française reçu pour Belle du Seigneur. Confrères et intellectuels – dont Nicolas Bouvier, Jean Starobinski et Claude Lanzmann – sont présents. Ami d’enfance de l’écrivain suisse, Marcel Pagnol prend la parole pour remercier l’éditeur, Gallimard, qui, « à l’époque du digest et du livre de poche, prend le risque de publier un volume aussi épais qu’un dictionnaire et aussi lourd qu’un pavé ». Avant de regretter que ce roman-fleuve n’ait pas reçu le prix Goncourt, en raison de l’âge de l’auteur. « Je considère, mon cher Albert, que tu es le seul écrivain, qui ait mérité, pour un seul ouvrage, les deux prix les plus importants de la littérature romanesque », lui dit-il dans sa prise de parole. À noter qu’il faudra attendre 2012, soit quarante-quatre ans, pour qu’un autre Suisse, Joël Dicker, reçoive à nouveau cette récompense décernée par l’Académie française... PARC DES BASTIONS Alors que les revendications des enseignants résonnent au-dessus de la Treille, notre groupe arrive aux Bastions. Un endroit symbolique pour Albert Cohen ! Quand il arrive à Genève, en 1914, pour commencer ses études de droit à l’Université, ce parc constituera son premier contact avec la cité. Les Bastions seront surtout le théâtre d’émotions intimes avec sa mère, Louise, puisque c’est là qu’il lui donne rendez-vous, lors de ses visites annuelles, point de départ de « longues badauderies » dans les rues genevoises, où il leur arrive de «manger subrepticement des pistaches salées (...), comme deux bons frangins méditerranéens qui n’avaient pas besoin, pour s’aimer, d’avoir une conversation élevée », comme il l’écrit dans Le Livre de ma mère. Juive vénitienne, née à Corfou comme lui, sa mère portait une admiration sans bornes à Genève. «Naïve, elle faisait pour la Suisse des rêves de domination universelle, élaborait un empire mondial suisse. (...) Alors, tout irait bien. » MUR DES RÉFORMATEURS / UNIVERSITÉ Pourquoi Albert Cohen a-t-il choisi de s’établir à Genève et de s’y inscrire à l’Université ? Si la légende veut qu’une affaire de cœur soit à l’origine de ce changement (il serait tombé amoureux d’une «nymphe », lectrice du Journal de Genève), il y a deux raisons, plus réalistes, qui expliqueraient sa venue en Suisse : son statut de sujet ottoman, juif de surcroît, peut s’avérer complexe en France, dans le contexte géopolitique de l’époque où l’Empire ottoman est considéré comme un allié de l’Allemagne. D’entente avec ses parents, il opte aussi pour l’Université de Genève, parce qu’elle est « seule (...) digne de nous » pour y suivre des études de droit. ALBERT COHEN EN DATES 1895 Naissance le 16 août à Corfou. 1904 Entre au lycée Thiers à Marseille. C’est là qu’il rencontre Marcel Pagnol ! 1914 Arrivée à Genève. Commence ses études de droit à l’Université. 1921 Naissance de son unique f ille, Myriam. 1925 Prend la tête de la Revue juive à Paris. Il y côtoie Albert Einstein et Sigmund Freud. 1926 Devient fonctionnaire attaché à la division diplomatique du Bureau international du travail (BIT). 1930 Parution de son premier roman, Solal. 1946 Nommé sous-directeur du Comité intergouvernemental pour les réfugiés. 1954 Après seize ans de silence et la sortie de Mangeclous (1938), il publie Le Livre de ma mère, en hommage à sa maman, décédée en 1943. 1968 C’est la consécration, avec la parution de son œuvre majeure : Belle du Seigneur. Reçoit le Grand prix du roman de l’Académie française. 1981 Meurt le 17 octobre à Genève à l’âge de 86 ans. Il est enterré au cimetière israélite de Veyrier. Le guide littéraire Albert Cohen et Genève propose des balades à travers la ville, de quartier en quartier. 23 MARS -J U I L LE T 2025
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