CIG_JOURNAL_N°15_FLIPBOOK

« TRANSPARENTS, JOHN ARMLEDER ET LE MUSÉE BARBIERMUELLER », JUSQU’AU 5 JANVIER 2025. 10 RUE DE CALVIN, À GENÈVE. TOUS LES JOURS DE 11H À 17H. © ANANNIK WETTER 12 LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 1 5 Vous avez rencontré Andy Warhol pendant cette période. Comment expliquer son aura ? Saviez-vous que Warhol est l’artiste à qui l’on a consacré le plus de monographies dans le monde ? La raison est simple : si vous écrivez un livre sur lui, vous êtes sûr d’en vendre un tiers. (sourire) Andy Warhol était quelqu’un de prescient, il avait compris le côté transversal de l’art. Selon lui, il n’y a pas de spécialisation, le forme doit rester globale. C’est pourquoi il a tout fait : des films, de la musique... Je l’avais croisé à la Factory, quand il y avait encore les papiers d’argent sur les murs. Mais je l’ai véritablement connu après la tentative d’assassinat de Valerie Solanas (ndlr. en 1968), cela l’a complètement changé. Il était venu à Genève pour l’exposition de Joseph Beuys, nous avions organisé une fête au Richemond en son honneur. En 2006, le Mamco, à Genève, vous consacrait une rétrospective. Dans quelle mesure cette exposition est-elle importante dans votre carrière ? Cette exposition était intéressante, parce que c’était la première fois où tous les aspects de mon œuvre était rassemblés. Mais le vrai déclencheur est venu bien plus tôt, avec cette première exposition muséale au Kunstmuseum de Bâle. Elle a été fondamentale. Ce musée jouit d’une réputation dans le monde de l’art comme peu d’autres. Il avait fait parler de lui le jour où la ville de Bâle avait dû voter (ndlr. en 1967) pour savoir si le Kunstmuseum avait le droit d’acquérir les sept tableaux de Picasso qu’il venait de recevoir... Puis, il y a eu cette autre exposition au Kunstmuseum de Winterthour qui a ensuite voyagé à Paris, Düsseldorf et Berlin. C’est l’époque où tout a changé pour moi, j’étais dans la liste des artistes dont on parle. Dans le classement de Bilan, j’apparaissais même à la première place, ce qui ne veut absolument rien dire. Le lien de la famille Armleder avec Genève est fort. Comment est-il né ? Mon arrière-grand-père est arrivé à Genève de la Forêt Noire sans un sou. Selon mon père, il n’avait que dix pfennigs sur lui... Je ne sais pas par quel mystère, mais, quelques années plus tard, il était le copropriétaire de l’Hôtel National, qui allait devenir ensuite le Palais Wilson, devenant dans la foulée un magnat immobilier et hôtelier de la ville. C’est lui qui a commencé à louer une pension à côté du Beau-Rivage, près du lac... Le Richemond a vite été considéré comme l’un des cinq hôtels les plus importants en Europe. Je me souviens encore de notre concierge, Maurice, il faisait partie de ces trois ou quatre concierges dans le monde capables de vous faire rencontrer le président des États-Unis si vous en aviez envie. (sourire) À cette époque, j’ai pu rencontrer toutes les célébrités imaginables. Je me souviens encore de ces foules qui s’agglutinaient devant l’hôtel pour tenter de les apercevoir. Comment le Richemond a-t-il fini par quitter le giron de la famille Armleder ? Le jour où la SBS (ndlr. Société de Banque Suisse) a fusionné avec UBS, ils ont demandé de rembourser les dettes et comme mon frère n’avait pas l’argent à disposition, il a fallu chercher une solution. Il avait trouvé un investisseur prêt à racheter l’affaire, tandis que nous conservions l’immeuble. Mais il n’a jamais payé son dû. Cela a entraîné la fin de l’aventure. Heureusement, mon père – qui avait perdu la tête à la fin de sa vie – ne s’est pas rendu compte de ce qui arrivait : pour lui, il avait construit un château pour les vingt prochaines générations. Quant à moi, comme la famille était endettée, j’ai préféré renoncer à l’héritage. Et vous, aujourd’hui, vous avez toujours cette même volonté de créer ? Ce n’est plus la même chose. Quand je viens ici, à l’atelier, je suis content de faire des tableaux ou de participer à d’autres projets. Mais, quand on a l’âge que j’ai et les problèmes de santé que j’ai eus, on sait que c’est le count-down. Alors, avec mon équipe, on parle de la succession... J’essaie d’en discuter avec mon fils, mais il déteste ça, parce que cela signifie que son père meurt. Il a un certain âge, il n’a pas d’enfant, cela veut dire que c’est le point final de cette aventure ! Il faut donc trouver un système pour que cela soit facile pour lui et pour qu’il puisse encore travailler un peu avec tout ça.

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