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L E M AG A Z I NE D E L A COMMUNAU T É I S R A É L I T E D E G E NÈ V E 1 0 2 0 2 4 - 0 2 2 0 2 5 N ° 1 6 CULTE POURQUOI TANT DE SIÈGES VIDES DANS LES SYNAGOGUES ? CCJJ DÉCOUVREZ NATHAN ET ANNE-EVA, NOS DEUX NOUVEAUX RESPONSABLES ! CULTURE MICHEL HAZANAVICIUS : « LE CONTE TRANSMET UN MESSAGE UNIVERSEL. »

RJ Management SA 5 Cours de Rive, 1204 Geneva - Switzerland +41 22 888 00 50 info@rjmanagement.ch rjmanagement.ch — Wealth Managers for Today’s World A committed partner in preserving and developing our clients’ assets over the long term.

Le monde entier a les yeux tournés vers le Proche-Orient, suivant avec une attention soutenue les évolutions d’un conflit qui ne cesse de bouleverser des vies et des familles. En ces temps d’incertitude, une lueur d’espoir semble avoir percé l’obscurité : la libération progressive des otages. Chaque visage retrouvé, chaque enfant ramené dans les bras de ses parents, incarne un triomphe de l’humanité sur la brutalité. Mais, cet espoir reste fragile. L’accord de libération, arraché après d’intenses négociations, repose sur un équilibre précaire. En tant que communauté, nous sommes appelés à rester unis dans l’espoir et la vigilance. Chacun des otages libérés est une victoire pour la dignité humaine, mais, tant que tous ne seront pas rentrés, nous ne pourrons considérer cette page comme tournée. Le respect des accords, dans un contexte aussi tendu, dépend également de la pression exercée par la communauté internationale et par chaque citoyen conscient de l’importance de la justice. Il est également crucial de ne pas perdre de vue les leçons que ces événements nous offrent. Les otages ne sont pas de simples symboles ; ils sont des parents, des enfants, des amis qui méritent non seulement d’être libérés, mais aussi de retrouver une vie empreinte de sécurité et de paix. C’est à nous tous de travailler à construire un avenir où de tels drames ne seront plus possibles ! Notre communauté, engagée dans la solidarité et le respect des valeurs fondamentales, doit continuer à se mobiliser. Nous devons élever nos voix pour exiger la fin de l’utilisation des innocents comme instruments de guerre, et surtout, éduquer les futures générations dans un esprit de dialogue et de paix. En ces moments éprouvants, nos pensées accompagnent ceux qui attendent encore, dans l’angoisse et l’espoir. Puissions-nous être témoins d’une libération complète et d’un respect des engagements pris, pour que le cri de douleur des victimes laisse place à une mélodie d’espoir et de reconstruction. Face à cette situation fragile, chacun d’entre nous peut faire la différence. Rejoindre la CIG, c’est s’engager concrètement pour des valeurs de solidarité et de justice. Votre générosité permet de soutenir nos actions. Plus que jamais, votre adhésion et vos dons comptent. Ensemble, nous pouvons porter l’espoir et contribuer à un avenir meilleur. Am Yisrael Chai. N.B. Cet éditorial a été écrit à un moment particulier et pourrait ne pas refléter les évolutions ou les nouvelles informations disponibles au moment de sa publication. Les opinions et faits mentionnés ici s’ inscrivent dans le contexte actuel et restent soumis à des changements possibles. SOMMAIRE LES NEWS 5-7 LA CHRONIQUE DU RABBIN 9 LA RENCONTRE 10-13 L’HISTOIRE 14-15 LE FOCUS 16-19 LE PORTRAIT CROISÉ 20-21 L’ENQUÊTE 22-24 ÇA S’EST PASSÉ À LA CIG 25-29 L’ÉTAT CIVIL 31 LA CUISINE 32 LE TRAIT D’HUMOUR 34 Editeur Communauté Israélite de Genève Rédaction en chef Eric Roditi Rédaction Mikhaël Benadmon Noémi Amatriain Floriane Piermay Jean Plançon Jean-Daniel Sallin Relecture Anita Halasz et BuxumLunic Conception BuxumLunic www.buxumlunic.ch Photo de couverture Studio Aigal Tirage 1500 exemplaires Impression Van der Poorten LA LIBÉRATION DES OTAGES : UN ÉLAN D’ESPOIR FRAGILE TEXTE ÉRIC RODITI L'ÉDITO 3 OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025

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LES NEWS BALADES SUR L’EAU Lacs, fleuves ou océans, l’œuvre de l’artiste genevois Denoël invite notre esprit à voguer vers d’autres horizons. Une exposition à la Maison Juive Dumas (jusqu’au 10 mars) permet d’apprécier ses tableaux. Le fruit de la vente de ses lithographies et de ses peintures sur toile sera versé au profit du Service social. EXPOSITION À NE SURTOUT PAS MANQUER... NOUVEAUTÉ LE CCJJ ÉDITE SON MAGAZINE Il s’adresse en particulier aux Yéladim (6 à 11 ans) et à leurs parents, aux Tséïrim (12 à 14 ans) et aux Bogrim (15 à 18 ans) : le magazine du CCJJ, dont la première édition a paru en décembre dernier, revient sur les actualités du Centre Communautaire de la Jeunesse Juive de la CIG. Articles, retours en images, programme : vous ne pourrez plus rien manquez des nombreuses activités proposées à nos jeunes ! SAVE THE DATE NOTRE ASSEMBLÉE GÉNÉRALE 2025 SE TIENDRA À LA MAISON JUIVE DUMAS LE 26 MAI 2025 À 20H. NOUS VOUS ATTENDONS NOMBREUX ! POURIM À LA CIG LE JEÛNE D’ESTHER DÉBUTERA À 5H22 LE 13 MARS, POUR S’ACHEVER À 19H14. SUIVRONT LES LECTURES DES MEGUILA AUX SYNAGOGUES BETH YAACOV ET DUMAS, ENTRE LE JEUDI SOIR ET LE VENDREDI MATIN. RETROUVEZ DAVANTAGE D’INFORMATIONS SUR NOTRE SITE INTERNET. LE CCJJ 2.0 EMMENÉ DEPUIS SEPTEMBRE PAR ANNE-EVA ET NATHAN SMILA, LE CCJJ FAIT PEAU NEUVE ! NOUVELLE TRANCHE D’ÂGE ALLANT JUSQU’À 28 ANS, NOUVEAUX RENDEZ-VOUS, NOUVEAUX ATELIERS, RÉVISION DU PROGRAMME DE L’ÉCOLE DES CADRES… NOTRE JEUNESSE EST ENTRE DE BONNES MAINS ! À LIRE EN PAGES 20 ET 21. magAZ INE NOUVEAU MAGAZINE CCJJ P r o g r a m m e sur l’annee 2025 DÉCEMBRE 2024 P r ésen t a t io n Nathan Anne-Eva R et o u r su r Nos activités TOUS LES DIMANCHES C’est une nouveauté 2025, à la bibliothèque Gérard Nordmann : une conteuse accueille petits et grands entre 15 et 17 heures. De quoi ponctuer vos week-ends de mille pér ipéties ! 10, 12 & 14.03.2025 LES ENFANTS FÊTENT POURIM Pour les enfants du Gan, c’est en trois temps que se dérouleront les célébrations de Pourim. Les festivités commenceront dès le 10 mars, avec la confection des michloah manot. Le 12, des activités relatives au livre d’Esther seront proposées. Et le 14, place à la fête ! À la Maison Juive Dumas, la fête communautaire se tiendra le dimanche 16 mars. OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025 5

NOUVELLE TECHNOLOGIE L’IA vous fascine autant qu’elle vous effraie ? Le cours-conférence du Dr. Raphaël H. Cohen est fait pour vous ! Le mardi 11 mars à 18h30 à la Maison Juive Dumas, il vous guidera dans les méandres de l’intelligence artificielle. Que peut-on en faire au quotidien ? Comment l’utiliser ? Entrée libre sur inscription 19.02.2025 NOUS VOUS DONNONS RENDEZ-VOUS À LA SYNAGOGUE BETH YAACOV LE 19 FÉVRIER PROCHAIN POUR DÉCOUVRIR LE PROJET DU NOUVEAU MUSÉE JUIF DE SUISSE EN PARTENARIAT AVEC LE GIL ET L’ORGANISATION DU MUSÉE. 07-09.04.2025 PESSAH, AU GAN AUSSI ! À LA CIG, LES ENFANTS AUSSI CÉLÈBRENT PESSAH : POUR L’OCCASION, LE GAN A PRÉVU PLÉTHORE D’ACTIVITÉS SPÉCIFIQUES, AINSI QU’UN MINI-SEDER LE MERCREDI 9 AVRIL. 22-25.05.2025 WEEK-END.COM : LA PREMIÈRE ÉDITION LA CIG VOUS EMMÈNE À MADRID ! AU PROGRAMME : CULTURE ET HISTOIRE DU PATRIMOINE JUIF MADRILÈNE, EXCURSION À TOLÈDE, GASTRONOMIE CACHER, CHABBAT PLEIN, SPECTACLE DE FLAMENCO, ET SOIRÉES FESTIVES… POUR VOUS INSCRIRE, RENDEZ-VOUS SUR NOTRE SITE INTERNET. COMISRA.CH AVRIL 2025 PESSAH : LE PROGRAMME JEÛNE DES PREMIERS NÉS le 10.04.2025 de 5h21 à 20h54 CHABBAT HAGADOL les vendredi 11 et samedi 12.04.2025 FÊTE PESSAH 1 du samedi 12.04 au soir au lundi 14.04.2025 au soir FÊTE PESSAH 2 du vendredi 18.04 au soir au dimanche 20.04.2025 au soir 05.03.2025 Le Gan accueillera en mars sa seconde pyjama party à l ’occasion de Pour im ! Elle s’adresse à tous les enfants et se déroulera jusqu’à l ’aube. Chemises de nuit, pantouf les et doudous de r igueur ! Pour plus d' informations, consultez notre site internet www.comisra.ch HISTOIRES DE FAMILLES Auteur du livre Halpérin-Spierer : Histoires de familles, Daniel Halpérin viendra raconter, le lundi 10 mars à la synagogue Beth Yaacov (1 2h 15), avec ses trois filles, Ilana, Liv et Shirane, l’extraordinaire saga de ces deux familles, dont les destins s’entrelacent au fil de l’Histoire. 10.03.2025 © DR, ISTOCK 04.03.2025 ÉLÉMENTAIRE, MON CHER ! Une fois par trimestre, rendez-vous pour une balade littéraire à la bibliothèque Gérard Nordmann. Cette édition se déroulera autour du thème des polars israéliens, en compagnie de Joanna David, professionnelle de l’édition. Plus d’informations sur notre site Internet 7 OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025

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LA « TSNIOUT » ? UNE QUÊTE PLUS QU’UNE LOI ! TEXTE MIKHAËL BENADMON Dans le monde de l’éducation juive, tout le monde s’accorde à dire que la « tsniout » (je ne traduis pas volontairement) est une idée maîtresse, qu’il faut éduquer les enfants – souvent plus les filles – à en être respectueux, qu’elle a des règles et une codification très claire qu’il faut tout simplement apprendre et appliquer. On l’a ou on ne l’a pas. Vous avez bien compris que le mot «tsniout» dans cette acception traduit là le mot «pudeur », et se focalise sur son aspect extérieur et vestimentaire. Éduquer que la « tsniout » est un code vestimentaire, c’est aussi réducteur que de dire que la prière est une récitation. C’est tenter d’en conserver la forme en ruinant le fond. On comprendra aisément qu’il est bien plus commode d’opter pour un tel discours : c’est clair, balisé, réglementé, c’est vérifiable et mesurable. C’est donc sous contrôle. Ce phénomène est sans doute l’un des drames de l’éducation juive. Réduire les choses à leur aspect extérieur : c’est l’un des messages que la Torah, et toute pensée religieuse, s’obstine à combattre. Traduire « tsniout » par code vestimentaire est réducteur et contre-productif. Réducteur, car c’est sacrifier la dynamique de la vie intérieure sur l’autel de l’extériorité et oublier que le public masculin est aussi concerné ; contre-productif, parce que le public, féminin en l’occurrence, n’est pas (plus) dupe et ne veut pas d’un tel discours qui n’est que source de conflits à l’école comme à la maison. La source d’un tel malentendu est à mon avis dans la pauvreté linguistique du champ sémantique de la pudeur en hébreu. La racine צ.נ.ע . est employée dans la Torah pour désigner un mode d’être face à D.ieu, et rien ne fait allusion à un code vestimentaire qui se tourne spécifiquement vers les dames. Le mot donne matière à réflexion. Mais, voilà que ce terme est quasi introuvable dans le dictionnaire des synonymes hébraïques qui propose des termes proches permettant la nuance, l’expression d’idées similaires, mais pas exactement semblables. Grande est la sagesse des synonymes, car elle permet de cerner la culture et l’imaginaire véhiculés par une langue. L’absence de terme dans une langue ne veut pas dire que le concept en est absent. Mais, force est de constater que le français est bien plus riche sur ce point que l’hébreu et peut nous aider à mieux éduquer. On y trouve les termes de pudeur, mais également de gêne, de trouble, de réserve, d’incommodité, de discrétion, d’embarras, de désagrément, de retenue, de repli intérieur... La « tsniout » a affaire avec le respect, la dignité, avec la communication intérieure et l’intime, avec la modération et la pondération. Elle est un savoir et une recherche bien plus qu’une loi, une conscience bien plus qu’un état passif. Elle n’est pas criarde ni ne s’affiche dans la simple extériorité, elle est une vertu. Et, comme toutes les vertus, elle s’acquiert avec de la recherche, de la volonté et de la patience. Alors, chers parents et éducateurs, plutôt que de noyer nos enfants dans des considérations de qu’en-dira-t-on, de honte, de nécessité d’appartenance sociale (toutes ces données sont aussi très importantes) qui, au bout du compte, disparaîtront avec eux dès qu’ils seront indépendants, relevons le défi de l’éducation à l’intimité. C’est peut-être le plus grand défi éducatif digne de ce nom dans le monde d’aujourd’hui. « TRADUIRE ‹TSNIOUT› PAR CODE VESTIMENTAIRE EST RÉDUCTEUR ET CONTRE-PRODUCTIF. (...) LA SOURCE D’UN TEL MALENTENDU EST À MON AVIS DANS LA PAUVRETÉ LINGUISTIQUE DU CHAMP SÉMANTIQUE DE LA PUDEUR EN HÉBREU. » LA CHRONIQUE DU RABBIN 9 OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025 © ISTOCK

MICHEL HAZANAVICIUS : « LE CONTE TRANSMET UN MESSAGE UNIVERSEL » TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Dans une campagne enneigée en Pologne, un couple de bûcherons vit à côté d’une voie de chemin de fer. Chaque jour, un train de marchandises traverse la forêt et la bûcheronne prie pour qu’une des marchandises soit déposée pour améliorer leur quotidien. Un jour, elle entend les cris d’un bébé. Elle décide de le recueillir, contre l’avis de son mari, et d’élever cet enfant comme sa propre fille. Cette histoire, La Plus Précieuse des Marchandises, est celle du dernier film de Michel Hazanavicius. Un conte écrit par JeanClaude Grumberg en 2019 que le réalisateur a accepté de porter à l’écran. On n’attendait pas forcément le Parisien dans ce registre, lui qui nous avait enchantés sur grand écran avec les aventures d’Hubert Bonnisseur de la Bath, alias OSS 117, avant de collectionner les récompenses – deux Césars, trois Oscars – avec The Artist, un film muet en noir et blanc qui raconte la carrière de George Valentin (Jean Dujardin), star du grand écran confronté à l’arrivée du cinéma parlant. Mais ce projet de film d’animation était particulier. Il raconte, à mots choisis, la Shoah, la déportation dans le camp d’Auschwitz, les charniers, l’antisémitisme... Après avoir hésité à participer à cette aventure, pour des raisons personnelles et familiales, Michel Hazanavicius finit par s’investir dans ce projet, prêtant même son trait à l’équipe de dessinateurs. Lancé en 2019, arrêté pendant la pandémie de Covid-19, le film est sorti à la fin novembre, après avoir été présenté au Festival de Cannes. Comment avez-vous découvert le livre de Jean-Claude Grumberg, La Plus Précieuse des Marchandises ? C’est le producteur Patrick Sobelman qui me l’a envoyé, tout bêtement ! Jean-Claude Grumberg est un ami de la famille, de mes parents en premier lieu. Il ne m’envoie pas tous ses livres, de la même manière que je ne lui envoie pas tous mes scénarios. Mais, il a demandé à Robert Guédiguian s’il y avait lieu de faire un film d’animation avec son histoire. Comme Robert ne se sentait pas de le faire lui-même, il a transmis le livre à Patrick, son associé. Il a adoré ce conte et il m’en a parlé immédiatement. Vous avez énormément hésité à réaliser ce film. Pourquoi ? J’ai adoré le livre, l’histoire, mais je n’ai pas dit oui tout de suite pour plusieurs raisons. Un film d’animation, c’est une aventure de plusieurs années, c’est aussi un métier que je ne connais pas. Mais, surtout, cette histoire aborde des thèmes qui sont à la fois intimes pour moi, par rapport à mon héritage familial, et délicats à traiter, parce que tout le monde pense qu’on a tout entendu sur ce sujet. Ce n’était pas très pop, quoi ! Mais, d’un autre côté, j’avais la beauté de ce conte et la possibilité d’en faire un bon film. La dernière pichenette, c’est ma femme, Bérénice Bejo, qui me l’a donnée ! Elle m’a dit que, par rapport à nos enfants et à tous les autres, je n’avais pas le choix : je devais le faire ! Était-ce clair dès le départ que c’est vous qui dessineriez pour ce film? Oui. Mais, ça l’était moins que je le ferais sans coréalisateur. Il s’est avéré que c’était plus compliqué que prévu d’animer mes dessins. J’ai essayé deux fois de prendre un coréalisateur, mais ça n’a pas fonctionné. Je me suis donc retrouvé à être réalisateur de film d’animation et à dessiner plus que prévu... Avez-vous dû apprendre l’art du film d’animation sur le tas ? Oui, mais pas les techniques d’animation elles-mêmes ! Découper un mouvement en huit ou douze images par seconde, c’est compliqué, certes, mais ce n’est qu’une partie de la fabrication. Diriger une équipe d’animateurs ou de décorateurs, suivre l’animation, l’assistanat, tous ces détails qui n’ont rien à voir avec la fabrication d’un plan en prise de vue réelle, oui, j’ai dû l’apprendre. Avez-vous dû adapter votre trait de dessin au sujet pour le rendre plus dur ? Les seuls dessins à moi dans ce film sont les images figées, pendant le charnier. Cependant, je ne dessine pas ça à longueur de journée... Je fais plutôt de la comédie. (sourire) Je dessine au crayon à papier, j’ai un trait plutôt classique. Ceux qui ressemblent le plus à ce que je fais naturellement sont les figurants, notamment les visages des déportés. Mais, je n’avais qu’un seul interlocuteur en face de moi, c’était plus simple de coller à la physionomie des personnages. En revanche, quand vous avez un personnage dessiné par 60 animateurs et 20 dessinateurs différents, vous allez au plus petit dénominateur commun : vous simplifiez le trait pour que tout le monde puisse le dessiner de la même façon. Depuis quand dessinez-vous ? Depuis que j’ai 10 ans. En CM2, alors que j’avais neuf ans et demi, ma prof avait décidé que je dessinais mal. Ce n’est pas une façon super moderne d’appréhender l’éducation, mais bon... Elle voulait créer une fresque et chaque élève devait choisir un sujet de dessin pour cette fresque. Quand elle est arrivée à ma hauteur, elle est passée devant moi sans me demander mon choix. De cette humiliation est née cette 10 LA RENCONTRE LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 6

11 © FRANÇOIS BERTHIER OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025 obsession de « plus jamais ça ». Il fallait que j’apprenne à dessiner et j’ai commencé à le faire de manière frénétique. Depuis, je n’ai plus vraiment arrêté... Quand prenez-vous le temps de dessiner ? Sur un plateau de tournage... ? Sur un plateau, non, je n’ai pas trop le temps. Je dessine à la maison, en vacances, quand je suis en train d’écrire... Mais, avant, je dessinais sur des feuilles volantes que je jetais systématiquement, mais, là encore, c’est Bérénice qui m’a demandé de conserver mes dessins. Aujourd’hui, j’ai toujours un carnet sur moi, avec des crayons, et si quelqu’un est en retard à un rendez-vous ou si j’assiste à une réunion, je dessine. Cela me permet de rester concentré, de rester tranquille. Je dessine essentiellement des êtres humains : des visages, des corps... Est-ce que le dessin vous sert parfois dans vos projets de films ? De manière indirecte, oui ! Cela me permet de storyboarder tous mes films. À ce moment-là, je suis tout seul à penser à mon film de manière visuelle. C’est différent du travail de scénariste ou du travail sur le plateau où je me retrouve face à 1000 interlocuteurs... Mais, le dessin donne aussi une faculté de penser des images de manière abstraite. Si j’ai besoin d’une grue de 3 mètres pour une scène, le dessin me permet de visualiser ce plan vu d’en haut. Je ne suis pas sûr que tout le monde puisse faire ça de façon aussi simple. Ce film d’animation vous a-t-il donné des idées ? Vous avez dit que vous travailliez sur un projet de livre avec des combattants ukrainiens... Plus que des idées, cela m’a désinhibé. Jusqu’à présent, le dessin restait une pratique complètement intime. Bérénice ou mes enfants y jetaient un œil, ils me disaient que je dessinais bien... J’étais content. Ça s’arrêtait là. Cela a donc été un peu violent et compliqué de sortir mes dessins de cette intimité, de les amener à des personnes dont c’est le métier et de les confronter à leur avis. Mais, une fois que cette étape est passée, le côté inhibé est tombé. À tel point que j’ai accepté la proposition d’une productrice, propriétaire d’une galerie de cinéma, d’y exposer mes dessins. Cela faisait dix ans qu’elle me le demandait, j’avais toujours refusé... Quant au livre, j’ai pris plusieurs types d’engagement de citoyen, et non de réalisateur, pour les Ukrainiens et la guerre. Un militaire, rencontré là-bas, m’avait proposé d’aller sur le front et de rencontrer des combattants. Je me suis dit alors que ce serait peut-être un bon moyen de récolter des fonds, de faire un livre de portraits de ces combattants, à la fois écrits et dessinés. Revenons au film! Quelles sont les scènes qui ont été les plus compliquées à dessiner? Toutes les scènes qui concernent les camps, et ça part des trains ! C’était même plus compliqué pour les trains, parce que j’entrais dans les convois des déportés pour y amener de la fiction. Il est difficile de figurer, de représenter... Comment rendre supportable l’insupportable ? Vous faites quand même entrer dans la case spectacle le pire passage de l’histoire de l’humanité. Ce sont des problèmes esthétiques, éthiques et moraux que se posent d’ailleurs tous les réalisateurs. Avec un film d’animation, j’avais la sensation d’avoir un outil qui me permettait d’éviter un certain nombre d’écueils. « COMMENT RENDRE SUPPORTABLE L’INSUPPORTABLE ? VOUS FAITES QUAND MÊME ENTRER DANS LA CASE SPECTACLE LE PIRE PASSAGE DE L’HISTOIRE DE L’HUMANITÉ. »

UN FILM DE MICHEL HAZANAVICIUS UN CHEF D’ŒUVRE LUMINEUX ET BOULEVERSANT PRODUIT PAR PATRICK SOBELMAN FLORENCE GASTAUD ET MICHEL HAZANAVICIUS PRODUCTION EXÉCUTIVE 3.0 STUDIO, CHRISTOPHE JANKOVIC, VALÉRIE SCHERMANN DIRECTEUR ARTISTIQUE JULIEN GRANDE DESSIN DES PERSONNAGES MICHEL HAZANAVICIUS SUPERVISEUR STORYBOARD & CHEF DE PROJET AYMERIC GENDRE SON SELIM AZZAZI, JEAN PAUL HURIER MONTAGE MICHEL HAZANAVICIUS, LAURENT PELÉ, ARNAU SEGARRA DIRECTION DE PRODUCTION BERNARD DEVILLERS POST PRODUCTION FRANK METTRE UNE COPRODUCTION EX NIHILO LES COMPAGNONS DU CINEMA STUDIOCANAL FRANCE 3 CINEMA LES FILMS DU FLEUVE RTBF TÉLÉVISION BELGE VOO ET BE TV AVEC LE SOUTIEN DE CANAL+ AVEC LA PARTICIPATION DE CINE+ OCS, FRANCE TELEVISIONS, WALLIMAGE LA WALLONIE EN ASSOCIATION AVEC CINEMAGE 17 INDÉFILMS 11 PALATINE ETOILE 20 SOFITVCINE 10 LA BANQUE POSTALE IMAGE 16 CINEVENTURE 8 CINEAXE 4 CINECAP 6 AVEC LE SOUTIEN DU CNC D’EURIMAGES DE LA RÉGION NOUVELLE AQUITAINE ET DU DÉPARTEMENT DE LA CHARENTE ET MAGELIS DE LA RÉGION OCCITANIE DE LA RÉGION GRAND EST ET DE STRASBOURG EUROMÉTROPOLE EN PARTENARIAT AVEC LE CNC DU TAX SHELTER DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL BELGE VIA CASA KAFKA PICTURES DE LA FONDATION POUR LA MÉMOIRE DE LA SHOAH DE LA FONDATION DU JUDAÏSME DE BELGIQUE DU EUROPEAN JEWISH FUND DE LA CONFÉRENCE ON JEWISH MATERIAL CLAIMS AGAINST GERMANY SUPPORTED BY THE BMF AND THE EVZ FOUNDATION DE LA PROCIREP ET DE L'ANGOA AVEC L'AIDE DU CENTRE DU CINÉMA ET DE L'AUDIOVISUEL DE LA FÉDÉRATION WALLONIE ˆ BRUXELLES VENTES INTERNATIONALES STUDIOCANAL ILLUSTRATION : JULIEN GRANDE ÉCRIT PAR MICHEL HAZANAVICIUS ET JEAN CLAUDE GRUMBERG D'APRÈS LE CONTE DE JEAN CLAUDE GRUMBERG ©LA LIBRAIRIE DU XXIÈME SIÈCLE ÉDITIONS DU SEUIL, 2019 MUSIQUE ALEXANDRE DESPLAT AVEC LES VOIX DE DOMINIQUE BLANC DE LA COMÉDIE FRANÇAISE, GRÉGORY GADEBOIS, DENIS PODALYDÈS DE LA COMÉDIE FRANÇAISE, JEAN LOUIS TRINTIGNANT EX NIHILO ET LES COMPAGNONS DU CINEMA ET STUDIOCANAL PRÉSENTENT 12 LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 6 © FRENETIC FILMS

13 Pour quelles raisons ? Quand je regarde des films sur la Shoah ou sur la déportation, j’ai toujours un problème avec le hors-champ. Je sais ce qu’il y a autour du plan : je sais qu’il y a une équipe de cinéma, qu’ils n’ont pas vraiment froid, qu’ils sont en train de prétendre... Avec des dessins, vous n’avez pas de hors-champ. Il n’y a rien d’autre qui existe que le film luimême. Les dessins n’ont pas de vie autre et, donc, d’une certaine manière, il n’y a pas de mensonge. C’était la clé pour aborder toute cette partie-là ! Ce conte est destiné aux enfants... A-t-il une valeur éducative ? Oui, il y en a une, mais je m’en suis rendu compte assez tard. Ce n’était pas une motivation réelle pour moi. Je me posais plus des questions de réalisateur. Je voulais leur raconter cette histoire sans leur mentir, sans les traumatiser. C’est seulement en présentant le film dans les écoles que j’ai mesuré sa valeur éducative. C’était déjà le cas du livre, puisqu’il est entré dans les programmes de l’Éducation nationale. On me dit parfois que certaines images sont dures... Cela m’étonne. Ce sont plutôt des passages qui sont durs, parce que l’histoire est racontée ainsi. Je vois plus les images comme des tableaux. Allez-vous cacher les yeux de vos enfants devant Guernica ou Le Radeau de la méduse ? Ces images ne sont pas traumatisantes. Mais, vous, avec votre connaissance de ce qui est en train de se raconter, vous avez l’imagination nécessaire pour vous donner des détails scabreux ou affreux. Un enfant de 9-10 ans – et j’en ai rencontrés beaucoup pendant ma tournée de trois mois – comprend ce qui se passe sous ses yeux au même niveau qu’un adulte, mais il a sa propre vision de l’insupportable. Il comble la narration avec ce qu’il est capable de supporter. Ce devoir de mémoire est-il important pour vous ? Je ne suis pas très à l’aise avec cette notion. C’est l’injonction qui me dérange ! Ce serait une catastrophe si ça tombait aux oubliettes. Mais, personne n’a oublié. Le tout est de savoir ce qu’on en fait, comment on raconte cette histoire... Je ne suis ni professeur, ni philosophe, je ne fais pas de politique. Au moment où les survivants disparaissent et où l’on termine l’ère du témoignage et de la mémoire directe, la question d’inscrire cette histoire dans un récit collectif se pose différemment. Mais, c’est l’affaire des personnes qui s’intéressent à cette représentation-là, ce n’est pas l’affaire des gens ! La force d’un conte, dites-vous, c’est que les personnages ou les villes ne portent pas de nom, il permet donc de transmettre un message plus universel... Effectivement. C’est ce qui m’a plu dans le livre de Jean-Claude Grumberg, même si lui a plus ancré son conte localement et historiquement. Moi, j’étais prêt à aller plus loin et à enlever la référence à la Seconde Guerre au début du film. Un conte commence très souvent par cette phrase : « Il était une fois, dans un pays lointain... ». Mais, l’histoire se base toujours sur des faits réels qui ont touché des êtres humains et elle les amène à un niveau universel. Le Petit Poucet, par exemple, évoque la famine des paysans, dans un pays qui n’est plus capable de nourrir ses enfants. Dans le cas de La Plus Précieuse des Marchandises, le conte élève la Shoah au niveau de l’histoire de l’humanité. Cette histoire n’appartient plus aux Juifs, aux Allemands ou aux Européens, elle appartient à chacun d’entre nous. Vous devenez alors tous les personnages et vous comprenez que vous pouvez avoir en vous un génocidaire ou une victime. Vous comprenez aussi qu’il peut y avoir un juste en chaque personne, capable de faire les bons choix et de suivre sa morale, même si cela lui semble contre-nature au départ. Le conte permet cette projection. Quand vous enfermez une histoire avec des personnages qui ont des noms, vous individualisez cette histoire, vous la placez à une époque, dans un lieu précis et, d’une certaine manière, vous en restez à l’extérieur. Le conte, d’autant plus qu’il s’adresse aux enfants, a cette universalité-là. Pour la voix du narrateur, vous avez choisi Jean-Louis Trintignant. Une évidence ? Totalement. D’abord, Trintignant, c’est la plus belle voix du cinéma français, un immense acteur, un homme qui véhicule des valeurs humanistes. En plus, c’est un texte qui a été écrit par un vieil homme : il me paraissait normal qu’il soit lu par un vieil homme. Ce conte s’adresse aux enfants, il y a quelque chose qui tient du testament moral, je trouvais ça beau. Et puis, quand j’ai lu le livre pour la première fois, j’avais le sentiment de lire un classique, comme si cette histoire avait toujours existé. Or, Jean-Louis Trintignant amène cette forcelà. Je suis né, il y avait déjà Trintignant ! Il appartient à la mythologie du cinéma. Et pour les autres voix ? Au départ, j’avais prévu de travailler avec Gérard Depardieu pour le bûcheron, mais, pour des raisons évidentes, on n’a pas continué avec lui... J’avais envie de conserver ce côté classique et intemporel du texte. J’ai donc pris l’option d’avoir des dialogues littéraires. Je suis allé naturellement vers des acteurs de théâtre qui n’ont pas d’affectation ou d’accent dans la voix. Certains acteurs ont des natures qui les aiguillent vers un certain type de personnages : des paysans, des bourgeois, des prolétaires... Les comédiens de théâtre arrivent à plus de neutralité. J’ai donc réussi à réunir trois grands acteurs (ndlr. Dominique Blanc, Denis Podalydès et Grégory Gadebois) et j’ai eu de la chance : ils ont tout de suite dit oui. Le film est sorti en novembre, à une période où on est plus habitué à découvrir le dernier Disney ou Pixar. Le succès est au rendez-vous. Que vous inspire cette situation ? Je me dis d’abord qu’ils sont très forts chez Studiocanal (ndlr. distributeur du film). Ce sont eux qui ont choisi la date de la sortie, ils ont bien préparé leur coup. Mais, il y a aussi beaucoup de gens qui adorent ce film de manière différente que d’habitude. Cela dépasse la sphère du cinéma. Le succès du film leur fait un bien fou, parce qu’il y a un pessimisme ambiant, avec la montée de l’antisémitisme, qui laisse penser que ces sujets sont rejetés. Moi, j’ai montré ce film à des gamins issus de tous les horizons, dans des quartiers réputés difficiles. Il y avait des Arabes, des Noirs, des Asiatiques, des Français... Cela représentait une France mélangée. Mais, devant le film, on était tous ensemble et, lorsqu’on en parlait, il n’y en a pas un qui regardait son téléphone portable. Et ça, assimilé au succès du film, c’est une excellente nouvelle ! Ce n’est pas Zidane qui gagne la Coupe du monde, il faut rester calme. Mais, ce sont des signes extrêmement positifs dans une période qui en a un peu besoin. OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025

L’ORGUE DANS LES SYNAGOGUES, UN DÉBAT MILLÉNAIRE TEXTE JEAN PLANÇON L’orgue, souvent considéré, à tort, comme un instrument chrétien, a souvent suscité de vifs débats quant à son utilisation dans les synagogues entre les tenants de la stricte observance et les réformateurs. La méfiance séculaire des autorités rabbiniques envers la musique – notamment instrumentale – trouve sa source dans le rejet d’une pratique qui, autrefois, était associée aux cultes idolâtres et qui a été abandonnée après la destruction du second Temple en 70 de notre ère. Les récits bibliques qui décrivent à l’époque le culte des deux Temples lui accordent pourtant une large place. C’est ainsi que le service du Temple ne requiert pas moins de 288 musiciens jouant de divers instruments, principalement à cordes et à vent. La littérature talmudique assimile même la Magréfah (Tamid, Chap. V, Mishnah VI) à l’ancêtre de l’orgue. Cet instrument, dont les origines remontent à la Grèce antique et à l’Égypte, parfois décrit comme une sorte de flûte de Pan ou un hydraulis romain (orgue à tuyau), aurait été constitué d’une boîte contenant 10 roseaux creux ayant chacun 10 trous, correspondant à 10 notes différentes (soit cent notes en tout). Cet instrument aurait été utilisé pour appeler les prêtres et les Lévites à leurs tâches et sa sonorité était si puissante qu’on pouvait l’entendre jusqu’à Jéricho, si l’on en croit le récit de l’historiographe Flavius Josephe. Si la destruction du second Temple et l’essor de la synagogue marquent l’interdiction de toute pratique instrumentale dans le culte, à l’exception du Chofar, il est à noter qu’il en est de même dans le christianisme où les pères de l’Église rejettent également cet instrument qui, d'une part, rappelle trop les racines d’un judaïsme antique dont il faut se séparer et, d’autre part, est aussi associé aux pratiques polythéistes et païennes des Romains qui l’utilisent abondamment. De fait, ce n’est qu’à partir du Xe siècle que l’orgue fait timidement sa réapparition dans la chrétienté, même s’il faut attendre le XIIIe siècle pour qu’il commence à s’ancrer de manière plus significative avant d’atteindre son apogée au cours du XVIIe et XVIIIe siècles. Au sein du judaïsme, les pratiques musicales sont cependant restées plus souples qu’on ne pourrait l’imaginer et dépendaient de l’approche plus ou moins bienveillante des autorités rabbiniques locales. On constate ainsi qu’au XIIIe siècle, la communauté juive espagnole de Perpignan utilise l’orgue, même le jour du chabbat (Magen abôt, éd. I. Last, ch. 10), alors qu’elle est d’obédience strictement orthodoxe. En Espagne, il est présent dans certaines synagogues au cours de la même période, puis plus tardivement en Italie – notamment à Venise – dès le XVIe siècle et dans l’Empire autrichien – à Prague - au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Ce n’est toutefois qu’au début du XIXe siècle, avec l’émergence du mouvement réformateur du judaïsme en Allemagne, que l’orgue s’impose véritablement dans les synagogues, tout comme les chœurs mixtes, ce qui entraîne une vive réaction des rabbins de stricte observance qui appellent à résister à la « nouvelle religion ». Malgré une forte opposition, le judaïsme réformé connut un fort développement en Allemagne, puis en France et en Belgique où il va s’ancrer plus significativement avec la création des Consistoires, sous l’égide de Napoléon. L’orgue va dès lors véritablement s’imposer comme un symbole de cette transformation. À Genève, la fièvre réformatrice allait également prendre corps au milieu du XIXe siècle avec la construction de la Grande synagogue et l’arrivée de Joseph Wertheimer, le premier Grand Rabbin de la cité. D’origine alsacienne, c’est un élève du Consistoire central de Paris et un fervent adepte des thèses libérales prônées par celui-ci. C’est lui qui impose l’installation de l’orgue dans la Grande synagogue de Genève. Les trois guerres contre l’Allemagne vont cependant progressivement nourrir un phénomène de rejet de la culture germanique, berceau du judaïsme réformé. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, les Consistoires prirent la décision d’opérer à nouveau un rapprochement avec l’orthodoxie, faisant taire les orgues et bannissant les chœurs. Étrange ironie du sort qui voyait la musique consistoriale contrainte d’exister dans un cadre non consistorial, emblématique de l’éternelle dispute qui oppose le judaïsme réformé au judaïsme orthodoxe. À Genève, l’orgue de la Grande synagogue fut entièrement démonté en 1996, une décision discutable car, si nombre de ces instruments ne fonctionnent quasiment plus, ils n’ont pas pour autant été détruits et ce, afin de préserver au mieux le patrimoine. Plusieurs synagogues ont ainsi fait le pari de maintenir ces instruments dans le cadre de certaines célébrations ou pour offrir à un large public la possibilité de découvrir une musique liturgique juive qui reste méconnue. C’est le cas à Mulhouse, à Prague, à Budapest, à Paris, à Versailles, à Strasbourg, à Lyon, à Reims, à Nancy, ou plus récemment à Bordeaux où le monumental orgue construit en 1882 a été entièrement restauré au sein de la plus grande synagogue de rite sépharade de France. Souhaitons que ces quelques exemples constituent une source d’inspiration pour permettre le retour de l’orgue original dans la Grande synagogue de Genève (il n’a pas été détruit) afin qu’il puisse œuvrer dans le cadre d’une ouverture culturelle sans préjudice du respect de l’observance orthodoxe. L'HISTOIRE L'HISTOIRE 14 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 6

© ISTOCK © ISTOCK © ISTOCK CE N'EST QU'AU DÉBUT DU XIXE SIÈCLE, AVEC L'ÉMERGENCE DU MOUVEMENT RÉFORMATEUR DU JUDAÏSME EN ALLEMAGNE, QUE L'ORGUE S' IMPOSE VÉRITABLEMENT DANS LES SYNAGOGUES. Hydraulis, orgue de l ’eau ancienne Héron d’Alexandr ie, reconstruction visuelle. 15 OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025

LE FOCUS 16 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 6 © COLDSNOWSTORM – ISTOCK

FRÉQUENTATION DES SYNAGOGUES : POURQUOI TANT DE SIÈGES VIDES ? TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Parmi les « défis contemporains » auxquels l’éducation juive doit s’adapter à Genève, Mikhaël Benadmon cite – en plus du mariage mixte et de la cacheroute – la désaffection dans les synagogues. Alors que la communauté juive compte plus de 7000 membres dans la Cité de Calvin, un tiers seulement fréquente régulièrement la synagogue. « Pourquoi l’un des cœurs de la vie communautaire est-il déserté ? », s’interroge le Grand Rabbin. «Que s’est-il passé dans leur conception identitaire pour considérer que la synagogue n’est plus un lieu incontournable ? » La question est vaste. Elle occupe également les confessions chrétiennes – le catholicisme et le protestantisme – depuis plus de 20 ans : pourquoi la jeune génération fuit-elle les lieux de culte ? Le vieillissement de la population est-il la seule raison valable pour expliquer cette baisse de fréquentation ? Ou la crise de foi est telle qu’elle détourne la communauté de ces traditions ? Mikhaël Benadmon entend çà et là des hypothèses qui ne lui paraissent pas forcément pertinentes. Ainsi, dans une société qui prône l’immédiateté et ne jure plus que par TikTok et la junk food, les fidèles n’auraient plus la force, ni la concentration nécessaires, pour se frotter aux exigences du spirituel. On prétend aussi que la synagogue serait un lieu de stagnation, sourd à la nouveauté et inadapté aux besoins de modernisme. « Faux », réplique le Grand Rabbin. « La Torah nous appelle à une confrontation et à une réflexion sur les enjeux actuels de la société à la lumière des valeurs du judaïsme. Je ne crois pas, non plus, à l’idée que l’être humain préfère la légèreté à la profondeur. Simplement, toute personne décide de ses combats, là où elle souhaite investir ses forces, là où elle est prête à s’engager avec exigence, en toute liberté. Si on leur présentait la véritable exigence du judaïsme et tous les bénéfices qu’ il peut apporter à l’homme, à la famille, à la société, les gens viendraient à la synagogue. Il faut leur vendre un produit qui vaut le coup ! » Alors, d’où vient le problème ? LA SYNAGOGUE A CHANGÉ DE FONCTION Pour Jacques Ehrenfreund, professeur à l’Université de Lausanne, titulaire de la Chaire d’histoire des Juifs et du judaïsme à la Faculté de théologie et de sciences des religions, la synagogue a d’abord changé de statut au XIXe siècle. « À l’origine, elle n’était pas un lieu sacré, ni consacré », explique-t-il. « La synagogue servait autant de lieu d’études que de lieu de prières. Mais, avec la modernité, elle est devenue, sur le modèle chrétien, un endroit où l’on accomplit des rituels religieux, déconnecté de l’étude de la loi. Or, cette déconnexion a fait qu’être juif est devenu une question, alors que, jusqu’au XIXe siècle, la réponse était plus évidente : un Juif était une personne appartenant à un peuple, disposant d’une loi sous l’autorité de laquelle il devait vivre, malgré la perte de sa Terre. » À partir du XIXe siècle, les Juifs, majoritairement en Europe occidentale, ont donc accepté de confessionnaliser cette tradition religieuse et de devenir des citoyens d’autres nations, tout en promettant de « rester discrets sur la question du peuple en exil ». «De cette situation-là est née la crise », reprend Jacques Ehrenfreund. « Le judaïsme est devenu une confession à laquelle on adhère par le simple fait d’accepter des ritualités. La loi, elle, a perdu une partie de son autorité, en tout cas aux yeux d’une partie des Juifs. Quant à la synagogue, elle a abandonné la moitié de sa fonction usuelle, qui était celle de l’étude de la loi. Partant de là, les désaffections sont aussi liées au fait que nous vivons dans un monde où la sécularisation est en marche et où les hommes modernes sont de moins en moins enclins aux ritualités traditionnelles. » «A-T-ON LE CHOIX DE NE PAS RESTER JUIF ? » L’historien constate néanmoins que, depuis les attentats du 7 octobre 2023, les synagogues se remplissent à nouveau de manière importante. Ce n’est pas un hasard, selon lui ! « Toutes les crises liées au rejet des Juifs et, donc, à l’antisémitisme, rappellent aux Juifs qu’ils ne sont pas considérés comme des citoyens lambdas : elles les ramènent alors vers les ritualités, car elles apparaissent comme une sorte de recours. » Ce constat, Mikhaël Benadmon le confirme : « Le conflit entre Israël et le Hamas rend service aux communautés. Le discours, clairement antisémite et anti-juif, dans la société générale, incite les gens à ne pas rester non-engagés. Ceux qui hésitaient, se rapprochent de leur communauté. On observe d’ailleurs deux fois plus de demandes de conversion. À nous d’être à la hauteur ! La communauté ne doit pas devenir un refuge, mais un lieu d’épanouissement. » On en revient à cette « conception identitaire » évoquée par le Grand Rabbin : «Pourquoi rester juif ?» Dans une conférence donnée à Chicago en 1962 – traduite et publiée aux éditions Allia en 2017, le philosophe Leo Strauss fut invité à discourir sur ce sujet. Pour lui, la question était mal LE FOCUS 17 OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025

posée. «A-t-on le choix de ne pas le rester ? », s’interrogea-t-il. Aujourd’hui, la poussée de l’antisémitisme, dans des États censés avoir l’arsenal juridique pour le combattre, sous-tend la réponse : peut-être pas ! Alors que les générations contraintes ont eu le courage d’assumer leur judaïsme, parfois jusqu’à la mort, comment considérer la nouvelle génération si elle cessait de l’être? « Le judaïsme reste une interrogation pour la plupart des personnes nées juives, parce qu’elles se sentent les pierres d’une histoire qui va au-delà d’une affaire confessionnelle, qui les interpelle à un moment ou à un autre de leur existence », rappelle Jacques Ehrenfreund. Et l’historien de citer un autre philosophe, Emmanuel Levinas, qui affirmait : «On naît Juif et on met toute une vie à le devenir ». « Personne ne décide de naître juif, cela vous tombe dessus du jour au lendemain, mais vous ne pouvez pas échapper à l’interrogation autour du sens : l’histoire est si longue et si importante que vous avez besoin d’une vie entière pour la comprendre. Or, les attentats du 7 octobre appartiennent à ces moments charnières qui ont une incidence sur des personnes éloignées du judaïsme. » LE VIEILLISSEMENT DE LA COMMUNAUTÉ Pour l’historien, deux autres raisons pourraient aussi expliquer la désaffection de la communauté dans les synagogues. Le vieillissement de la démographie juive en Suisse en est une. « La Suisse possède l’une des économies les plus florissantes et propose des conditions de vie parmi les meilleures d’Europe. Pourtant, une large proportion de sa population juive quitte le pays pour s’ installer ailleurs, et principalement en Israël », fait remarquer Jacques Ehrenfreund. « Il y a autant de Juifs suisses en Israël qu’en Suisse ! » De plus, contrairement à Israël qui est l’un des pays de l’OCDE où le taux de natalité est le plus fort, les naissances au sein de la communauté suisse sont en nette baisse de Genève à Zurich. Cela explique certainement pourquoi la courbe de la population juive n’a pas suivi la même évolution que la démographie helvétique : selon le dernier recensement fédéral en 2021, il y aurait près de 18000 Juifs dans notre pays (17648 pour être précis), très loin des 50000 que nous aurions pu attendre au vu de la croissance démographique. Ce vieillissement de la communauté a certainement une influence sur la perception de la synagogue par la nouvelle génération. «Pour les jeunes, elles sont considérées comme des repères de personnes âgées, pas fun, où les mélodies et les liturgies ne sonnent pas aux oreilles modernes », résume Mikhaël Benadmon. « L’ambiance est souvent calquée sur les synagogues d’Afrique du Nord. On peut certes la vivre sur le mode de la nostalgie, mais cela ne parle pas à tout le monde... » «UNE FORME D’ANACHRONISME » La seconde raison est liée aux règles strictes imposées au quotidien par la Torah – qui ne séduit plus la jeune génération. « Le judaïsme est perçu comme une forme d’anachronisme », analyse Jacques Ehrenfreund. « Il regarde le monde sur le principe de la distinction et ne cesse d’affirmer des règles de séparation : ce qui est licite ou ce qui ne l’est pas, ce qui est sacré ou profane... Or, le monde moderne, aujourd’hui, a une obsession : essayer de transcender toutes les différences. Il s’attaque à toutes les distinctions, parce qu’il considère ces distinctions potentiellement comme des discriminations. Le judaïsme est donc à contre-courant sur cette question-là. » Comme les Juifs vivent dans le monde et sont emportés par ses mouvements, il est parfois difficile pour les jeunes Juifs d’appréhender ce caractère « anachronique » et de l’assumer. « Jusqu’au moment où ils font l’effort de comprendre que, derrière cette forme de séparation, il n’y a pas une volonté de hiérarchisation, mais bien un rapport au monde qui essaie d’y mettre de l’ordre et du sens », précise l’historien. C’est pourquoi l’éducation juive, comme l’expliquait le Grand Rabbin Mikhaël Benadmon, doit s’adapter au monde contemporain et aux multiples défis qu’il lance à la communauté : «Elle doit contribuer à donner des outils à l’ individu, enfant ou adulte, pour saisir l’ impact de ce monde sur son existence et sur la manière dont il le perçoit. » LE SENS ET L’APPARTENANCE Reste une question... Comment faire revenir les fidèles à la synagogue ? Mikhaël Benadmon n’a pas de recette miracle. Mais il a sa ligne. L’éducation en fait partie. Elle en est même le socle. « L’être humain a besoin de sens et d’appartenance », affirme le Grand Rabbin. «On doit les lui donner, par l’étude des livres, par toutes ces activités qui créent du lien... Appartenir à une communauté ne doit pas être perçu comme un enfermement, mais comme une opportunité de créer des ponts avec le monde extérieur. » Il prend le modèle américain comme exemple : quand un membre rejoint la communauté, il doit soutenir une cause, dans le seul but d’« enrichir la société générale ». « L’histoire de l’Europe est différente : elle a conduit les communautés à s’ostraciser, à se confiner. Nous devons apprendre à nous ouvrir et à partager les valeurs du judaïsme. » Mikhaël Benadmon se veut pourtant optimiste. Contrairement à Marcel Gauchet qui prédisait, dans son livre paru en 1985, le « désenchantement du monde » et le déclin des religions, le Grand Rabbin observe plutôt un retour au sacré au XXIe siècle. «Mais, dans un monde sécularisé, on a du mal à gérer le sacré », fait-il remarquer. « Par le passé, on se rendait à l’office religieux, parce qu’on n’avait pas le choix. On ne se posait même pas la question : c’était comme ça ! Aujourd’hui, il y a tellement de sollicitations qu’on peut décider d’y aller ou pas. Et, si vous n’y trouvez pas ce que vous cherchiez, vous choisirez le plus souvent de ne pas aller à la synagogue... » À ses yeux, il est donc important d’être force de proposition, de se remettre en question. « Le mouvement amène le mouvement, c’est comme ça que nous amènerons les gens à se rapprocher d’eux-mêmes ! » « LE JUDAÏSME RESTE UNE INTERROGATION POUR LA PLUPART DES PERSONNES NÉES JUIVES, PARCE QU’ELLES SE SENTENT LES PIERRES D’UNE HISTOIRE QUI VA AU-DELÀ D’UNE AFFAIRE CONFESSIONNELLE, QUI LES INTERPELLE À UN MOMENT OU À UN AUTRE DE LEUR EXISTENCE. » 18 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 6 LE FOCUS

© CHUCKCOLLIER – ISTOCK 19 OC TOBRE 2024 - FÉ VR I ER 2025

NATHAN ET ANNE-EVA SMILA, UNIS POUR LA COMMUNAUTÉ TEXTE FLORIANE PIERMAY Dans le but de renforcer l’engagement communautaire et de soutenir l’épanouissement des jeunes, la Communauté israélite de Genève a récemment accueilli deux nouvelles figures au sein du CCJJ : Nathan et Anne-Eva Smila. Ce couple, profondément investi dans l’éducation et la transmission des valeurs juives, apporte un regard neuf et un dynamisme certain au service de la jeunesse juive genevoise. Leur approche, alliant tradition et modernité, répond aux besoins d’une jeunesse en quête de sens et de repères dans un monde en constante mutation. UNE VISION PARTAGÉE L’histoire de Nathan et Anne-Eva est celle d’une rencontre, mais pas seulement de la leur. Il s’agit aussi d’une rencontre de valeurs, de convictions et de priorités partagées. Passionnés par l’engagement communautaire, les deux jeunes responsables affirment se retrouver parfaitement dans la vision de Mikhaël Benadmon, Grand Rabbin de la CIG et leader spirituel, qui incarne une Torah vivante et accessible. «Ce qui nous a motivés à nous décider, c’est cette Torah qui nous correspond, cette manière d’être juif qui est importante pour nous », explique Nathan. En parfaite harmonie avec les enseignements qu’ils ont suivis, ils ont ainsi rejoint le CCJJ avec un objectif clair : donner à la jeunesse juive de Genève et de ses alentours les moyens de se construire une identité forte et épanouie. Pour eux, être juif est bien plus qu’une simple pratique religieuse : c’est un héritage à préserver et à transmettre. «L’identité juive est complexe, mais elle doit être vivante », poursuit Nathan. À travers leurs actions, ils souhaitent offrir aux jeunes un espace dédié et sécurisé, dans lequel ils pourront aborder leur culture et leur histoire sereinement, afin de s’enraciner dans une identité juive forte et fière. DES PROJETS CONCRETS POUR L’AVENIR DE LA JEUNESSE Au sein du CCJJ, Nathan et Anne-Eva ont rapidement pris leurs marques. Depuis leur arrivée en septembre, ils contribuent à renouveler les programmes existants tout en introduisant de nouvelles dynamiques pour les jeunes de 6 à 28 ans. Chaque groupe bénéficie d’une approche spécifique, lors de créneaux hebdomadaires définis, répondant à des besoins distincts. Nathan est en charge des jeunes de 6 à 18 ans, répartis en trois tranches d’âge : les Yeladim (6-11 ans), les Tséïrim (12-14 ans) et les Bogrim (15-18 ans). Le premier groupe profite d’un cycle d’activités trimestriel comportant deux ateliers dès janvier 2025 : l’un sur la cuisine juive, l’autre sur la culture israélienne et l’hébreu, animé par Liam et Noham, deux services civiques venus d’Israël. Les Tséïrim et les Bogrim, quant à eux, auront accès au local les mardis soirs. Jeux et animations autour de la Torah et de l’identité juive sont au programme. Une à deux fois par mois, des sorties ou des jeux seront aussi envisagés, en plus des camps de ski et d’été. En structurant le calendrier de la sorte, le nouveau responsable espère que chaque tranche d’âge bénéficie d’activités adaptées à ses besoins et à son développement, tout en laissant place au plaisir et à la créativité. Pour compléter cet apprentissage, Nathan a initié la « Formation des moniteurs » qui reposera sur trois grands thèmes : « Comment devenir moniteur », « L’ identité juive et la transmission » et « Le leadership », métamorphosant ainsi L’École des cadres. Accessible dès 14 ans, ce programme étalé sur deux ans se distingue par son approche immersive et plus approfondie lors de chabbats pleins. Du vendredi soir au dimanche, l’apprentissage des jeunes sera favorisé par des créneaux plus longs, leur permettant de vivre en communauté, tout en partageant des moments de réflexion. Enfin, des voyages biannuels pour les 1518 ans sont prévus. Anne-Eva, elle, a la charge d’un créneau jusqu’alors inexistant au CCJJ : celui des jeunes adultes de 18 à 28 ans. Elle ambitionne d’introduire un programme varié et répondant aux attentes de cette tranche d’âge, en leur proposant des soirées et autres événements suscitant « des rencontres, des moments ». Son objectif est d’offrir aux jeunes adultes une structure qui les soutienne dans leur parcours de vie tout en renforçant leur engagement communautaire. Ce créneau, encore en construction, s’élabore au fur et à mesure des besoins et des aspirations des jeunes adultes de la communauté. En outre, un aspect essentiel du travail d’Anne-Eva consiste à provoquer des espaces dans lesquels ils se retrouvent, échangent et créent des liens dans le but de favoriser leur épanouissement personnel… et plus, si affinités. Pour mettre en œuvre de leurs objectifs et offrir aux jeunes un environnement agréable, le jeune couple a également supervisé la réhabilitation des locaux du CCJJ. Les espaces, rafraîchis, présentent désormais du mobilier neuf et un aménagement plus dynamique. L’IMPORTANCE DE LA TRANSMISSION ET DU SOUTIEN Pour Nathan et Anne-Eva, le rôle de transmission ne s’arrête pas à l’aspect théorique. LE PORTRAIT CROISÉ LE PORTRAIT CROISÉ 20 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 6

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