CIG Magazine N°08

L’HISTOIRE UN HOMMAGE MÉRITÉ ENFIN RENDU AU COMTE DE VEYRIER Ce dimanche 14 novembre 2021, sous l’égide de l’association Patrimoine juif genevois présidée par M. Jean Plançon, s’est déroulée une cérémonie pour inaugurer une plaque commémorative en hommage à Pierre-Claude de la Fléchère (1722-1790), Comte de Veyrier. Fixée sur la façade de son ancienne maison seigneuriale de Carouge, rue Vautier, elle a été dévoilée par M. le Comte Christophe de la Fléchère de Beauregard, en présence de plusieurs membres de sa famille, de Mme Ruth Dreifuss, ancienne présidente de la Confédération, de Mme Anne Hilpold et M. Jean-Marie-Martin, respectivement Maires de Carouge et de Veyrier, de Mme Roseline Cisier, représentant la Communauté israélite de Genève, de M. Michel Benveniste, représentant la Communauté juive libérale de Genève et le B’nai B’rith loge Henri Dunant de Genève, et de M. Laurent Selvi, représentant la CICAD. Les discours prononcés par M. Jean Plançon, M. le Comte Christophe de la Fléchère et Mme la Maire Anne Hilpold, ont rappelé le rôle majeur, mais quelque peu oublié, du Comte de Veyrier, dans la politique libérale et novatrice mise en place à Carouge par les autorités turinoises à la fin du XVIIIe siècle. Instigateur et promoteur de cette cité nouvelle, Pierre-Claude de la Fléchère, qui est né le 7 février 1722 au château des Terreaux à Etrembières, est devenu Comte de Veyrier en 1770 après avoir unifié ses terres par l’acquisition de la seigneurie de Sierne. Après avoir construit un château dans son nouveau fief, il rénove en 1772 l’église de Veyrier, améliore les voies de communication, assèche les marais et projette la construction du pont de Sierne (1782). En 1775, il obtient du roi Victor-Amédée III (1726-1796) des privilèges pour favoriser l’essor économique du territoire de Carouge qui connaît alors un rapide développement en raison notamment de l’arrivée d’un nombre important d’étrangers qui sont accueillis avec bienveillance. Le Comte de Veyrier joue alors un rôle essentiel en favorisant la liberté des cultes. C’est ainsi qu’il obtient l’établissement des protestants, des francs-maçons et des juifs à la faveur de deux édits de tolérance civile et religieuse promulgués par Victor-Amédée III (en 1783 et 1787). En 1789, il suggère la construction à Carouge d’une mosquée pour que s’y établissent des Mahométans, un projet qui ne verra malheureusement pas le jour en raison des effets de la Révolution française qui instaure un climat d’inquiétude dans le Royaume sarde qui, dès lors, a d’autres préoccupations que la poursuite de sa politique libérale. Le décès, le 2 avril 1790, du Comte de Veyrier, met alors un terme à ce processus unique en Europe. Dans l’intervalle, le Comte de Veyrier aura cependant prêté sa demeure de Carouge aux juifs établis dans cette cité, leur permettant ainsi de disposer d’une vaste synagogue et d’une école qui fonctionneront jusqu’en 1859, date d’inauguration de la Grande synagogue de Genève. L’institution fondée dans les murs de cette demeure carougeoise en 1789 est devenue depuis la Communauté israélite de Genève, qui compte aujourd’hui dans ses rangs plusieurs milliers d’âmes. Le parcours de cette dernière, d’abord à Carouge, puis ensuite dans la cité de Calvin, n’est donc pas le fruit du hasard. Elle le doit en grande partie au Comte de Veyrier. Les institutions juives genevoises se sont donc associées à cet hommage et à cette commémoration, au même titre que les communes de Veyrier et de Carouge, qui ont souhaité honorer solennellement un grand homme des Lumières dont l’action politique et humaniste fut avant-gardiste puisqu’elle s’appliqua bien avant les effets émancipateurs de la Révolution française et la diffusion de ses idéaux universels de liberté et d’égalité. De fait, il contribua sans aucun doute à écrire non seulement une des plus belles pages de l’histoire de Carouge, de l’histoire du judaïsme genevois, mais peut-être bien aussi de l’histoire de l’Europe. Jean Plançon ® DR 24 L’HISTOIRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 08

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