CIG Magazine N°10

® SHUTTERSTOCK Le juif pratiquant coiffe sa kippa à chaque fois qu’il s’adresse à D.ieu : lors de la prière, avant le repas… «De mon côté, j’ai toujours la tête couverte, sauf quand je dors », reprend Éric Ackermann. «Mais, dans l’espace public, j’opte plutôt pour le chapeau ou la casquette pour ne pas tomber dans la provocation gratuite. » Mais, si l’on remonte le fil de l’histoire, au Moyen-Âge, les rabbins répandront déjà cette idée de l’usage d’un chapeau comme signe distinctif des croyants. Porté de manière volontaire, le couvre-chef fut ensuite imposé aux hommes juifs quelques années après le concile de Latran, en 1215 : il exigeait que les Juifs soient reconnaissables des chrétiens par leurs vêtements. PLUTÔT PSG OU BARCELONE ? Aujourd’hui, il semble que ce signe de reconnaissance polarise les discussions dès qu’il quitte les terres d’Israël. Ce qui ne constitue pas un thème de polémique à Jérusalem ou à Haïfa devient un sujet sensible en France ou en Allemagne. « Il n’y a pourtant aucune ostentation dans la kippa», analysait le Grand Rabbin Haïm Korsia dans Le Figaro. «C’est le couvrechef le plus petit et le plus discret possible ! » Est-ce la raison qui a poussé les fabricants de kippot à proposer désormais de personnaliser sa kippa ? Faire un tour sur les autoroutes du Net témoigne d’une créativité débordante ! Tout est possible. Couvre-chef en cuir, en velours, en jeans ou en satin, avec un motif léopard ou un imprimé fleuri… On peut y broder ses initiales ou son prénom en toutes lettres. Il est même possible de les floquer aux couleurs de son club favori. Vous êtes plutôt Paris-Saint-Germain ou Barcelone ? Lakers ou Red Sox ? DISTINGUER LES GROUPES RELIGIEUX Plus qu’un signe de reconnaissance, et à l’instar d’une montre ou d’un sac à main, la kippa devient une marque d’appartenance à un groupe, à une « famille », à une autre… communauté. Dans l’espace public, on n’est plus seulement considéré comme un juif pratiquant, mais également comme un supporter lambda, une fashion victim ou un inconditionnel d’AC/DC. Cela facilite-t-il l’intégration ? Le sentiment de sécurité s’en trouve-t-il renforcé ? Éric Ackermann relativise l’impact réel sur le regard d’autrui : « Si vous portez une kippa aux couleurs de l’OM, vous serez mieux accueilli à Marseille qu’à Paris… » Tout est donc une question de perspective. En Israël, plus que dans la diaspora, la kippa sert également à distinguer les différents groupes religieux. Qu’un Juif porte une kippa blanche tricotée ou une kippa en velours noir et l’on saura à quel courant il appartient : hassidim, juif ultraorthodoxe ou sioniste, c’est selon ! « Personne n’est montré du doigt, on est entre nous : il n’y a donc aucune crispation autour de ces questions-là », souligne Éric Ackermann. Cela démontre néanmoins que le choix de porter la kippa (ou pas) n’est pas une question anodine : même si la majorité des Juifs vivent tête nue, il pose néanmoins la question de la tolérance, de la confiance en soi et du lien avec la communauté. Adrien Maillard PETIT DÔME DE TISSU DE QUELQUES CENTIMÈTRES DE DIAMÈTRE, LA KIPPA CONCENTRE LES DÉBATS : FAUT-IL LA PORTER DANS L’ESPACE PUBLIC OU PAS ? «Dans le monde pratiquant, le port de la kippa est une habitude qui répond à un signe d’humilité par rapport au Très-Haut », explique Éric Ackermann, rabbin à Genève. 15 AOÛT-NOVEMBRE 2022

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