CIG_JOURNAL_N°17_ FLIPBOOK

En devenant secrétaire général de la CIG, vous n’aurez plus la pression du chiffre d’affaires... Une association n’a pas le même modèle économique qu’une entreprise, de même que la gestion de l’équipe sera différente. Mais, de plus en plus d’associations se professionnalisent lorsqu’elles atteignent une certaine taille. Cela les aide dans leur croissance et dans leur mission. En revanche, une association a une particularité : à la base, elle ne vend pas de services, elle a une mission à remplir par rapport à ses membres. Certains services sont donc 100% gratuits et ne rapportent rien. D’autres services sont proposés en échange d’une contribution financière qui couvre, totalement ou en partie, ses coûts. L’objectif est de trouver un équilibre et d’amener une pérennité économique à l’association. La pression est là. Comment trouver cet équilibre ? On marche sur un fil... Il y a un facteur vital à toute association, c’est le don ! Il peut financer des projets importants comme des services quotidiens qu’on propose gratuitement. Dans le monde économique, on fait rarement appel à des mécènes et, quand un service n’est pas profitable, on le coupe. Dans le monde communautaire, ce qui doit guider nos décisions, c’est la contribution de chacune de nos actions à la réalisation de notre mission : accompagner les Juifs de Genève à chaque étape de leur vie et leur permettre de vivre pleinement leur identité juive. Alors, dans une communauté comme la nôtre, il s’agit d’être extrêmement vigilant à la pérennité financière à court et à long terme. Chez nous, les dépenses sont assez certaines : nous avons des bâtiments à chauffer et des salariés à payer. Mais, de l’autre côté, nous avons une incertitude sur les recettes. Il faut savoir jongler avec ça ! Si on revient à votre parcours personnel, quand êtes-vous arrivé en Suisse ? En 1997. Je travaillais pour une société de conseil à Paris. Nous avions une filiale à Zurich, pour la Suisse alémanique, et un client a été signé en Suisse romande. Comme il leur semblait compliqué d’envoyer un consultant alémanique pour aider une entreprise romande, ils ont fait appel à moi : c’était un sujet pour lequel j’avais une expertise pointue à ce moment-là. Très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un besoin en Suisse romande et j’ai ouvert un bureau à Lausanne, en 1998. Une aventure en amenant une autre, je suis resté, je me suis marié et je suis devenu membre de la CIG en 2002, au moment où je me suis installé à Genève pour rejoindre ma future épouse. Comment vous êtes-vous intégré à la communauté genevoise ? Mon épouse est une enfant de la CIG. Elle a grandi à la Maison juive de Saint-Léger, elle y a tous ses amis et ses souvenirs. Quand nous nous sommes mariés, je me suis marié, de facto, à sa communauté et à ses amis. À cette époque, je venais parfois à la synagogue, mais, comme beaucoup de jeunes adultes, expatriés de leur région d’origine, j’avais aussi gardé un pied dans mon passé : je me rendais donc souvent à Marseille pour voir ma famille et passer les fêtes. Mon mariage a véritablement ancré ma présence à Genève. Aujourd’hui, la communauté fait partie de notre vie à 100%. Il serait inconcevable que nos filles grandissent sans ce vécu, sans ce lien. Pour nous, la communauté est un partenaire de la construction et de l’identité juive de nos enfants. C’est aussi un partenaire de notre épanouissement personnel et de celui de notre couple. C’est le lieu qui permet d’exprimer notre judaïsme en toute sérénité. Vous avez trois filles de 20, 18 et 15 ans. Il était important qu’elles suivent vos traces ? L’idée n’est pas de faire un copié-collé de ce que nous avons vécu. Chacun a un parcours différent. Mais, il est difficile de vivre son identité juive seul. On a besoin de l’autre, de l’échange, on a besoin de chanter ensemble, de prier ensemble, de partager des repas de fêtes, de danser ensemble... Quand on est Juif de diaspora, la communauté est fondamentale, car elle offre la possibilité de s’épanouir, de nouer des liens, de créer des amitiés. Ça passe par le quotidien, par ces rencontres qu’on fait à la synagogue, par les activités du CCJJ, par une fête de Hanouca ! Ce sont ces traces-là que j’aimerais que nos filles suivent – celles de l’histoire de notre peuple. Selon le rabbin Mikhaël Benadmon, la transmission et l’éducation de la nouvelle génération sont essentielles... Je suis tout à fait d’accord. Au fond de moi, je sais que je suis la continuité de ce que mes parents m’ont transmis et de ce que mes grands-parents ont transmis avant eux... Nous sommes les garants de cette transmission, nous avons ce devoir. Mais, il est important d’assurer cette transmission tout en étant conscient du monde dans lequel elle s’exprimera. C’est là que l’éducation joue un rôle clé. C’est le savoir penser que nous devons promouvoir ! Cette capacité à comprendre, à réfléchir, à se poser des questions et à définir les Juifs que nous souhaitons devenir et être. Pour vous, qu’est-ce que ça veut dire, être Juif au XXIe siècle ? C’est la même chose qu’être Juif au XXe siècle ! D’un côté, nous avons toujours ce devoir de transmission millénaire, mais, de l’autre, nous sommes toujours amenés à devoir lutter pour défendre notre droit à exister, à penser, à vivre notre judaïsme sereinement. J’y vois juste une différence... Au XXe siècle, les Juifs se sont battus pour survivre et obtenir le droit légitime à avoir un foyer national juif en Israël. Au XXIe siècle, les Juifs doivent désormais préserver ce foyer. L’enjeu est différent. Quand je pense à mes parents, ils sont nés à une époque où ils n’avaient pas le choix : ils vivaient en diaspora. Avec la création de l’État d’Israël, les Juifs ont ensuite eu le choix. Aujourd’hui, j’espère sincèrement que mes enfants et mes petits-enfants auront toujours cette possibilité de choisir et qu’ils ne seront pas obligés de quitter la Suisse. Le cas contraire voudrait dire qu’on aurait tous échoué, les Juifs et les non-Juifs. Ce choix est un trésor. Nous devons le défendre, le chérir et le développer. 12 LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7

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