11 © FRANÇOIS BERTHIER OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025 obsession de « plus jamais ça ». Il fallait que j’apprenne à dessiner et j’ai commencé à le faire de manière frénétique. Depuis, je n’ai plus vraiment arrêté... Quand prenez-vous le temps de dessiner ? Sur un plateau de tournage... ? Sur un plateau, non, je n’ai pas trop le temps. Je dessine à la maison, en vacances, quand je suis en train d’écrire... Mais, avant, je dessinais sur des feuilles volantes que je jetais systématiquement, mais, là encore, c’est Bérénice qui m’a demandé de conserver mes dessins. Aujourd’hui, j’ai toujours un carnet sur moi, avec des crayons, et si quelqu’un est en retard à un rendez-vous ou si j’assiste à une réunion, je dessine. Cela me permet de rester concentré, de rester tranquille. Je dessine essentiellement des êtres humains : des visages, des corps... Est-ce que le dessin vous sert parfois dans vos projets de films ? De manière indirecte, oui ! Cela me permet de storyboarder tous mes films. À ce moment-là, je suis tout seul à penser à mon film de manière visuelle. C’est différent du travail de scénariste ou du travail sur le plateau où je me retrouve face à 1000 interlocuteurs... Mais, le dessin donne aussi une faculté de penser des images de manière abstraite. Si j’ai besoin d’une grue de 3 mètres pour une scène, le dessin me permet de visualiser ce plan vu d’en haut. Je ne suis pas sûr que tout le monde puisse faire ça de façon aussi simple. Ce film d’animation vous a-t-il donné des idées ? Vous avez dit que vous travailliez sur un projet de livre avec des combattants ukrainiens... Plus que des idées, cela m’a désinhibé. Jusqu’à présent, le dessin restait une pratique complètement intime. Bérénice ou mes enfants y jetaient un œil, ils me disaient que je dessinais bien... J’étais content. Ça s’arrêtait là. Cela a donc été un peu violent et compliqué de sortir mes dessins de cette intimité, de les amener à des personnes dont c’est le métier et de les confronter à leur avis. Mais, une fois que cette étape est passée, le côté inhibé est tombé. À tel point que j’ai accepté la proposition d’une productrice, propriétaire d’une galerie de cinéma, d’y exposer mes dessins. Cela faisait dix ans qu’elle me le demandait, j’avais toujours refusé... Quant au livre, j’ai pris plusieurs types d’engagement de citoyen, et non de réalisateur, pour les Ukrainiens et la guerre. Un militaire, rencontré là-bas, m’avait proposé d’aller sur le front et de rencontrer des combattants. Je me suis dit alors que ce serait peut-être un bon moyen de récolter des fonds, de faire un livre de portraits de ces combattants, à la fois écrits et dessinés. Revenons au film! Quelles sont les scènes qui ont été les plus compliquées à dessiner? Toutes les scènes qui concernent les camps, et ça part des trains ! C’était même plus compliqué pour les trains, parce que j’entrais dans les convois des déportés pour y amener de la fiction. Il est difficile de figurer, de représenter... Comment rendre supportable l’insupportable ? Vous faites quand même entrer dans la case spectacle le pire passage de l’histoire de l’humanité. Ce sont des problèmes esthétiques, éthiques et moraux que se posent d’ailleurs tous les réalisateurs. Avec un film d’animation, j’avais la sensation d’avoir un outil qui me permettait d’éviter un certain nombre d’écueils. « COMMENT RENDRE SUPPORTABLE L’INSUPPORTABLE ? VOUS FAITES QUAND MÊME ENTRER DANS LA CASE SPECTACLE LE PIRE PASSAGE DE L’HISTOIRE DE L’HUMANITÉ. »
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