Comédien et humor iste, précurseur en la matière, Jerry Seinfeld est l ’un des pionniers de l ’humour juif que compte notre époque moderne. « JE DOUTE QU’IL SOIT ENCORE SI FRÉQUENT QU’UN PEUPLE SE MOQUE À CE POINT DE LUI-MÊME. » SIGMUND FREUD, 1905 pour convaincre ses interlocuteurs. Thomas Wiesel fait aussi partie de cette nouvelle génération, revendiquant haut et fort sa liberté d’expression, parfois décrié pour affirmer sans complexe se servir de son art pour « se mouiller politiquement ». Cette vague d’artistes juifs contemporains a étendu le spectre du « rire ensemble », nous embarquant au large d’un océan de bonheur. Soignant l’image d’un peuple persécuté au fil des siècles, sans jamais se lamenter ou se victimiser, ils ont simplement usé d’un pouvoir que chacun détient pour en faire le plus beau des remèdes. Le rire pour se souvenir. L’humour par amour. La satire, pour le meilleur et pour le pire. Chacun à leur manière, ils usent de jeux de mots adroits, suscitant des réflexions justes, mais cinglantes à propos de la communauté juive. Chacun à leur manière, ils critiquent le monde actuel et enseignent également au (télé)spectateur une manière de rire ou sourire de notre époque, malgré les défis de la vie. Cet art se fait arme, afin de nous conduire inévitablement à relativiser pour finalement admettre qu’il y a toujours pire que les petits problèmes personnels de chacun. En dépit de l’Histoire, le peuple juif est capable et surtout enclin à rire de tout. Surtout de lui-même. C’est son instrument de résistance préféré et il le manie avec brio. Grâce à cet éventail de prodiges du spectacle, l’humour juif est large et propose plusieurs styles, plusieurs approches. Il nous aide à nous questionner sur la raison d’une situation et nous renvoie à des réalités très justes avec perspicacité. En son sens large, l’humour dédramatise. C’est aussi vrai lorsqu’il s’agit d’humour juif. Mais ce dernier présente une nuance supplémentaire : il console. LA QUÊTE ULTIME Haïm Korsia, grand rabbin de France, l’exprime en d’autres termes en 2012, lors d’une conférence à laquelle il participait, au Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme : «On rit pour empêcher l’autre de se moquer. On ose cela pour éviter que l’autre se mette en situation difficile. Finalement, c’est une façon d’aider les autres que de rire de nousmême ». Le Juif se tourne en dérision avant même qu’une personne mal intentionnée n’use d’un humour gênant et nauséabond, susceptible de se répandre comme une traînée de poudre. Dans la tradition juive, le rire est toujours créateur, jamais destructeur. Il existe certes dans le but de se sauver soi-même et de se reconstruire à la suite des terribles malheurs du passé, mais aussi de tendre la main à son prochain, sans distinction de couleur ou d’origine. Curieusement, l’humour juif réunit désormais les foules, séduisant même ses détracteurs, sans que ceux-ci ne s’en aperçoivent. Ironie du sort. Mais c’est bien là son essence même : la tolérance, malgré toutes nos différences. 21 J U IN-SEP TEMBRE 2024
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