L E M AG A Z I NE D E L A COMMUNAU T É I S R A É L I T E D E G E NÈ V E 0 3 - 0 7 2 0 2 5 N ° 1 7 INTERVIEW DOMINIQUE EL BEZ, UN NOUVEAU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL À LA CIG ENQUÊTE CACHEROUTE À GENÈVE : QUELS ENJEUX ? REPORTAGE SUR LES TRACES D'ALBERT COHEN DANS LA CITÉ DE CALVIN
RJ Management SA 5 Cours de Rive, 1204 Geneva - Switzerland +41 22 888 00 50 info@rjmanagement.ch rjmanagement.ch — Wealth Managers for Today’s World A committed partner in preserving and developing our clients’ assets over the long term.
Chères amies, chers amis, C’est avec un sentiment mêlé de responsabilité, de gravité et d’espérance que je m’adresse à vous. Depuis plusieurs mois, un climat d’hostilité rampante et, parfois, décomplexée, gagne du terrain. Le discours antisioniste sert trop souvent de paravent à des expressions d’un antisémitisme assumé. Des slogans sur nos murs, des provocations dans les salles de classe, des regards qui se détournent ou se ferment : tout cela crée un environnement que nous ne pouvons ni ignorer, ni banaliser. La CIG, dans ce contexte, a un rôle fondamental à jouer. Elle n’est pas un acteur politique, et ne prend pas position dans les conflits internationaux. Mais, elle est – et doit demeurer – un rempart. Un havre. Une maison. Une « safe base», pour reprendre les mots de notre Secrétaire Général, Dominique El Bez ! Offrir aux Juifs de Genève un cadre sécurisé, digne et contemporain, où chacun peut vivre son identité dans la sérénité : telle est, plus que jamais, notre vocation ! Notre communauté vit une transition importante. Après neuf années marquées par un engagement exemplaire, Elias Frija a transmis le relais à Dominique El Bez. Ce passage de témoin, que nous avons salué avec émotion lors de l’Assemblée Générale du 26 mai, incarne autant la continuité que le renouveau. Dominique apporte avec lui une profonde conscience de la mission communautaire, ainsi qu’un sens aiguisé de l’écoute et de la transmission. Il ne s’agit pas pour lui d’un poste, mais d’un engagement, d’une responsabilité morale. Et nous sommes convaincus qu’il saura, avec le soutien de nos équipes, écrire une nouvelle page de notre histoire commune. L’Assemblée Générale a également marqué un temps fort pour notre gouvernance. Nous avons accueilli avec fierté Stephan Lawi, dont l’engagement ne fait aucun doute. Il s’inscrit dans une tradition familiale profondément enracinée dans notre communauté , où les siens, depuis toujours, se sont illustrés par leur fidélité, leur dévouement et leur discrétion. Nous avons également salué la nomination d’Elie Bernheim en tant que co-vice-président. J’ai également eu l’honneur d’y voir renouvelé mon mandat au sein du Comité, puis celui de co-vice-président. Cette équipe élargie, unie dans l’action et la vision, nous permettra d’aborder les défis à venir avec rigueur et sérénité. Nous remercions enfin Philippe Guggenheim qui a quitté le Comité après y avoir œuvré durant 6 ans. Dans un monde traversé d’incertitudes – qu’elles soient proches ou lointaines, de Genève à l’université, d’Israël confronté désormais frontalement à l’agression iranienne – il est plus que jamais essentiel de préserver ce qui nous unit, de transmettre ce qui nous fonde, et de bâtir, ensemble, ce qui nous portera demain. SOMMAIRE LES NEWS 5-7 LA CHRONIQUE DU RABBIN 8-9 LA RENCONTRE 10-13 L’HISTOIRE 14-15 L’ENQUÊTE 16-19 LE PORTRAIT 20-21 LE FOCUS 22-24 ÇA S’EST PASSÉ À LA CIG 25-29 L’ÉTAT CIVIL 31 LA CUISINE 32 LE TRAIT D’HUMOUR 34 Editeur Communauté Israélite de Genève Rédaction en chef Noémi Amatriain Rédaction Mikhaël Benadmon Noémi Amatriain Jean Plançon Eric Roditi Jean-Daniel Sallin Relecture BuxumLunic Conception BuxumLunic www.buxumlunic.ch Photo de couverture Studio Aigal Tirage 1500 exemplaires Impression Van der Poorten LA FORCE DE TENIR ENSEMBLE TEXTE ÉRIC RODITI L'ÉDITO 3 MARS -J U I L LE T 2025
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LES NEWS LES FÊTES DE TICHRI Si vous ne l’avez pas encore fait, voici les dates des fêtes de Tichri à entourer dans votre agenda ! Cela commencera avec Roch Hachana le lundi 22 septembre au soir. Yom Kippour sera célébré du mercredi 1er octobre au soir au jeudi 2 octobre au soir. Quant à Souccot, la fête des cabanes, elle aura lieu du lundi 6 au soir au mercredi 15 octobre au soir. SAVE THE DATE À NE SURTOUT PAS MANQUER... CULTURE LE LIVRE À L’HONNEUR C’est LE rendez-vous de la rentrée ! La Journée Européenne de la Culture Juive aura lieu le dimanche 7 septembre. Après la famille en 2024, elle se penchera, cette année, sur un autre élément essentiel de notre tradition : le Livre. «Peuple du livre » évoquera le pouvoir des mots et leur capacité à nous relier à travers le temps. Quand on parle de livre, forcément à la Torah, texte fondateur du judaïsme, source d’identification et d’inspiration, qui a influencé, au-delà de sa signification religieuse, la philosophie, la vie culturelle et l’éthique dans notre société. Plus d’infos très prochainement sur www.comisra.ch. 07-21.07.2025 EN PARTENARIAT AVEC LE CENTRE DE LA JEUNESSE JUIVE DE LAUSANNE, LE CCJJ ORGANISE SA COLO D’ÉTÉ EN ALSACE. AU MENU : SORTIE À EUROPA PARK, VISITE DE STRASBOURG, BASE NAUTIQUE, MONTAGNE DES SINGES, SPORTS EN PLEIN AIR... DU FUN ET DES RIRES, EN RÉSUMÉ ! GAN YELADIM LES VACANCES ONT À PEINE COMMENCÉ QU’IL FAUT DÉJÀ PENSER À LA RENTRÉE DES CLASSES : ELLE AURA LIEU LE LUNDI 18 AOÛT DANS LE CANTON DE GENÈVE ! MAIS, D’ICI LÀ, PENSEZ À PROFITER DE LA VIE, DU SOLEIL, DE LA PLAGE, DE VOS AMIS ET DE VOTRE FAMILLE ! LIVRE LA FIN DES JUIFS DE FRANCE ? Face à la multiplication des actes antisémites et leur déferlement après les attaques du 7 octobre, l'inquiétude des Juifs français grandit : ont-ils encore un avenir dans leur pays ? Pendant plus d'un an, Dov Maïmon et Didier Long ont mené une enquête inédite : sillonnant la France, ils ont questionné ministres, policiers, juges antiterroristes, politologues, citoyens et hommes de foi et analysent, dans leur livre La Fin des Juifs de France ?, paru au Cherche Midi, les menaces qui pèsent sur les Juifs aujourd’hui. 19.09.2025 Le GAN organise un mini seder de Roch Hachana uniquement pour les enfants. Le vendredi 19 septembre, ils se retrouveront pour déguster des pommes avec du miel et célébrer le début de l ’année juive. MARS -J U I L LE T 2025 5
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LE CCJJ PART EN WEEK-END ! C’est un rendez-vous que les jeunes membres du CCJJ attendent chaque année avec impatience ! Le week-end d’intégration – le premier organisé sous le dicastère de Nathan Smila, se tiendra du 12 au 14 septembre, dans un lieu encore tenu secret. Restez connectés sur notre site Internet pour en savoir plus et ne pas manquer les inscriptions ! GAN YELADIM À VOS AGENDAS ! LES RÉUNIONS DES PARENTS D’ÉLÈVES ONT DÉJÀ ÉTÉ PROGRAMMÉES : ELLES AURONT LIEU LE MARDI 2 SEPTEMBRE POUR LES CLASSES CRÈCHE ET PRÉ-GAN ET LE JEUDI 4 SEPTEMBRE POUR LES CLASSES GAN. SAVE THE DATE LA PROCHAINE SOIRÉE AFTERCOM, RÉSERVÉE AUX 28-48 ANS, AURA LIEU LE MARDI 2 SEPTEMBRE. L’OCCASION DE CÉLÉBRER LA RENTRÉE LORS D'UNE NOUVELLE GARDEN PARTY. LE LIEU VOUS SERA COMMUNIQUÉ PLUS TARD... Pour plus d' informations, consultez notre site internet www.comisra.ch UN PROGRAMME RICHE POUR L’ÉTÉ DES AÎNÉS Une nouvelle fois, l’équipe du Service social a concocté un programme aux petits oignons pour les membres des clubs L’Âge d’or et Hatikva durant les mois de juillet et août : une sortie pour visiter Lucerne, une journée à Annecy ou au Signal-de-Bougy, une balade en bateau sur le lac Léman, une excursion en France voisine pour découvrir le Jardin des Secrets, des séances de yoga au parc... Tout est prévu pour que les aînés de la CIG passent un été convivial et riche en souvenirs ! SERVICE SOCIAL © ISTOCK, DR ANECDOTE LE MYSTÈRE DU STYLO DE PEPITO C’est l’histoire, extraordinaire, d’un stylo Montblanc Meisterstück perdu, puis retrouvé... Yossef Calef ben Schlomo, dit Pepito, l’avait reçu lors de sa barmitsva, organisée à Rome en 1955, sous la direction du Grand Rabbin Elio Toaff. Il faisait partie des cadeaux, aussi beaux qu’originaux, que sa famille lui offrit ce jour-là – dont un magnifique volume du Pentateuque, finement illustré, recouvert d’une couverture de bronze, ainsi qu’une chaînette en or avec un pendentif représentant les Tables de la Loi.Mais, lorsque le jeune Pepito quitta Rome en 1962 pour s’installer à Genève, le stylo avait disparu, certainement oublié sur une table ou égaré dans une rue de la Ville éternelle. Il n’est jamais réapparu. Jusqu’au jour où Elias Frija, secrétaire général de la CIG, reçoit le courriel d’un Italien, professeur d’université et amateurs d’objets anciens : il y a quelques années, il acheta un stylo Montblanc au marché aux puces, sur lequel était gravé le nom de Pepito Calef. Après l’avoir fait restaurer, il entreprit des recherches pour retrouver cette personne. En vain. Et puis, en février, il tomba sur une information sur le site de la CIG, annonçant la Séouda chlichite que sa femme, Muriel, offrait pour célébrer le Jahrzeit de son mari, décédé en 2024. Le mystère de Pepito venait d’être résolu et, la veille du chabbat du Jahrzeit de son propriétaire, le stylo est rentré à la maison, soixante-trois ans après sa disparition. 7 MARS -J U I L LE T 2025
POURQUOI MANGER CASHER ? CINQ PROPOSITIONS ! TEXTE MIKHAËL BENADMON Le casher est un des enjeux du judaïsme ici à Genève. Il n’est pas (encore) assez développé, n’a pas toujours bonne presse et souffre surtout d’un manque d’explication. La Torah ne dévoile pas explicitement les raisons des interdits alimentaires, et d’une certaine façon, semble sous-entendre que la motivation du croyant doit être l’accomplissement de la volonté divine, même au prix de l'incompréhension. Les Sages médiévaux, ainsi que les chercheurs contemporains, cherchent toutefois à pénétrer le sens de ces propos, distinguant ainsi le judaïsme de la pensée magique. Je vais tenter de synthétiser en cinq propositions les principales réponses qui me paraissent porter une certaine pertinence. Trois grands penseurs médiévaux seront évoqués – le Sefer Ha’Hinoukh, Nahmanide et Maïmonide – et deux chercheurs contemporains, une anthropologue et un bibliste. Ces quelques lignes ne tendent pas à l'exhaustivité et ne pourront jamais remplacer une discussion entre nous autour d’un café (!). 1. SEFER HA’HINOUKH : RESPECTER L’ORDRE NATUREL L’auteur anonyme du Sefer Ha’Hinoukh (XIIIe siècle, Espagne, Mitsva 62 et 92) affirme que la Torah vise ici à préserver l’harmonie naturelle du monde. Cuire un jeune animal dans le lait, même destiné à le nourrir, revient, selon lui, à brouiller les frontières entre vie et mort, entre maternité et destruction. Cette transgression de l’ordre des choses serait contraire à une sensibilité morale et à un équilibre cosmique que la Torah cherche à préserver. L’interdit est ainsi une mise en garde contre le mélange des genres, souvent considéré comme contre-nature dans la pensée biblique. Cette explication s'intéresse essentiellement au mélange lait-viande, mais ne propose pas une vision générale de la cacheroute. 2. NAHMANIDE : ÉLOIGNER LA CRUAUTÉ Nahmanide (Ramban, sur Devarim 14, 21), un autre grand exégète espagnol du XIIIe siècle, lit cet interdit à travers une éthique de la compassion. Pour lui, cuire un animal dans le lait de sa mère est un acte de cruauté, une forme de perversion morale, car il revient à utiliser le symbole de la vie (le lait maternel) pour donner la mort. La Torah chercherait ainsi à affiner notre sens moral, en nous interdisant des gestes cruels, même s’ils ne sont pas directement liés à la souffrance animale. L’interdit devient alors un outil pédagogique d’élévation morale. 3. MAÏMONIDE : SANTÉ, SPIRITUALITÉ ET DÉMARCATION Maïmonide (Rambam, Guide des Égarés, III, 48), médecin et philosophe du XIIe siècle, adopte une double approche. D’une part, il évoque des raisons de santé : certains mélanges alimentaires seraient néfastes pour le corps, selon les connaissances médicales de son époque. D’autre part, il souligne l’aspect anti-idolâtrique de la cacheroute. Selon lui, les peuples païens avaient pour habitude d’utiliser de telles combinaisons dans leurs rituels. En interdisant ces pratiques, la Torah entend marquer une rupture claire avec les cultes idolâtres et préserver l’originalité éthique et spirituelle du peuple d’Israël. Présentons à présent des thèses de chercheurs contemporains qui proposent des optiques nouvelles. La première, Mary Douglas, et le second, Jacob Milgrom, s'appuient tous deux sur les catégories d'animaux marins, terrestres et aériens telles que décrites dans le Lévitique et le Deutéronome. 4. MARY DOUGLAS : LA PURETÉ COMME COHÉRENCE DU MONDE Dans son ouvrage Purity and Danger (1966), Mary Douglas affirme que les lois alimentaires de la Torah ne s’expliquent ni par l’hygiène ni par la morale, mais par une volonté de maintenir un ordre symbolique du monde. Ce système repose sur une taxinomie implicite de la création. Les animaux impurs sont ceux qui ne correspondent pas parfaitement à leur catégorie biologique ou symbolique idéale. Autrement dit, ce qui est «hors-norme» dans son groupe est rejeté. ANIMAUX TERRESTRES : seuls les ruminants à sabots fendus sont permis (bœuf, mouton, chèvre). Le chameau, le lièvre ou le porc sont exclus, car ils ne remplissent qu’un seul des deux critères. Raison symbolique : ils sont des anomalies dans leur catégorie. Le porc a le sabot fendu, mais ne rumine pas, ce qui le rend « contre-nature ». ANIMAUX MARINS : seuls ceux qui ont nageoires et écailles sont permis (saumon, carpe). Les anguilles, raies, crustacés, qui n’ont ni écailles, ni nageoires, sont interdits. LA CHRONIQUE DU RABBIN LA CHRONIQUE DU RABBIN 8 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7
Raison symbolique : ils ne correspondent pas à l’archétype du poisson, tel qu'il a été défini par la Torah. OISEAUX : pas de critères formels, mais une liste d’oiseaux interdits est donnée (rapaces, nécrophages). Raison symbolique : ces oiseaux transgressent leur catégorie naturelle en mangeant de la chair morte ou en étant associés à la violence. Pour Mary Douglas, l’impureté n’est donc pas une souillure matérielle, mais une anomalie dans l’ordre symbolique. Les lois de la cacheroute expriment donc un désir de classification pure, où chaque espèce doit rester à sa place naturelle. Cette explication rejoint l’intuition du Sefer Ha’Hinoukh et a l’avantage de s’appuyer sur une lecture zoologique du texte biblique, dévoilant ainsi la proximité de la Torah avec le monde naturel et des interdits alimentaires. 5. JACOB MILGROM: LA SAINTETÉ COMME ÉTHIQUE DE SÉPARATION Jacob Milgrom, exégète du Lévitique, propose une lecture complémentaire : les lois alimentaires participent à une théologie de la sainteté. Le peuple d’Israël est appelé à être qadosh (saint), c’est-à-dire à se séparer de la corruption et des pratiques idolâtres. Les interdits alimentaires deviennent un outil éthique pour enseigner la maîtrise de soi, le respect de la vie et la distinction du sacré. ANIMAUX TERRESTRES : les animaux permis sont souvent domestiques, paisibles, herbivores, représentant l’ordre et la retenue. Les carnivores sont interdits, car associés à la violence et à l’instinct destructeur. Raison morale : éviter de consommer des êtres liés à l’agressivité ou à l’impureté du sang. ANIMAUX MARINS : la Torah exclut ceux qui n’ont ni écailles, ni nageoires, car ils vivent au fond, dans la vase. Raison morale : se détourner des formes de vie perçues comme obscures, serpentines, proches de la mort. OISEAUX : la liste d’oiseaux impurs inclut surtout des charognards et des rapaces. Raison morale : ils transgressent l’interdiction biblique de consommer le sang ou de s’en nourrir indirectement. Pour Jacob Milgrom, les lois de la cacheroute sont des gestes pédagogiques quotidiens qui enseignent une éthique de la vie, de la discipline, de la sainteté – et marquent une différenciation d’Israël par rapport aux nations idolâtres. Conserver nos traditions, creusant sans cesse ses richesses et sa sagesse, et contribuer à une communauté vivante et qui contribue au monde, c’est aussi cela la cacheroute. Manger casher, c’est s’inscrire dans une démarche remplie de sens, dans une réflexion envers le monde qui nous entoure, tant animal qu’humain, et renforcer notre vivre-ensemble autour d’un bon plat. Dans un mot d’humour qui lui était bien singulier, Léon Askénazi, dit Manitou, soulignait l’importance capitale de rester ensemble, unis, capables de dialoguer, insistant sur le fait que la Torah ne doit jamais être un facteur de division : « Il ne faut pas que la cacheroute nous cache la route ! » Lire aussi en pages 16-19. © ISTOCK 9 MARS -J U I L LE T 2025
© STUDIO AIGAL 10 LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7
DOMINIQUE EL BEZ : « CE N’EST PAS UN JOB, C’EST UNE MISSION ! » TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Lorsque nous le rencontrons, Dominique El Bez n’a qu’une dizaine de jours dans son nouveau costume de Secrétaire Général de la CIG. Il a officiellement pris ses fonctions le 5 mai 2025 – une date symbolique, porteuse de bonne fortune selon les Tunisiens. Logiquement, il a hérité du bureau de son prédécesseur, Elias Frija, mais il n’y a pas encore apporté sa touche personnelle. «Ce n’est pas ma priorité », souffle-t-il. Depuis son arrivée, il vit une immersion totale dans la communauté, afin d’en comprendre les subtilités, de s’imprégner de son histoire. « J’aime prendre l’analogie de l’ iceberg pour expliquer ce que je vis. Quand on est membre, on ne voit que la partie émergée de l’ iceberg, mais, dès qu’on devient collaborateur de la CIG, on découvre tout ce qui est immergé, tout ce travail et cette énergie mise au service de la communauté... » Un jour l’a particulièrement marqué : le troisième, le mercredi, jour du Talmud Torah. «Mes collègues m’ont spontanément présenté leurs enfants. On voit rarement ça dans le monde de l’entreprise. C’est symbolique de ce qu’est la CIG : une famille, avant tout ! » Dominique El Bez est excité par cette mission. Il avoue également avoir une multitude d’idées à partager. «Mais, aujourd’hui, ma priorité, c’est comprendre et écouter ! » Il aura la chance d’avoir Elias Frija à ses côtés pendant les prochains mois pour l’aiguiller, pour lui transmettre l’historique de la CIG. « Il a fait un travail phénoménal de gestion et d’orchestration. Elias incarnait vraiment la communauté. Il y a de toute façon une pression à succéder à quelqu’un comme lui. Mais, la pression vient surtout de la mission, de ce devoir vis-àvis de nos membres, de tous les Juifs de Genève, de nos amis, de nos parents... Ce n’est pas un job ! La pression vient de l’ importance que représente la communauté à mes yeux. » Pourquoi avoir accepté ce poste de Secrétaire Général ? Cela n’a jamais fait partie d’un plan de carrière. Je ne me suis jamais dit qu’un jour, je deviendrais Secrétaire Général de la CIG. Mais, quand le poste s’est présenté à moi, ça a raisonné comme une évidence ! Cette fonction combine, en effet, les deux facettes de ce que je suis dans la vie. Je suis d’abord un gestionnaire d’entreprise : j’ai développé des équipes et fait en sorte qu’elles puissent accomplir leur mission pour leurs clients ou leurs partenaires. Je crée de la valeur et des services. J’adore cet élément-là de ma vie professionnelle et c’est ainsi que je me définis. Mais, d’un autre côté, je suis fondamentalement juif, très ancré dans les traditions et dans l’identité juive. Je suis aussi parent et j’ai envie de transmettre ce flambeau à mes enfants. Avec ce poste, ces deux facettes fusionnent ! C’est l’alignement de mes compétences avec mon cœur. Comment avez-vous été recruté ? Au hasard d’une discussion, le sujet est sorti. Le comité cherchait un successeur à Elias qui se préparait alors à partir à la retraite... J’ai ensuite suivi le processus de recrutement standard, constitué d’entretiens avec les membres du bureau et le comité. Qui est Dominique El Bez ? Je suis né dans une famille séfarade à Aix-en-Provence. Mes parents ont quitté l’Algérie très tôt : à 10 ans pour mon père, à 18 ans pour ma mère. J’ai grandi dans cet environnement traditionnel, avec un lien au culte particulier du côté de mon père, puisque son grand-oncle fut le rabbin fondateur de la communauté dans notre ville. Chez ma mère, il y avait un fort ancrage dans le scoutisme. J’ai intégré le mouvement des éclaireurs israélites de France dès l’âge de six ans et j’ai fait mon parcours jusqu’à devenir animateur... La combinaison de ma famille et de ma communauté fait qui je suis. Et, au niveau professionnel ? J’ai toujours étudié dans des écoles laïques. Le sport et les études m’ont permis d’être toujours intégré dans la vie de ma ville. Ma profession m’a ensuite amené à beaucoup voyager et à rencontrer diverses communautés à travers le monde, parfois grandes, parfois inexistantes. À Chambéry, par exemple, il n’y avait pas de centre communautaire. On se retrouvait donc dans la pièce d’un appartement, pour lire les passages de l’office qu’on connaissait, avec la tradition de chacun. C’était un sacré melting-pot ! Manger casher était aussi un sacré défi, selon l’endroit où je me trouvais. Toute ma vie, j’ai été exposé à ça ! Pour revenir à votre question, j’ai travaillé dans la gestion d’entreprise, d’abord dans le conseil en transformation digitale et en organisation d’entreprise, mais aussi dans des start-up. J’ai été ensuite engagé dans un groupe international fournissant des solutions informatiques et de télécommunications pour le secteur aéronautique, dans laquelle je suis devenu, au fil du temps, patron de division. À chaque fois, mon cœur de métier consistait à fédérer une équipe autour d’une vision commune avec l’objectif de créer de la valeur et de tout mettre en œuvre pour réaliser cette vision ensemble. 11 LA RENCONTRE MARS -J U I L LE T 2025
En devenant secrétaire général de la CIG, vous n’aurez plus la pression du chiffre d’affaires... Une association n’a pas le même modèle économique qu’une entreprise, de même que la gestion de l’équipe sera différente. Mais, de plus en plus d’associations se professionnalisent lorsqu’elles atteignent une certaine taille. Cela les aide dans leur croissance et dans leur mission. En revanche, une association a une particularité : à la base, elle ne vend pas de services, elle a une mission à remplir par rapport à ses membres. Certains services sont donc 100% gratuits et ne rapportent rien. D’autres services sont proposés en échange d’une contribution financière qui couvre, totalement ou en partie, ses coûts. L’objectif est de trouver un équilibre et d’amener une pérennité économique à l’association. La pression est là. Comment trouver cet équilibre ? On marche sur un fil... Il y a un facteur vital à toute association, c’est le don ! Il peut financer des projets importants comme des services quotidiens qu’on propose gratuitement. Dans le monde économique, on fait rarement appel à des mécènes et, quand un service n’est pas profitable, on le coupe. Dans le monde communautaire, ce qui doit guider nos décisions, c’est la contribution de chacune de nos actions à la réalisation de notre mission : accompagner les Juifs de Genève à chaque étape de leur vie et leur permettre de vivre pleinement leur identité juive. Alors, dans une communauté comme la nôtre, il s’agit d’être extrêmement vigilant à la pérennité financière à court et à long terme. Chez nous, les dépenses sont assez certaines : nous avons des bâtiments à chauffer et des salariés à payer. Mais, de l’autre côté, nous avons une incertitude sur les recettes. Il faut savoir jongler avec ça ! Si on revient à votre parcours personnel, quand êtes-vous arrivé en Suisse ? En 1997. Je travaillais pour une société de conseil à Paris. Nous avions une filiale à Zurich, pour la Suisse alémanique, et un client a été signé en Suisse romande. Comme il leur semblait compliqué d’envoyer un consultant alémanique pour aider une entreprise romande, ils ont fait appel à moi : c’était un sujet pour lequel j’avais une expertise pointue à ce moment-là. Très vite, je me suis rendu compte qu’il y avait un besoin en Suisse romande et j’ai ouvert un bureau à Lausanne, en 1998. Une aventure en amenant une autre, je suis resté, je me suis marié et je suis devenu membre de la CIG en 2002, au moment où je me suis installé à Genève pour rejoindre ma future épouse. Comment vous êtes-vous intégré à la communauté genevoise ? Mon épouse est une enfant de la CIG. Elle a grandi à la Maison juive de Saint-Léger, elle y a tous ses amis et ses souvenirs. Quand nous nous sommes mariés, je me suis marié, de facto, à sa communauté et à ses amis. À cette époque, je venais parfois à la synagogue, mais, comme beaucoup de jeunes adultes, expatriés de leur région d’origine, j’avais aussi gardé un pied dans mon passé : je me rendais donc souvent à Marseille pour voir ma famille et passer les fêtes. Mon mariage a véritablement ancré ma présence à Genève. Aujourd’hui, la communauté fait partie de notre vie à 100%. Il serait inconcevable que nos filles grandissent sans ce vécu, sans ce lien. Pour nous, la communauté est un partenaire de la construction et de l’identité juive de nos enfants. C’est aussi un partenaire de notre épanouissement personnel et de celui de notre couple. C’est le lieu qui permet d’exprimer notre judaïsme en toute sérénité. Vous avez trois filles de 20, 18 et 15 ans. Il était important qu’elles suivent vos traces ? L’idée n’est pas de faire un copié-collé de ce que nous avons vécu. Chacun a un parcours différent. Mais, il est difficile de vivre son identité juive seul. On a besoin de l’autre, de l’échange, on a besoin de chanter ensemble, de prier ensemble, de partager des repas de fêtes, de danser ensemble... Quand on est Juif de diaspora, la communauté est fondamentale, car elle offre la possibilité de s’épanouir, de nouer des liens, de créer des amitiés. Ça passe par le quotidien, par ces rencontres qu’on fait à la synagogue, par les activités du CCJJ, par une fête de Hanouca ! Ce sont ces traces-là que j’aimerais que nos filles suivent – celles de l’histoire de notre peuple. Selon le rabbin Mikhaël Benadmon, la transmission et l’éducation de la nouvelle génération sont essentielles... Je suis tout à fait d’accord. Au fond de moi, je sais que je suis la continuité de ce que mes parents m’ont transmis et de ce que mes grands-parents ont transmis avant eux... Nous sommes les garants de cette transmission, nous avons ce devoir. Mais, il est important d’assurer cette transmission tout en étant conscient du monde dans lequel elle s’exprimera. C’est là que l’éducation joue un rôle clé. C’est le savoir penser que nous devons promouvoir ! Cette capacité à comprendre, à réfléchir, à se poser des questions et à définir les Juifs que nous souhaitons devenir et être. Pour vous, qu’est-ce que ça veut dire, être Juif au XXIe siècle ? C’est la même chose qu’être Juif au XXe siècle ! D’un côté, nous avons toujours ce devoir de transmission millénaire, mais, de l’autre, nous sommes toujours amenés à devoir lutter pour défendre notre droit à exister, à penser, à vivre notre judaïsme sereinement. J’y vois juste une différence... Au XXe siècle, les Juifs se sont battus pour survivre et obtenir le droit légitime à avoir un foyer national juif en Israël. Au XXIe siècle, les Juifs doivent désormais préserver ce foyer. L’enjeu est différent. Quand je pense à mes parents, ils sont nés à une époque où ils n’avaient pas le choix : ils vivaient en diaspora. Avec la création de l’État d’Israël, les Juifs ont ensuite eu le choix. Aujourd’hui, j’espère sincèrement que mes enfants et mes petits-enfants auront toujours cette possibilité de choisir et qu’ils ne seront pas obligés de quitter la Suisse. Le cas contraire voudrait dire qu’on aurait tous échoué, les Juifs et les non-Juifs. Ce choix est un trésor. Nous devons le défendre, le chérir et le développer. 12 LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7
13 Avez-vous senti une différence depuis le 7octobre, notamment au niveau de l’antisémitisme ? Autrement dit, avezvous vécu des incidents antisémites ? Depuis le 7 octobre, mes enfants comme moi-même, nous n’avons pas été l’objet direct d’acte antisémite. Mais, avant, oui ! Mes trois filles ont vécu des formes d’antisémitisme à l’école, certaines plus graves que d’autres. Nous avons toujours fait appel à la CICAD qui a joué un rôle important pour aider nos enfants à comprendre et à réagir à ce qui s’était passé, mais aussi pour intervenir à l’école et auprès des personnes qui avaient commis ces actes. En revanche, depuis le 7 octobre, on constate une tension dans la rue, dans les universités... Que des personnes manifestent pour les Palestiniens, je peux le comprendre. Mais, lorsqu’on tague des slogans comme Free Palestine sur la synagogue d’Annemasse, c’est un acte antisémite. Un jour, l’une de mes filles m’a expliqué avoir été contrariée en salle de classe par un élève qui portait un t-shirt avec ce même slogan, mais dont le « i » représentait la carte d’Israël. Cet élève n’était pas le seul dans l’école à porter un tel t-shirt. Elle a ressenti ça comme un signe d’hostilité à son égard. C’est assez anxiogène comme situation... Exactement. L’être humain se crée des réflexes pour détecter des dangers. C’est ce qu’on appelle le cerveau reptilien... Nos enfants, et nousmêmes, nous vivons tous désormais avec ce cerveau reptilien actif. Dès qu’on voit un drapeau palestinien, on est sur ses gardes : quelles sont les intentions de la personne qui porte ce drapeau ? Est-ce que je dois changer de trottoir ? C’est ça qui est grave ! Nous devons donc préparer nos jeunes à ne pas s’autoexclure d’un programme universitaire par peur, leur fournir l’environnement pour pouvoir se lancer dans la vie quotidienne sans cacher qu’ils sont juifs. La communauté sert à ça. C’est une safe base, un endroit où l’on se sent soutenu et en sécurité. Un lieu qui nous aide à nous construire une identité forte afin de relever les défis auxquels les Juifs de la diaspora sont confrontés dans la cité, dans le monde du travail ou dans la vie sociale, et ce, à chaque étape de la vie. Quels sont les principaux défis à relever dans les prochaines années ? Faire face à la recrudescence de l’antisémitisme, évidemment ! Mais, il y a également le défi de la pérennité de la communauté juive : le mariage peut être un facteur de continuité ou de rupture. Ce n’est pas forcément facile, si la communauté est restreinte ou si les jeunes manquent d’attaches. Nous devons créer un environnement afin que nos jeunes aient un ancrage identitaire fort, tout en vivant avec leur temps, pour qu’ils puissent trouver l’âme sœur, ici ou au contact d’autres communautés. L’isolement est un autre défi. Il ne nous est pas propre. Toute forme de société est confrontée à l’isolement de nos jours : une personne âgée qui a perdu son conjoint, une famille qui manque de moyens parce que l’un des parents a perdu son emploi, ce qui restreint ses loisirs, une autre frappée dans sa chair par la maladie... On peut vite se couper des autres et ne pas oser demander de l’aide. La communauté est aussi là pour ça. Notre service social fait d’ailleurs un travail remarquable. Je crains cependant que le nombre de nos coreligionnaires ayant besoin de soutien augmente encore. Plus que jamais, nous avons besoin d’être unis et solidaires ! Un nouveau rabbin, un nouveau secrétaire général, des nouveaux responsables du CCJJ... Avez-vous le sentiment que la CIG vit une période charnière ? Il y a eu des changements dans l’équipe, mais ils ont été amenés par l’évolution naturelle du fonctionnement de notre association : un départ à la retraite, un souhait de réorienter sa carrière... L’arrivée d’une nouvelle personne offre l’opportunité de proposer quelque chose d’autre et d’apporter ce degré de changement – « one degree of change », en anglais. Le bateau de la CIG navigue, il a pris une direction et son cap reste le même : dynamiser la vie juive genevoise, en renforçant l’unité, la solidarité et notre identité. Nous devons continuer d’en faire un endroit convivial où l’on a envie de venir et où l’on se sent bien. Quel lien entretenez-vous avec Israël ? J’ai de la famille et de nombreux amis en Israël. Nous nous y rendons souvent pour leur rendre visite, pour les vacances ou pour faire un peu de volontariat, comme à Pessah dernièrement. Il est important pour moi de cultiver ce lien si spécial avec ce pays. Auriez-vous pu vous y installer ? Quand j’avais 13 ans, j’ai eu la chance d’avoir été sélectionné par le Talmud Torah France pour faire un voyage en Israël. Lorsque je suis revenu, j’ai dit à ma mère que je voulais y habiter. Il y avait un lycée français à Jérusalem, elle m’a demandé d’attendre mes 15 ans avant d’en reparler. Le sujet n’est jamais revenu sur la table. La question m’a encore traversé l’esprit à 22 ans, quand j’ai travaillé pour une start-up israélienne. Cependant, la filiale européenne dans laquelle j’étais engagé n’avait aucun intérêt à m’envoyer là-bas. Aujourd’hui, j’aurais probablement du mal à vivre en Israël. J’ai vécu la moitié de ma vie dans la culture européenne. J’ai un côté suisse : j’aime le cadre, j’adore quand les choses sont claires et organisées... « MON ÉPOUSE EST UNE ENFANT DE LA CIG. ELLE A GRANDI À LA MAISON JUIVE DE SAINT-LÉGER, ELLE Y A TOUS SES AMIS ET SES SOUVENIRS. QUAND NOUS NOUS SOMMES MARIÉS, JE ME SUIS MARIÉ, DE FACTO, À SA COMMUNAUTÉ ET À SES AMIS. » MARS -J U I L LE T 2025
EDMOND FLEG : ITINÉRAIRE D’UN JUIF ERRANT TEXTE JEAN PLANÇON Edmond Flegenheimer est né à Genève le 26 novembre 1874, au moment où l’entreprise familiale de soieries créée par ses parents, Moïse et Clara, dans les années 1860, est en plein essor. Bénéficiant d’une excellente éducation, ses premières années sont baignées dans la beauté du culte familial, mais sans véritable transmission des rites millénaires. Ce jeune garçon semble tourmenté par le problème de Jésus. Il s’écarte progressivement de l’éducation traditionnelle et commence à fuir le judaïsme : « Je ne peux pas être Juif. Je ne peux pas être chrétien… Dieu, fais entrer ta lumière en moi, montre-moi si tu es ! » Les longues conversations qu’il a avec le Grand Rabbin Joseph Wertheimer ne l’aident guère, même s’il apprécie largement sa verve naturelle et le verre de Bordeaux qu’il partage dans ces moments intimes. Aussi, finit-il par se réfugier à Paris, préférant embrasser une carrière de lettres, plutôt que de s’investir dans le négoce familial. Après une année d’hypokhâgne au lycée Louis le Grand et une licence de philosophie à la Sorbonne, il intègre l’École normale supérieure, dont il sort avec l’agrégation d’allemand en 1899. Il travaille alors durant quelques années comme critique littéraire au Journal des Débats. L’affaire Dreyfus ne l’émeut guère et ce n’est que quelques années plus tard, en s’associant à une protestation publique en faveur du lieutenant-colonel Picquart, que « l’affaire » devient pour lui une sorte d’épreuve personnelle. C’est peut-être le tournant de sa vie, là où il commence à opérer un retour aux sources et à étudier la religion de ses ancêtres. Après avoir écrit plusieurs pièces de théâtre, dont une adaptation de Macbeth sur une musique originale de son ami genevois Ernest Bloch, il se lie d’amitié avec Charles Péguy qui lui permet de publier dans les Cahiers de la Quinzaine la première partie d’une anthologie qu’il intitulera plus tard Écoute Israël. En 1914, alors âgé de quarante ans, marié à Madeleine Bernheim, fille d’un grand promoteur immobilier parisien, et père de deux enfants prénommés Daniel et Maurice, il s’engage comme volontaire dans la Légion étrangère (il est Suisse et Genevois), ce qui lui vaut, outre deux décorations pour actes de courage face à l’ennemi, d’obtenir la nationalité française en 1921. Bientôt, au terme de son acte de naturalisation, son patronyme s’allège de sa consonance germanique, qu’il détestait, pour devenir celui d’un « bon Français », comme il aime alors à le dire sur un ton cocardier. Il s’appelle désormais Edmond Fleg. FRAPPÉ PAR LA MALÉDICTION? En 1923, son anthologie juive fait l’objet d’une première édition qui, en 1951, sera à nouveau rééditée sous une forme intégrale. Entre temps, en 1935, il devient président du Mouvement des Éclaireurs Israélites de France, fondé en 1923 par Robert Gamzon, puis il écrit deux œuvres lyriques, Œdipe et Sainte Jeanne, qui seront jouées à Paris en 1936. C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec Yehudi Menuhin qui avait accueilli durant plusieurs mois le fils d’Edmond Fleg, le jeune Daniel, parti se refaire une santé sur la côte ouest des États-Unis. Ce dernier, qui est de constitution fragile, ne supporte pas d’être réformé au moment où la France entre en guerre, alors qu’il dispose d’une licence de pilote acquise dans le civil. Il se suicide en novembre 1939. Pour le couple Fleg, c’est un coup dur. Après la faillite familiale des soieries à Genève, dans les années 1920, la disparition de leur fils cadet est ressentie comme une sorte de malédiction qui semble poursuivre les Flegenheimer. Celle-ci ne va malheureusement pas s’arrêter là. En avril 1940, leur bellefille Ayala, qui avait épousé Maurice, le fils aîné des Fleg, accouche d’un enfant mort-né. Quelques semaines plus tard, c’est au tour de Maurice d’être tué sur le front des Flandres, au moment où les Panzer Divisions entament l’invasion de la France et foncent sur Paris. DU PARADIS AU CAUCHEMAR Edmond et Madeleine, écrasés par la douleur, se réfugient alors à Beauvallon, un petit hameau au paysage enchanteur, situé sur les bords du golfe de Saint-Tropez, non loin de Grimaud et de Sainte-Maxime. Le couple y possède un mas depuis leur mariage, le Vieux Moulin, entouré de pins parasols, de lauriers roses et de mimosas. Là, dans ce petit coin de paradis prisé par de nombreux peintres varois, les Fleg espèrent atténuer toutes leurs souffrances et redonner un sens à leur vie. Mais, leur retraite ne sera que de courte durée. En novembre 1942, rompant les termes de l’Armistice, les Allemands envahissent la zone libre et le Var est placé sous la tutelle de leurs alliés italiens. Si la présence des troupes de Mussolini ne semble guère inquiéter Edmond Fleg et son épouse, ce n’est plus le cas, lorsqu’en septembre 1943, l’armée allemande pénètre dans le Var. L'HISTOIRE L'HISTOIRE 14 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7
® HENRI MANUEL Quittant Beauvallon, Edmond Fleg se réfugie un temps à Grenoble, chez son beau-frère Léonce Bernheim qui a rejoint la Résistance. Mais, après l’arrestation de ce dernier, il se cache à Roanne jusqu’à la fin de la guerre. Après la libération, il retourne à Paris et crée avec l’historien Jules Isaac les «Amitiés judéo-chrétiennes » puis, participe activement au lancement des «Colloques des Intellectuels juifs de langue française » en 1957, en compagnie d’Emmanuel Levinas et Jean Halpérin. Jusqu’à la fin de sa vie, Edmond Fleg n’aura de cesse d’écrire. Il sera l’auteur de nombreux ouvrages : Le Chant Nouveau (1946), Nous de l’Espérance (1949), Jésus raconté par le Juif errant (1953), Le livre du commencement (1959), La sortie d’Égypte (1963), La conscience juive (1963). ASPIRER À UN MONDE MEILLEUR Il meurt à Paris le 15 octobre 1963, mais repose à Beauvallon (1), aux côtés de sa femme et de ses deux enfants. Sur la dalle en granit est gravé un chandelier à sept branches, et au-dessus de celui-ci, on peut y lire : « L’homme regarde aux yeux, mais Dieu regarde au cœur ». Au loin, on aperçoit la Méditerranée, puis quelque part, à l’ombre des pins parasols, le Vieux Moulin. Pour les quelques rares visiteurs, cet endroit magique semble évoquer l’espérance, celle des hommes et des femmes qui aspirent à un monde meilleur, celle aussi d’un prophète aux yeux clairs qui en fit le leitmotiv de sa vie et qui s’appelait Edmond Fleg. (1) C’est Edmond Fleg qui présenta à son beau-père, et promoteur, Émile Bernheim, son cousin genevois Julien Flegenheimer. Ce dernier fut l’un des grands architectes de Beauvallon, avec la construction du Golf-Hôtel, de la station balnéaire et de nombreuses villas dans les années 1913-1920, avant qu’ il n’entame ses grandes réalisations à Genève et Ostende (gare Cornavin, Palais des Nations, Palais des Thermes royaux). AU TERME DE SON ACTE DE NATURALISATION, SON PATRONYME S’ALLÈGE DE SA CONSONANCE GERMANIQUE, QU’IL DÉTESTAIT, POUR DEVENIR CELUI D’UN « BON FRANÇAIS ». IL S’APPELLE DÉSORMAIS EDMOND FLEG. Décédé de 15 octobre 1963, Edmond Fleg repose à Beauvallon, aux côtés de sa femme et de ses deux enfants. 15 MARS -J U I L LE T 2025
L’ENQUÊTE 16 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7
LES ENJEUX DE LA CACHEROUTE À GENÈVE TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Dominique Billaudel a bien cru qu’il allait en perdre son latin, le jour où Izhak Dayan et Samuel Nezrit, respectivement rabbin et chomer de la Communauté Israélite de Genève, ont poussé la porte de sa boulangerie-pâtisserie, située sur le plateau de Champel, en 2015. Quelques jours plus tôt, il avait reçu un coup de fil du Secrétaire Général, Elias Frija, qui lui proposa de travailler pour la Maison Juive Dumas et de livrer pains et croissants à la communauté. Accepter cette invitation signifiait découvrir l’univers complexe de la cacheroute ! L’artisan s’est lancé dans ce voyage. Mais, n’étant pas lui-même de confession juive, il ne s’attendait pas à autant de contraintes. « Je suis tombé à la renverse, car c’est une autre manière de travailler », admet-il aujourd’hui. Dix ans ont passé depuis cette première journée. Dominique Billaudel – qui a ouvert son commerce il y a 25 ans, après avoir longtemps travaillé dans la boulangerie Zogg comme cadre – n’a jamais regretté son choix. En 2024, sous l’impulsion du rabbin Mikhaël Benadmon, il est même devenu 100% casher. «Une fois qu’on a assimilé les codes, c’est une question d’organisation ! Savez-vous d’ailleurs que, dans la vie courante, vous mangez aussi des produits casher ? La mayonnaise Thomy, en France, en fait partie ! » Mais, avant que le boulanger reçoive le certificat signé par le Grand Rabbin, il a dû suivre, à la lettre, les consignes de Samuel Nezrit. Éliminer les récipients en plastique, nettoyer au chalumeau les ustensiles et plaques en métal, vérifier la composition de tous les ingrédients qu’il utilise dans ses créations gourmandes... « J’ai arrêté tout ce qui contenait de la viande, comme les pâtés, les croissants au jambon ou les sandwiches. Comme je suis végétarien, ça m’arrange ! Et, dans mes pâtisseries, je n’utilise plus de produits lactés. Cela évite des erreurs de manipulation. » Dans son laboratoire, Dominique Billaudel, en tant que non-Juif, n’a pas le droit d’allumer le feu lui-même : il a donc recours à un four automatique et à des plaques à induction toujours branchées. L’innovation et la technologie permettent d’éviter parfois des écueils insoupçonnés... Mais, ce qui lui a posé le plus de difficultés, c’est l’achat des matières premières ! Où les trouver ? Comment être sûr qu’elles sont parfaitement casher ? Il doit être particulièrement vigilant pour la farine et les œufs. La première doit être exempte d’insectes, les seconds ne doivent présenter aucune trace de sang dans le jaune. «Ma vie a changé le jour où le rabbin Mikhaël Benadmon m’a présenté Menahem Bendayan, spécialiste de la cacheroute, avec lequel j’ai passé en revue chaque matière première. Et, si j’ai besoin d’un ingrédient particulier, je l’appelle et il me conseille pour le trouver. » GENÈVE N’EST PAS CASHER La cacheroute nécessite néanmoins une attention de tous les instants. Chaque semaine, Samuel Nezrit se présente à la boulangerie pour contrôler les produits. «Devenir chomer n’est pas difficile », explique-t-il. « Le plus dur, c’est la vigilance ! Nous n’avons pas le droit à l’erreur, parce que nous sommes responsables des autres. » Chomer à la CIG depuis 2012, il veille également sur le restaurant de la Maison Juive Dumas, Le Jardin, et se rend fréquemment dans les hôtels de la ville, des Bergues au Crowne Plaza, pour « cashériser » les cuisines avant un mariage, une barmitsva ou une soirée de gala. « Je surveille tout, depuis la réception des marchandises jusqu’au service du dessert », indique-t-il. «Notre rabbin délivre un certificat ponctuel, juste pour cet événement. Une fois terminé, l’hôtel n’est plus considéré comme casher. » Pour l’instant, peu d’établissements sont casher à Genève. En plus de la boulangerie-pâtisserie Billlaudel, il existe une épicerie fine, un restaurant japonais, un spécialiste de shawarma... «Nous avions trouvé un restaurant végétarien, mais ils ont lâché au bout de trois mois », souffle le Grand Rabbin Mikhaël Benadmon. Depuis son arrivée à la CIG, il a observé un immense vide au niveau de la cacheroute. « Si on compare Genève à d’autres villes, en © ISTOCK 17 L’ENQUÊTE MARS -J U I L LE T 2025
fonction de la taille de la communauté et du statut de la cité, on est en net déficit. Il y a de 7000 à 8000 Juifs ici, un public qui aimerait bien manger casher, même si la majorité de la ville n’est pas respectueuse de toutes les règles de la cacheroute, mais on ne trouve quasiment rien. C’est fou ! J’ai encore en tête les supermarchés en Israël, qui sont les Carrefour ou Denner du coin : tout existe, on n’a pas besoin de réfléchir ! » Il prend également l’exemple de Paris, capitale culinaire, où il y a plus de 300 restaurants, parfois étoilés, qui proposent des plats casher pour tous. « Ici, nous sommes moins bien lotis ! » UNE DOUBLE FONCTION Pour Mikhaël Benadmon, la cacheroute est devenu un enjeu. Un défi à relever. Il aspire à élargir l’offre dans la ville, et pour deux raisons majeures. La première est évidente : satisfaire simplement la volonté des Juifs de manger casher. «Mais, la cacheroute a une double fonction de conservation du groupe et de rencontre », analyse-t-il. « Elle a un rôle social. Elle permet aux personnes âgées de ne pas se sentir exclues, elle permet aussi aux jeunes de la communauté de se retrouver autour d’une table, de manger ensemble et de tisser des liens. L’idée est de créer des espaces pour faciliter ces rencontres et, pourquoi pas, susciter des mariages. » Dans l’optique d’une pérennisation de la communauté, il est, en effet, important d’enrayer le processus des mariages mixtes... Le Grand Rabbin a d’abord entrepris de consolider son équipe de cacheroute : le rabbin Menahem Bendayan a rejoint Samuel Nezrit et Éric Ackermann dans ce département. « Spécialiste de la cacheroute à l’échelle mondiale, il est responsable du développement de notre label genevois en dehors de nos frontières, afin de permettre la vente d’aliments, produits à l’étranger, en Suisse », explique Mikhaël Benadmon. Mais, son objectif principal reste l’essor de la cacheroute dans le canton à travers trois pistes : l’ouverture de restaurants et de commerces ; l’enrichissement de l’offre traiteurs ; l’autorisation plus rapide de produits vendus dans les supermarchés. PRODUITS CASHER... PAS CHERS ! «Ce sont des aliments qui ne sont ni fabriqués, ni cuisinés, par une communauté juive, mais qui sont autorisés à la consommation. À ce sujet, nous collaborons avec la CIAC (ndlr. Communauté d’intérêts pour les aliments casher), l’organisme qui gère la cacheroute en Suisse. Elle vient d’engager deux rabbins qui seront amenés à visiter les sites de production pour vérifier les ingrédients utilisés et délivrer ces précieuses autorisations. » Une application, Swiss Kosher, permet d’ailleurs de lister tous les produits casher et de scanner leur codebarre pour en connaître directement leur composition. © ISTOCK 18 L’ENQUÊTE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 7
«En Suisse, des centaines d'aliments, à la Coop ou à la Migros, n’ont pas encore été autorisés, parce que nous n’avons pas eu le temps de visiter les usines », précise encore Mikhaël Benadmon. « Il y a un intérêt, à la fois stratégique et économique, à le faire ! Les produits casher, comme le fromage, sont souvent vendus plus cher, parce qu’ils nécessitent la présence d’un rabbin ou d’un chomer pour surveiller le processus de fabrication. Nous devons nous assurer que ces produits soient accessibles au plus grand nombre. Chez Carrefour, par exemple, vous trouvez plus de 2500 produits autorisés, proposés à des prix normaux. » HALAKHIQUE OU FOLKLORIQUE ? Mais, combien sont-ils, à Genève, à respecter la cacheroute ? Avec ses règles contraignantes, elle peut facilement être considérée comme une source de frustration ou d’asservissement. Le Grand Rabbin manque de statistiques précises. Tout simplement parce que chacun vit sa cacheroute à sa manière, à différents niveaux d’acceptation et de vérités. Il y a les rigoristes qui refusent de boire du lait de vache, s’il n’a pas été trait sous la supervision d’un rabbin. Le degré d’affûtage de la lame utilisée pour procéder à l’abattage rituel, la shehita, peut aussi faire l’objet d’un débat : si le couteau n’a pas été vérifié après dix ou vingt bêtes, la viande ne sera pas considérée comme casher par certains. « Il existe une surenchère du label de cacheroute, où chaque poulet a désormais son rabbin » sourit Mikhaël Benadmon. «Mais, s’ il existe une cacheroute halakhique, il y a également une cacheroute folklorique ! On ne mange pas de viande à l’extérieur, mais on s’autorise des salades ou du poisson en restaurant. Comment être sûr que les casseroles ou les ustensiles utilisés pour cuire le poisson n’ont pas servi avant pour dorer une pièce de viande non casher ? » Il note aussi la présence d’une certaine « aristocratie » qui ne consomme que des aliments portant le label d’un rabbin bien précis... Le Grand Rabbin conçoit que la cacheroute peut être astreignante. «On ne peut pas sortir et s’asseoir à n’importe quelle terrasse... » Il lui concède néanmoins deux avantages. Elle permet de conserver le peuple juif autour de la table et de la nourriture – un élément fondamental de la communauté. Elle porte aussi une valeur éthique, puisqu’elle encourage chacun à prêter attention à son alimentation et à vérifier le contenu de son assiette. « Il y a un intérêt à savoir ce que je mange, au niveau de l’aliment lui-même. Est-il bon ? Est-il sain ? Est-il le fait d’un acte de cruauté ? » Pour lui, par exemple, la cacheroute du foie gras soulève des questions : il est formellement certifié casher, mais sa production va « à l’encontre de certaines idées de la cacheroute », notamment sur la souffrance de l’animal. Désormais, Mikhaël Benadmon poursuit plusieurs objectifs à Genève : dresser une liste de deux-trois hôtels, de différents niveaux, pour accueillir régulièrement des mariages ou des barmitsva ; consolider l’offre de traiteurs, en France et en Suisse, avec une gamme de prix accessibles à tous ; trouver un steak-house, une pizzeria et un restaurant végétarien qui accepteraient le label de cacheroute ; chercher une chocolaterie, un vendeur de glaces... «Notre but est que le Juif de la cité ne se sente pas limité dans son action et dans sa présence à cause du casher. » Une manière de mieux intégrer encore la communauté juive dans la routine de la ville ! Lire aussi la chronique du rabbin en pages 8-9. DÉFINITION Code alimentaire prescrit aux enfants d’Israël dans la Bible hébraïque, la cacheroute regroupe d’une part l’ensemble des critères désignant un aliment, animal ou végétal, comme permis ou non à la consommation et, d’autre part, les lois qui permettent de préparer ces aliments ou de les rendre propres à la consommation. PRINCIPES DE BASE Il y a des animaux purs et des animaux impurs ! Sont considérés comme purs les animaux à sabots fendus, ruminant leur nourriture (bœuf, veau, mouton, agneau, chèvre), les volailles de bassecour (poulet, canard, oie, dinde) et les poissons à écailles (saumon, morue, sardine, merlan, sole, thon, dorade). Les animaux doivent être abattus de manière rituelle, dans le but de les vider de leur sang, interdit à la consommation. La shehita consiste à trancher la veine jugulaire, l’artère carotide, l’œsophage et la trachée d’un seul geste continu au moyen d’un couteau effilé sans encoche. Selon le précepte de la Torah (« Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère »), il est interdit de cuisiner ou de consommer des produits carnés avec des produits lactés. Les juifs pratiquants utilisent deux batteries de cuisine et deux vaisselles distinctes, qu’ils lavent dans deux éviers différents, pour éviter les mélanges interdits. Ils attendent aussi le temps de deux repas pour consommer du lait après avoir mangé de la viande. Les aliments d’origine végétale, notamment les légumes à feuille (laitue, chou, persil) doivent être inspectés avant utilisation : la présence d’insectes les rendrait impurs ! Certains aliments, tels que le vin, le jus de raisin, la moutarde ou le pain, doivent être préparés en totalité ou en partie par des enfants d’Israël. La production de fromage doit être supervisée par un Juif. S’il est impossible de cuisiner des plats à chabbat, pour ne pas enfreindre certains interdits comme celui de faire du feu, la période de Pessah se caractérise par une restriction sur les aliments à base de levain, obtenu par fermentation de certains grains (blé, orge, seigle, épeautre), appelé « hametz ». LA CACHEROUTE, C’EST... 19 MARS -J U I L LE T 2025
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