CIG_JOURNAL_N°15_FLIPBOOK

À 76 ans, John Armleder continue de poser une regard amusé sur le monde. « EN 2008, J’AI ÉTÉ VICTIME D’UNE HÉMORRAGIE CÉRÉBRALE. J’ÉTAIS DANS LE COMA, ON NE ME DONNAIT AUCUNE CHANCE DE VIE... JE SUIS RESTÉ 14 MOIS À L’HÔPITAL, JE SUIS UN SURVIVANT ! » 11 J U IN-SEP TEMBRE 2024 pourras faire de l’art ! » Il est décédé deux ans après mon entrée à l’hôpital, pour les mêmes raisons que ma mère et au même âge, à 65 ans. Vous avez vécu l’évolution de l’art. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? J’appartiens à la génération postmoderne qui signait la fin des écoles et des genres. À une époque, on m’accordait une part de paternité d’un courant qui s’appelait NéoGéo, lequel réinterprétait notamment la peinture abstraite géométrique historique d’une manière un peu plus « pop ». Moi, je distingue deux catégories d’artistes. Il y a ceux, comme Picasso, qui ont des périodes différentes : ils entrent dans une nouvelle période et abandonnent toutes les autres. Et il y a ceux, comme Francis Picabia, qui font la même chose toute leur vie. J’aime bien l’idée de passer de l’un à l’autre... De toute façon, je ne crois pas à l’originalité. Si vous ne faites pas quelque chose, quelqu’un d’autre le fera à votre place. Les choses arrivent parce qu’elles doivent arriver. D’où vient votre inspiration ? De l’époque, du temps... Quand on regarde les œuvres de l’art occidental, les périodes historiques comme le rococo ou le baroque, on remarque une certaine logique : ce sont les instruments et les visions disponibles à ces époques-là. Aujourd’hui, on dit que l’art est devenu trop commercial. Je rappelle que, par le passé, les artistes couraient après les princes et les églises, parce que c’étaient les seuls à s’intéresser à l’art. Donc, plus ça change, plus c’est la même chose ! Finalement, dans les arts visuels, une seule chose a changé réellement, et cela a commencé à la fin du XIXe siècle : on ne montre plus les tableaux comme des objets de décoration, mais comme des œuvres à part entière et on a construit des musées pour le faire. Avez-vous rêvé de vivre ailleurs qu’en Suisse ? Dès la fin des années 80, j’étais plus souvent ailleurs qu’en Suisse. J’ai eu ma période à New York, j’ai aussi enseigné à Brunswick, en Allemagne – ce qui est plutôt ironique, puisque c’est le nom du monument mortuaire devant l’hôtel Richemond. J’ai beaucoup voyagé pour mes expositions, mais j’ai toujours été officiellement établi en Suisse. En revanche, étant farouchement antimilitariste, j’ai refusé de faire mon service militaire et j’ai tenu à être jugé pour ça : j’ai passé sept mois à la prison Saint-Antoine, dans la Vieille-Ville. J’ai beaucoup appris de cette expérience. Lorsque vous créez Écart, dans les années 70, vous êtes-vous inspiré de la Factory d’Andy Warhol ? J’avais un groupe d’amis rencontrés sur les bancs du collège. Nous faisions tout ensemble, notamment de l’aviron, à raison de trois heures de rame par jour. C’était du sérieux ! Chacun faisait participer les autres à ce qu’il faisait. Et comme mes amis savaient que je voulais organiser des expositions... Nous en avons monté une première en 1967, dans une maison vide. Deux ans plus tard, dans les caves du Richemond, nous avons organisé un festival de happenings, avec des artistes invités. Écart est né comme ça. Un local s’est ensuite libéré, derrière l’hôtel, mon père m’a autorisé à l’utiliser. Cela nous a permis de créer la galerie. On était en 1972-1973, elle a vécu une dizaine d’années...

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