur le coup. Transporté à l’hôpital, il décèdera quelques heures plus tard, à neuf heures du soir. Durant son agonie, il a fait appeler Salomon Poliakoff, le Grand Rabbin de Genève, qui recueille ses dernières confidences. Lux lui demande de pardonner son geste et de pouvoir être enterré parmi les siens. Lors des obsèques au cimetière israélite de Veyrier, une foule immense est présente, ainsi que de nombreuses personnalités étrangères. Robert Dell, rédacteur du Manchester Guardian, termine les hommages ainsi : « Štefan Lux, que pouvons-nous dire de votre geste ? Geste inutile peut-être, mais geste héroïque, geste d’abnégation suprême. Nous pouvons au moins assurer devant votre cercueil que nous n’abandonnerons jamais la cause de la solidarité humaine, pour laquelle vous avez sacrifié votre vie, et que nous ne serons jamais neutres devant le crime. » Vœu pieu, mais sans lendemain. Lux espérait par son geste être la dernière victime du nazisme. Il sera la première, au moins sur le plan médiatique. Il ne réussira pas à réveiller la conscience des hommes et d’un monde qui allait sombrer dans la barbarie. 87 ans après son geste désespéré et 78 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la portée du message de Štefan Lux semble pourtant toujours d’actualité comme pour nous rappeler, ou nous avertir que, malheureusement, l’histoire ne s’avère être souvent qu’un éternel recommencement dont les effets peuvent à nouveau être dévastateurs. Le regretté Michel Halpérin, en homme éclairé, nous le disait encore il y a quelques années : «Malgré les apparences, aucune intégration n’est jamais totalement achevée. Le besoin, pour une collectivité, de désigner en son propre sein, un bouc émissaire, peut surgir et ressurgir, en fonction des circonstances. Les peuples les plus sages et les plus civilisés ne sont pas totalement immunisés. Et savoir que ces dérives, à la fois tragiques et ridicules, sont possibles, ne suffit pas à les prévenir. » Hommage au journaliste Štefan Lux en novembre dernier au cimetière israélite de Veyr ier-Étrembières. Un nouveau monument funéraire, réalisé par le sculpteur Michel Gillabert, a été inauguré. 21 JANV I ER-MARS 2023

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