CIG_JOURNAL_N°15_FLIPBOOK

« JE NE SUIS PAS SEULE À VIVRE CE SENTIMENT DE SOLITUDE » TEXTE NICOLE ENGEL-FERN Échange entre une assistante sociale de la Communauté et une étudiante qui a participé au groupe de parole pour étudiants juifs de Genève. Depuis les attaques terroristes menées par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023, un mouvement étudiant de soutien à la cause palestinienne s’est créé, d’abord sur les campus universitaires aux États-Unis et ensuite en Europe. En mai 2024, cette vague de protestations a atteint la Suisse, où certains étudiants pro-palestiniens ont occupé plusieurs universités, notamment à Genève, Lausanne, Bâle et Zurich. Les bâtiments universitaires étaient ornés de banderoles affichant des slogans tels que « from the river to the sea » ainsi que des drapeaux palestiniens. Les victimes des attaques du 7 octobre et les otages semblaient avoir perdu toute leur importance. Les dirigeants des institutions universitaires ont défendu le mouvement de soutien à la Palestine en invoquant notamment le droit à la liberté d’expression. Ce qui a choqué et choque les étudiants de confession juive ne sont pas tant les revendications des manifestants, telles qu’un cessez-le-feu à Gaza et la restauration des fonctions de l’UNRWA, mais plutôt leur partialité et leurs prises de position en faveur de l’organisation terroriste du Hamas, responsable de la mort d'enfants et d'adultes innocents. Dans un courrier adressé à la directrice des Hautes Écoles, un étudiant exprime son inquiétude par rapport aux campements pro-palestiniens. Il lui écrit : «Ces manifestations sont perçues et vécues comme menaçantes et intimidantes par certaines personnes de confession juive. » C’est dans ce contexte qu’un groupe de parole et de soutien a été créé par la Communauté Israélite de Genève, sous l’égide de son Service social, pour les étudiants de confession juive. L’idée était alors d’offrir un lieu sûr pour toutes celles et ceux qui ont été bouleversés par les événements et qui se sont sentis isolés et incompris par leurs collègues et même amis. Une quinzaine d’étudiants, avec des parcours très différents quant à leurs liens avec notre Communauté, ont manifesté leur intérêt. Les règles essentielles incluaient la confidentialité, le respect de l'opinion d'autrui et une atmosphère sans jugement. Ces principes ont permis d’instaurer un cadre propice à l’expression, ouvert à toutes sortes d’opinions politiques et aux divers sentiments des participants. Sollicitée par le Service social, Braendla Steinfeld, psychologue-psychothérapeute, s’est portée volontaire pour animer ce groupe. Braendla Steinfeld témoigne qu’elle a été impressionnée par l’authenticité des récits apportés par les étudiants : « Bien que chacun a vécu différemment les événements, j’ai pu constater le point commun de cet isolement, le rejet, la perte du groupe des pairs et le besoin de se retrouver entre coreligionnaires. Chacun du groupe venait avec un background très différent, souvent sans aucun lien avec la Communauté Israélite de Genève auparavant et pourtant chacun a pu se confier et partager. » Au cours des séances, une forte anxiété liée à la crainte de se rendre au sein des structures universitaires et un sentiment d’isolement profond se sont révélés. Certains ont vécu un éloignement, voire la perte de leurs amis, incapables de discuter et d’écouter un point de vue divergeant. Un repli sur la famille, sur soi et une prise de conscience de leur identité juive ont été alors identifiés comme des conséquences de ce phénomène. Les séances ont ainsi relevé une grande solitude de ces étudiants qui étaient auparavant bien intégrés. Par ailleurs, certains étudiants ont exprimé leurs déboires en lien avec l’amalgame souvent fait par les manifestants pro-palestiniens entre Juifs et Israéliens. Cet amalgame, qui ne tient pas compte des diversités culturelles et politiques au sein de la communauté juive mondiale, a exacerbé les tensions sur les campus. De nombreux étudiants juifs se sont retrouvés injustement associés aux actions du gouvernement israélien, provoquant des sentiments d'isolement et de rejet. Cette confusion a non seulement nourri des préjugés, mais a également occulté la complexité des identités individuelles, contribuant à un climat de méfiance et de division au sein des institutions académiques. De plus, ceci a amené au fait que certains ont commencé à cacher ou occulter leur identité juive. Le groupe a permis à chacun de se sentir écouté et compris, apportant un grand soulagement. La dynamique de groupe a favorisé l’établissement de nouveaux liens et une meilleure maîtrise de la situation actuelle. En écoutant les expériences des autres, les participants ont trouvé des points communs, tout en renforçant leur résilience face aux défis rencontrés. 13 AU COURS DES SÉANCES, UNE FORTE ANXIÉTÉ LIÉE À LA CRAINTE DE SE RENDRE AU SEIN DES STRUCTURES UNIVERSITAIRES ET UN SENTIMENT D’ISOLEMENT PROFOND SE SONT RÉVÉLÉS. J U IN-SEP TEMBRE 2024 L’ÉCLAIRAGE

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