CIG_JOURNAL_N°14_FLIPBOOK

« IL Y A CLAIREMENT UN AVANT ET UN APRÈS-7 OCTOBRE... » TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Ambassadrice d’Israël auprès des Nations Unies depuis 2020, Meirav Eilon Shahar a vécu un mandat particulier, marqué d’abord par la pandémie de Covid-19, puis par le massacre perpétré par le Hamas au sud du pays, tuant plus de 1200 personnes et prenant en otages plus de 240 hommes, femmes et enfants à Gaza. Elle nous a reçus dans son bureau, proche de la place des Nations, pour tirer le bilan de ses quatre ans en Suisse et parler de ses excellentes relations avec la communauté juive. Le drapeau israélien se tient, au garde-àvous, à côté de son bureau. Meirav Eilon Shahar s’installe dans un fauteuil. Son portable à portée de main. Pendant les 45 minutes de l’entretien, il n’arrêtera d’ailleurs pas de vibrer comme un rappel régulier de l’actualité brûlante. À plus de 4000 kilomètres de là, Israël est engagé dans un bras de fer violent avec l’organisation terroriste Hamas. Un conflit provoqué par le massacre perpétré, le 7 octobre 2023, par le mouvement islamiste palestinien dans le sud du pays, tuant plus de 1200 personnes et prenant en otages à Gaza plus de 240 hommes, femmes et enfants. Pour l’ambassadrice d’Israël auprès des Nations Unies, il y a désormais un avant et un après. Elle le répètera plusieurs fois au cours de l’interview : cette date, funeste pour la population israélienne et le peuple juif, a changé la tonalité de sa mission à Genève. Et elle rythmera son quotidien de diplomate jusqu’à la fin de son mandat en juillet prochain. Elle doit donc rester joignable autant que possible. Arrivée en Suisse en août 2020, en pleine pandémie, Meirav Eilon Shahar a marqué ses quatre ans de poste par son efficacité et sa persévérance dans cette mission, délicate, de défendre les intérêts d’Israël auprès de la communauté internationale. Mère de trois enfants, elle a étudié les sciences politiques, ainsi que le cinéma et la communication, à l’Université de Tel-Aviv, avant d’embrasser une carrière diplomatique qui l’a emmenée aux ÉtatsUnis (New York, Los Angeles), au Kenya, au Vietnam et, enfin, à Genève. Aujourd’hui, elle est concentrée sur cet objectif : faire en sorte que personne n’oublie la raison pour laquelle Israël est entré en guerre avec le Hamas. Vous quitterez votre poste d’ambassadrice d’Israël auprès de l’ONU en juillet prochain. Quel bilan pouvez-vous tirer de vos quatre années à Genève ? Je suis arrivée à Genève en août 2020, en pleine période de Covid, et, longtemps, j’ai cru que cette pandémie serait mon plus grand défi au cours de mon mandat. Elle a énormément affecté mon travail à l’ONU, mais aussi auprès des nombreuses organisations multilatérales dans lesquelles je représente Israël. Les restrictions sanitaires ont également compliqué mes premières rencontres avec la communauté juive. Mais je suis une femme obstinée. Il me semblait important de pouvoir me présenter et faire connaissance avec les diplomates et les différentes communautés juives de la région. La technologie est certes magnifique, et Zoom m’a été d’une grande utilité pour organiser ces premiers contacts. Mais j’ai aussi tenu à rencontrer ces personnes personnellement, évidemment en tenant compte des limitations de distance et de nombre. Après le 7 octobre, le coronavirus m’a pourtant paru bien loin. Depuis cette date, mon travail à Genève a changé énormément, surtout dans notre manière de définir le monde multilatéral. Pour quelle raison ? Vous savez, j’ai passé quatre ans à New York et, de retour à Jérusalem, j’étais la directrice du Département des affaires politiques de l’ONU au ministère des Affaires étrangères. Le multilatéralisme n’a plus beaucoup de secrets pour moi. Je crois à ce système, pour être honnête avec vous. Du moins, j’y croyais avant le 7 octobre... Il permet de gérer collectivement des sujets importants tels que l’environnement, la sécurité alimentaire ou, justement, la pandémie. Comme ce sont les pays euxmêmes qui donnent le ton, ce système reste néanmoins imparfait. Il l’est encore moins dès que cela concerne mon pays. Avant le 7 octobre, nous avons essayé de ne pas nous focaliser sur le conflit entre Israël et les Palestiniens. J’estime en effet qu’il ne se règlera pas sur la scène multilatérale, et certainement pas à Genève. Pour moi, il était plus urgent pour notre pays d’être plus impliqué dans le dialogue multilatéral. Comment vous y êtes-vous prise ? Nous ne sommes pas partis de zéro, nous nous sommes appuyés sur le travail de mes prédécesseurs. Notre objectif ? Faire en sorte qu’Israël soit considéré comme l’égal des autres nations. Il y a de nombreux sujets prioritaires pour notre pays, comme la santé, la propriété intellectuelle, les droits de l’homme et de la femme, les droits LGBTQI, la situation des personnes handicapées... Nous essayons de faire bouger les agendas dans les organisations concernées. En trois ans, et pour la première fois, nous avons même réussi à faire passer deux résolutions à l’OMS : sur le renforcement de la réadaptation dans les systèmes de santé et sur l’accès aux soins pour les personnes en situation de handicap. Mais, pour arriver à ce résultat, nous avons dû travailler deux fois plus que les diplomates d’autres pays, parce qu’il y a un groupe de délégations, composé notamment des Palestiniens, de l’Iran, du Liban, de la Syrie, du Pakistan, de l’Algérie ou de l’Afrique du Sud, et mené par l’Organisation de Coopération Islamique, qui cherche à isoler autant que © PIERRE-MICHEL VIROT 10 LA RENCONTRE LA RENCONTRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 14

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