NEF : Penses-tu que d’autres minorités pourraient mieux nous comprendre ? A : Oui, de mon expérience les personnes qui me comprennent le mieux sont aussi issues de minorités. Par exemple, j’ai parlé avec un ami transsexuel qui m’a fait remarquer que nous sommes issus de deux minorités invisibles. Je me suis dit : «Oui, il a raison ; les gens ne réalisent pas qu’on vit des choses difficiles et discriminantes au quotidien, même si elles ne sont pas visibles. » Il m’a apporté énormément de soutien, beaucoup plus que d’autres… NEF : Parlons maintenant du groupe de parole. Qu’est-ce que ta participation à ce groupe t’a apporté ? Peut-on dire qu’il a répondu à ton besoin actuel ? A: Oui, complètement. J’avais besoin d'un espace qui permette la rencontre et la discussion avec d’autres jeunes qui avaient aussi vécu cette période de manière compliquée. Ce qui m’a fait du bien, c’est de me rendre compte que les avis n’étaient pas aussi noirs et blancs que ce que l’on pourrait croire. Grâce au groupe de parole, j’ai réalisé que c’est beaucoup plus nuancé que ça : beaucoup de gens soutiennent la cause palestinienne, mais elles ne se sentaient pas à l’aise lors des manifestations, de l’occupation de l’université et des slogans qui ont été scandés. Cela m’a soulagée. Je me suis rendu compte que l’empathie peut ne pas être exclusive à un seul groupe, on peut éprouver de l’empathie pour plusieurs d’entre eux ! Cela peut sembler bête, mais, pour moi, c’était un énorme soulagement. J’éprouvais ce mal-être, car je me sentais entre les deux, dans ces discours polarisés. En écoutant et en discutant avec d’autres jeunes juifs, je me suis rendu compte que je n’étais pas seule et que beaucoup d’entre nous se sentaient mal à l’aise avec les deux côtés militants. J’ai découvert que j’avais ma place au sein de la communauté. C’était un énorme réconfort pour moi de constater qu’il existait des opinions variées et que tout le monde n’était pas pris dans cette folie de « soit l’un, soit l’autre ». NEF : Cette polarisation… A : Exactement, très forte polarisation. J’ai senti qu’il existait un espace pour être plus calme et pour écouter ce que les gens avaient à dire. Au sein du groupe de parole, même si nous n’étions pas toujours tous d’accord, ce n’était pas grave. C’était un énorme soulagement pour moi ; de réaliser qu’on peut être ensemble, sans forcément être d’accord, mais en se respectant mutuellement. Découvrir qu’au sein de la Communauté il y avait une grande ouverture était très touchant. NEF : Pour ton futur, penses-tu que cette expérience t’a été bénéfique concernant ton identité juive? A : J’ai demandé à mon rabbin : «Qu’est-ce qui fait que je suis juive ? » Il m’a répondu : « Pour moi, cela signifie que tu seras toujours la bienvenue ici. » J’ai trouvé cela très réconfortant. C’était comme s’il n'y avait pas une seule vérité. Les autres membres de la Communauté ne reconsidèreront jamais mon identité juive parce que je ne crois pas, ou parce que je ne suis pas les règles. Au contraire, si je ne souhaite pas participer, c’est mon choix ; mais si je veux être là, la porte restera toujours ouverte. J’ai trouvé cela très rassurant. Au fil de notre discussion, j’ai également réalisé que mon épiphanie juive était née de la discrimination que j’ai ressentie après le 7 octobre. Reste à savoir voir comment je souhaite me réapproprier mon identité à l’avenir… À travers ce groupe de parole, des étudiants de tout bord ont pu se rencontrer et partager leurs expériences dans un lieu protégé. Ce sont des jeunes qui, pour la plupart, ne fréquentaient pas les communautés dans le passé. Le groupe de parole leur a donné une opportunité de découvrir leur lien avec le judaïsme. En écoutant les expér iences des autres, les participants à ce groupe de parole ont trouvé des points communs, en renforçant leur résilience face aux déf is rencontrés. 15 J U IN-SEP TEMBRE 2024
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