CIG Magazine N°08

plantes sous leur microscope. L’exemple typique est le séquençage des génomes. Une expérience produit typiquement des pétabytes de données. Sans ordinateurs, impossible d’analyser ça. De nos jours, il n’y a plus de recherche biomédicale sans assistance de l’informatique. C’est un domaine qui s’est énormément développé depuis le début des années 80. En 1998, quand nous avons créé le SIB Institut Suisse de Bioinformatique, nous étions 20 personnes entre Lausanne et Genève. Aujourd’hui, nous comptons plus de 800 scientifiques dans 12 villes de Suisse. C’est une science qui a considérablement évolué et pris de l’importance ? Jusqu’en 2014, la bioinformatique était presque exclusivement utilisée pour la recherche. Depuis, un nouveau chapitre s’est ouvert et la bioinformatique est utilisée pour la médecine et la santé, à travers la médecine personnalisée, ou médecine de précision, les big data générées par les nouvelles technologies d’analyses de laboratoires étant directement utilisées, grâce à la bioinformatique, pour poser un diagnostic et pour le choix des traitements, et aussi pour la médecine prédictive. Avez-vous quelques exemples concrets pour qu’on comprenne mieux ? L’exemple le plus typique est l’utilisation de données génomiques pour le diagnostic précis des diverses formes d’un cancer et pour la détermination du traitement le plus approprié. Par exemple, on sait aujourd’hui qu’il y a une multitude de types de cancer du sein. En analysant le génome de la personne, on peut identifier le type exact de cancer et déterminer la sévérité de la maladie. Un traitement adapté sera ensuite déterminé en fonction de ces données. Inutile d’intervenir chirurgicalement si un traitement médicamenteux est suffisant. A l’inverse, on sait aujourd’hui que pour certains variants, une telle intervention est nécessaire. Je pense à une autre application concrète qui a été développée dans l’institut que je codirige. C’est le test prénatal non invasif. Avant, pour déceler les anomalies chromosomiques du fœtus, on devait procéder à une amniosynthèse, un geste qui représentait un risque pour le fœtus. Or, il a été a constaté que de l’ADN du fœtus se trouve dans le sang de la femme enceinte. Aujourd’hui, à partir d’une simple prise de sang et grâce à un algorithme développé chez nous, on peut analyser l’ADN du fœtus et déceler les éventuelles anomalies chromosomiques, d’une manière non invasive, sans risque et plus précocement. Ainsi, le premier test prénatal non invasif commercialisé en Suisse utilisait un logiciel bioinformatique développé au SIB. Vous êtes à la tête de cet Institut entre Genève et Lausanne, vous êtes très impliqué dans la communauté… Qu’est-ce qu’une journée type de Ron Appel ? En règle générale, ma journée commence par une heure de chant, avant de me consacrer au SIB. Outre la responsabilité stratégique et opérationnelle globale de l’institut, mon rôle est un rôle de supervision et de soutien à nos départements. C’est aussi beaucoup de relations publiques, notamment avec nos institutions partenaires comme les universités, les EPF, ou les autorités fédérales. Et évidemment des centaines d’échanges de mails et de documents. Le tout entrecoupé par de nombreux emails ou échanges Whatsapp avec mes collègues du Comité de la CIG, son Secrétaire Général ou son Directeur financier et de réunions y relatives. Rien qu’aujourd’hui, je viens trois fois à la CIG en moins de 24 heures. Je cours toujours derrière le temps, jusqu’à en oublier parfois d’en consacrer un peu à mes passions… Justement, à ce sujet, vous pratiquez le chant classique en tant que baryton. D’où vient cet amour de la musique ? Je l’ai vraisemblablement hérité de mes parents. Il y avait toujours de la musique à la maison. Mon père écoutait beaucoup de musique classique, beaucoup d’opéra. Il n’était pas musicien mais il aurait probablement pu l’être car il avait de belles dispositions. Sans jamais avoir appris la musique, il était capable de s’assoir à un piano et de jouer, avec ses dix doigts. Enfant, j’ai fait du violoncelle pendant dix ans. J’adorais jouer mais un peu moins travailler… Quand j’étais adolescent, j’avais déjà une jolie voix. Je me souviens que le rabbin de Bienne m’avait enseigné quelques offices que j’ai chantés à la synagogue. Quand je suis venu à Genève, je me suis inscrit au chœur universitaire. J’ai trouvé tellement génial de chanter que je me suis vite inscrit au conservatoire de musique, en classe de chant. Chanter, c’est d’abord un plaisir physique. Il y a bien sûr un plaisir intellectuel si on aime la musique, mais c’est aussi physique car c’est tout le corps qui s’active pour ça. C’est très sportif. Si j’arrête de chanter trois semaines, il me faut trois mois pour retrouver mon niveau. C’est très émotionnel aussi. Quand je suis revenu des USA après mon postdoc, j’ai repris des cours de chant avec une professeure privée. Ce sont vraiment les concerts qui me motivent. Avant la pandémie, je donnais entre deux et sept concerts par année, le plus souvent à Genève mais aussi ailleurs. Avez-vous déjà eu envie d’en faire votre profession ? Je me suis posé la question une seule fois, avant de commencer ma thèse de doctorat. J’ai opté pour l’informatique. Je n’étais pas certain d’avoir le talent nécessaire pour le niveau de chant que je visais. Il y a quelques mois encore, j’aurais imaginé, peut-être, prendre une retraite anticipée pour pouvoir me consacrer à ça. Mais avec la Covid tout cela est devenu très compliqué. L’absence de concerts a entamé ma motivation. J’ai moins de temps aussi et mes responsabilités au sein de la CIG n’y sont pas étrangères. Quels sont vos compositeurs préférés ? J’affectionne particulièrement la musique allemande du 19e au début du 20e, que j’aime autant écouter que chanter… Schubert, Schumann, Mahler… J’ai aussi chanté des Français comme Duparc ou Fauré. Et j’ai la grande chance de pouvoir partager cette pratique avec une excellente pianiste, Diana Bernheim, membre de la CIG. Au niveau de l’opéra j’aime Wagner, Mozart, Strauss, Debussy et bien d’autres encore. Richard Wagner est certainement le compositeur que j’ai le plus écouté et vu. Cette passion pour Wagner me vient de mon père. Il adorait ce compositeur qu’un professeur lui avait fait découvrir à Berlin lorsqu’il était enfant. En dehors du chant, qu’aimez-vous faire ? Avec mon épouse Catherine, nous partageons le goût pour la randonnée et la passion pour la musique comme auditeurs. Nous aimons tous les deux énormément l’opéra et nos trop rares sorties sont pour aller au Grand Théâtre de Genève ou plus rarement plus loin pour des spectacles. Une activité pour laquelle, là aussi, j’aimerais avoir plus de temps. Jennifer Segui 12 L’ENTRETIEN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 08

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