« HISTOIRE DE JÉRUSALEM » : LA BD QUI CASSE LES BARRIÈRES TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Historien, professeur en histoire contemporaine à l’Université Gustave Eiffel à Paris, Vincent Lemire explique la genèse de cette bande dessinée qui raconte 4000 ans d’une histoire universelle. Un ouvrage qui n’a jamais paru aussi pertinent et indispensable dans la perspective du conflit qui oppose Israël au Hamas depuis les attentats du 7 octobre. « Ce livre parle à toutes les communautés, qu’elles soient juives, musulmanes ou chrétiennes », faitil remarquer. Depuis que le conflit entre Israël et le Hamas a éclaté, à la suite des attentats du 7 octobre, cette bande dessinée n’a jamais paru aussi pertinente et indispensable. Difficile de s’y retrouver dans ce concert de propos antagonistes et de vérités toutes faites ! Compliqué de résumer une guerre sous l’aune des réseaux sociaux et de leurs avis tranchés ! Éditée par Les Arènes en octobre 2022, cette Histoire de Jérusalem raconte la Ville Sainte au fil des siècles. Dix chapitres et 250 planches pour comprendre ce «mille-feuille d’influences composites », passé d’une petite bourgade isolée, entre la Méditerranée et le désert, à une agglomération d’un million d’habitants qui focalise les attentions et nourrit les fantasmes. Mais ce livre a surtout le mérite d’expliquer les tensions entre Juifs et Palestiniens sous le prisme de l’Histoire – avec un grand H. L’HISTOIRE DANS UNE LANGUE COMMUNE « Avec cet ouvrage, nous parlons à toutes les communautés, qu’elles soient juives, musulmanes ou chrétiennes », s’enthousiasme Vincent Lemire. «Au-delà du succès quantitatif, c’est ce qui me fait le plus plaisir ! » Historien, professeur en histoire contemporaine à l’Université Gustave Eiffel depuis trois ans, le Parisien est passionné par Jérusalem. Il n’y a pas d’attaches familiales ou personnelles. Rencontrée au milieu des années 1990, cette ville lui offrait simplement le défi intellectuel dont il avait besoin. « J’ai été attiré par cet horizon politique d’optimisme provoqué par les accords d’Oslo, accompagné d’un espoir d’une coexistence positive – un sentiment qui a totalement disparu aujourd’hui. Pour moi, il y avait surtout l’ambition de construire, sur ce terrain de jeu exigeant, une histoire partagée, accueillante pour tous, avec des livres traduits en hébreu, en arabe ou en anglais. » Directeur du Centre de recherche français, Vincent Lemire a en effet dirigé, pendant cinq ans (2014-2019), le projet européen Open Jerusalem – qui consiste à partager toutes les sources et archives de la Ville Sainte dans une langue commune afin qu’elles soient accessibles à tous les historiens. «Ce projet est parti d’un constat simple : le monde entier se donne rendez-vous à Jérusalem. C’est une sorte de tour de Babel ! On y parle et on y écrit toutes les langues. 90% des historiens travaillent sur leur communauté, parce qu’ ils ont accès plus facilement à la documentation, rédigée le plus souvent dans leur langue maternelle. » Comment ouvrir leur regard sur d’autres récits, d’autres points de vue ? En créant une base de données et un moteur de recherche transversal. «Aujourd’hui, plus de 40000 documents ont été décrits et numérisés dans une langue commune, l’anglais, et dans leur langue native », précise l’historien français. « J’ai compris qu’une certaine fatigue psychique existait dans chacune des communautés, enfermées dans ses propres récits : elles sont suffisamment lucides pour savoir qu’ ils ne représentent pas 100% de la réalité de l’histoire. » UN OLIVIER COMME NARRATEUR Avec sa bande dessinée, créée avec Christophe Gaultier, Vincent Lemire participe à ce même effort d’ouverture. «Quand je rencontre des lecteurs, qu’ ils soient musulmans, juifs ou chrétiens, ils me disent tous qu’ ils apprennent beaucoup sur l’autre. Certains sont bousculés, chahutés, dans leurs convictions. Mais tous se sentent accueillis dans cet ouvrage. Quel merveilleux compliment ! » Vendu à plus de 250000 exemplaires en France, réimprimé toutes les trois à quatre semaines, Histoire de Jérusalem sera traduit dans une dizaine de langues. Là aussi dans un souci de transversalité et © PHILIPPE MATSAS – LES ARÈNES L’ENTRETIEN L’ENTRETIEN 22 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 14
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