CIG_JOURNAL_N°14_FLIPBOOK

d’ouverture... L’hébreu et l’arabe seront évidemment de l’aventure. Mais l’historien français s’est également imposé une ou deux contraintes afin que ce récit reste le plus neutre et universel possible. Vincent Lemire a ainsi mis près de dixhuit mois à définir SON narrateur. « Je souhaitais que ce soit le même sur toute la durée du récit. Sur 4000 ans, forcément, cela réduit le choix. Mais je voulais aussi qu’il ne soit ni juif, ni musulman, ni chrétien... ». Il a d’abord pensé à D.ieu : il est éternel, omniscient, et il est présent dans les trois religions monothéistes. «Mais cela m’aurait amené à un récit ironique, ce qui se serait révélé contradictoire avec ce que je recherchais. » Il a ensuite imaginé le point de vue d’une source. L’eau est très présente dans la Ville Sainte, il en a même fait une thèse en 2011 : La soif de Jérusalem. «C’est un motif anthropologique fort. L’eau circule, on se rassemble autour d’un puits pour échanger les nouvelles... Avec Christophe, cela nous semblait en revanche complexe à réaliser au niveau de la mise en scène. » Finalement, l’historien a opté pour un arbre. Un olivier. «Cela m’a paru tellement évident », s’enthousiasme-t-il. L’idée lui a été soufflée à la lecture d’un livre : La Vie secrète des arbres, de Peter Wohlleben. «Cet ingénieur forestier nous explique que les arbres peuvent avoir une forme de conscience et de mémoire collective, qu’ils sont capables de communiquer par leurs racines. » L’olivier est surtout un symbole fort. Il porte le même nom en hébreu et en arabe (zeitoun). Arbre de paix et de prospérité, il est connoté positivement dans les traditions monothéistes et méditerranéennes. «C’est un autochtone », fait encore remarquer Vincent Lemire. « Personne ne peut lui contester son droit d’être là : il est chez lui, sur le Mont des Oliviers. Il incarne cette sorte de tranquillité et de certitude, apaisante et réconfortante pour le lecteur. Il conserve aussi cette forme de distance face aux égarements des hommes et aux événements qui se déroulent autour de lui. » DES DIALOGUES ISSUS DE SOURCES AUTHENTIQUES Sa deuxième contrainte ? Au contraire d’une autre bande dessinée remarquable, Le monde sans fin, de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, l’auteur a refusé de faire de son ouvrage « un cours magistral illustré ». « Je ne voulais pas d’une conférence, avec une voix off et des images d’illustration. Mon récit avance avec les personnages, avec les dialogues, et c’est ce qui a rendu la chose plus compliquée à produire. » Pour couronner le tout, sur un plan méthodologique, Histoire de Jérusalem est à la fois historique et historienne, puisque 95% des dialogues proviennent de sources authentiques. Vincent Lemire est passionné par Jérusalem. Rencontrée au milieu des années 1990, cette ville lui of frait le déf i intellectuel dont il avait besoin. 23 FÉ VR I ER-MA I 2024

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