CIG_JOURNAL_N°17_ FLIPBOOK

13 Avez-vous senti une différence depuis le 7octobre, notamment au niveau de l’antisémitisme ? Autrement dit, avezvous vécu des incidents antisémites ? Depuis le 7 octobre, mes enfants comme moi-même, nous n’avons pas été l’objet direct d’acte antisémite. Mais, avant, oui ! Mes trois filles ont vécu des formes d’antisémitisme à l’école, certaines plus graves que d’autres. Nous avons toujours fait appel à la CICAD qui a joué un rôle important pour aider nos enfants à comprendre et à réagir à ce qui s’était passé, mais aussi pour intervenir à l’école et auprès des personnes qui avaient commis ces actes. En revanche, depuis le 7 octobre, on constate une tension dans la rue, dans les universités... Que des personnes manifestent pour les Palestiniens, je peux le comprendre. Mais, lorsqu’on tague des slogans comme Free Palestine sur la synagogue d’Annemasse, c’est un acte antisémite. Un jour, l’une de mes filles m’a expliqué avoir été contrariée en salle de classe par un élève qui portait un t-shirt avec ce même slogan, mais dont le « i » représentait la carte d’Israël. Cet élève n’était pas le seul dans l’école à porter un tel t-shirt. Elle a ressenti ça comme un signe d’hostilité à son égard. C’est assez anxiogène comme situation... Exactement. L’être humain se crée des réflexes pour détecter des dangers. C’est ce qu’on appelle le cerveau reptilien... Nos enfants, et nousmêmes, nous vivons tous désormais avec ce cerveau reptilien actif. Dès qu’on voit un drapeau palestinien, on est sur ses gardes : quelles sont les intentions de la personne qui porte ce drapeau ? Est-ce que je dois changer de trottoir ? C’est ça qui est grave ! Nous devons donc préparer nos jeunes à ne pas s’autoexclure d’un programme universitaire par peur, leur fournir l’environnement pour pouvoir se lancer dans la vie quotidienne sans cacher qu’ils sont juifs. La communauté sert à ça. C’est une safe base, un endroit où l’on se sent soutenu et en sécurité. Un lieu qui nous aide à nous construire une identité forte afin de relever les défis auxquels les Juifs de la diaspora sont confrontés dans la cité, dans le monde du travail ou dans la vie sociale, et ce, à chaque étape de la vie. Quels sont les principaux défis à relever dans les prochaines années ? Faire face à la recrudescence de l’antisémitisme, évidemment ! Mais, il y a également le défi de la pérennité de la communauté juive : le mariage peut être un facteur de continuité ou de rupture. Ce n’est pas forcément facile, si la communauté est restreinte ou si les jeunes manquent d’attaches. Nous devons créer un environnement afin que nos jeunes aient un ancrage identitaire fort, tout en vivant avec leur temps, pour qu’ils puissent trouver l’âme sœur, ici ou au contact d’autres communautés. L’isolement est un autre défi. Il ne nous est pas propre. Toute forme de société est confrontée à l’isolement de nos jours : une personne âgée qui a perdu son conjoint, une famille qui manque de moyens parce que l’un des parents a perdu son emploi, ce qui restreint ses loisirs, une autre frappée dans sa chair par la maladie... On peut vite se couper des autres et ne pas oser demander de l’aide. La communauté est aussi là pour ça. Notre service social fait d’ailleurs un travail remarquable. Je crains cependant que le nombre de nos coreligionnaires ayant besoin de soutien augmente encore. Plus que jamais, nous avons besoin d’être unis et solidaires ! Un nouveau rabbin, un nouveau secrétaire général, des nouveaux responsables du CCJJ... Avez-vous le sentiment que la CIG vit une période charnière ? Il y a eu des changements dans l’équipe, mais ils ont été amenés par l’évolution naturelle du fonctionnement de notre association : un départ à la retraite, un souhait de réorienter sa carrière... L’arrivée d’une nouvelle personne offre l’opportunité de proposer quelque chose d’autre et d’apporter ce degré de changement – « one degree of change », en anglais. Le bateau de la CIG navigue, il a pris une direction et son cap reste le même : dynamiser la vie juive genevoise, en renforçant l’unité, la solidarité et notre identité. Nous devons continuer d’en faire un endroit convivial où l’on a envie de venir et où l’on se sent bien. Quel lien entretenez-vous avec Israël ? J’ai de la famille et de nombreux amis en Israël. Nous nous y rendons souvent pour leur rendre visite, pour les vacances ou pour faire un peu de volontariat, comme à Pessah dernièrement. Il est important pour moi de cultiver ce lien si spécial avec ce pays. Auriez-vous pu vous y installer ? Quand j’avais 13 ans, j’ai eu la chance d’avoir été sélectionné par le Talmud Torah France pour faire un voyage en Israël. Lorsque je suis revenu, j’ai dit à ma mère que je voulais y habiter. Il y avait un lycée français à Jérusalem, elle m’a demandé d’attendre mes 15 ans avant d’en reparler. Le sujet n’est jamais revenu sur la table. La question m’a encore traversé l’esprit à 22 ans, quand j’ai travaillé pour une start-up israélienne. Cependant, la filiale européenne dans laquelle j’étais engagé n’avait aucun intérêt à m’envoyer là-bas. Aujourd’hui, j’aurais probablement du mal à vivre en Israël. J’ai vécu la moitié de ma vie dans la culture européenne. J’ai un côté suisse : j’aime le cadre, j’adore quand les choses sont claires et organisées... « MON ÉPOUSE EST UNE ENFANT DE LA CIG. ELLE A GRANDI À LA MAISON JUIVE DE SAINT-LÉGER, ELLE Y A TOUS SES AMIS ET SES SOUVENIRS. QUAND NOUS NOUS SOMMES MARIÉS, JE ME SUIS MARIÉ, DE FACTO, À SA COMMUNAUTÉ ET À SES AMIS. » MARS -J U I L LE T 2025

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