CIG Magazine N°11

ŠTEFAN LUX, L’ÉCLAIREUR DES CONSCIENCES TEXTE JEAN PLANÇON Le vendredi 25 novembre 2022, au cimetière israélite de Veyrier-Étrembières, s’est déroulée une cérémonie commémorative en hommage au journaliste Štefan Lux qui, le 3 juillet 1936, se donna la mort au cours d’une session de la Société des Nations à Genève et ce, dans le but de réveiller les consciences des grands de ce monde et alerter des dangers du régime nazi. À l’occasion de cet événement, un nouveau monument funéraire, financé par un généreux mécène resté anonyme, et réalisé à l’identique de l’original qui avait considérablement souffert du temps, a été inauguré en présence de plusieurs diplomates étrangers, dont ceux de Slovaquie, d’Autriche, d’Allemagne et de la République tchèque, ainsi que de représentants d’institutions juives, dont celui du Congrès juif mondial et de la Communauté Israélite de Genève. C’est le sculpteur veyrite, Michel Gillabert, qui a été mandaté pour la réalisation de ce monument de style Art déco aux gravures en lettres de plomb, une technique aujourd’hui abandonnée par la plupart des marbriers, mais encore maîtrisée par notre sculpteur local. C’est également lui qui a été mandaté pour un projet de réalisation d’un monument buste en marbre destiné à être placé sur l’espace public genevois, peut-être face au Palais Wilson, ancien siège de la S.D.N, pour rappeler le geste désespéré de celui qui est considéré comme un des tout premiers lanceurs d’alerte au cours de cette période préliminaire à la Seconde Guerre mondiale. Ce projet est soutenu par l’Association du Patrimoine juif genevois, le Congrès juif mondial, ainsi que par les États d’Allemagne et d’Autriche. Il est en cours d’évaluation par les autorités genevoises. Mais qui était Štefan Lux, cet homme qui repose dans le cimetière israélite de Veyrier-Étrembières depuis 1936 et dont le sacrifice avait presque disparu de nos mémoires ? Né le 4 novembre 1888 à Vienne, il est originaire de Malacky, autrefois en Hongrie, aujourd’hui en Slovaquie, où sa famille est établie. Après avoir achevé son gymnasium à Bratislava, il entame des études de droit à l’université de Budapest mais abandonne après deux examens ratés. Il s’oriente dès lors vers une carrière dans le théâtre. Il part pour Vienne pour sa formation puis est engagé au Deutsches Theater de Berlin. Il publie alors un premier volume de poèmes Meine Lieder, sous le pseudonyme de Peter Sturmbusch. On le retrouve ensuite sur les planches de la Neue Bühne de Vienne, pour les saisons de 1913 et de 1914, avant que la guerre éclate. Il s’engage dans la Honvéd, armée territoriale royale hongroise, où il est frappé par le typhus avant d’être blessé par une balle au poumon. À peine remis, il retourne au front et est à nouveau blessé, au point de perdre plusieurs mois l’usage d’un bras. Il finit la guerre comme officier. Dans les années 1920, Štefan Lux s’installe à Berlin où il travaille dans le domaine du cinéma et où il publie à nouveau un volume de poèmes avant de partir s’installer à Prague. Dans l’intervalle, en Allemagne, la politique hitlérienne se propage et se répand en Europe orientale. Štefan Lux, conscient des dangers, veut secouer l’opinion publique, faire réagir les dirigeants du monde et encourager les Juifs à la résistance. Il décide alors de venir à Genève, de se faire admettre dans la salle du Conseil général et, lors d’une séance, de prononcer devant les hommes d’État stupéfaits un discours enflammé d’avertissement et de réveil des consciences. Arrivé à Genève, il assiste à quelques séances de la S.D.N. et comprend très vite que devant cette assemblée, un discours enflammé serait sans le moindre effet. Il fait le point, puis rédige un Mémorandum, destiné à Sir Anthony Eden, le Ministre britannique, seul, selon Lux, capable d’enrayer la machine infernale. Dans sa lettre, il explique les motivations de son acte et en souligne l’importance par son geste désespéré. Il dénonce le réarmement de l’Allemagne et prédit une « catastrophe mondiale ». ® AIGAL STUDIO ® DR « ŠTEFAN LUX, QUE POUVONS-NOUS DIRE DE VOTRE GESTE ? GESTE INUTILE PEUT-ÊTRE, MAIS GESTE HÉROÏQUE, GESTE D’ABNÉGATION SUPRÊME. » Štefan Lux est considéré comme l ’un des premiers lanceurs d’alerte. L’HISTOIRE L’HISTOIRE 20 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 1

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