Les États-Unis sont restés « fermement » aux côtés d’Israël et ont condamné « sans équivoque » les attaques des terroristes du Hamas après les tirs de milliers de roquettes contre Israël, a affirmé immédiatement la Maison-Blanche dans un communiqué. SILENCE ÉLOQUENT Si toutes les grandes démocraties ont donc condamné sans réserve cette agression terroriste, les principales organisations de défense des droits de l’Homme se sont révélées moins bavardes. Pendant plusieurs semaines, de nombreuses ONG ont dénoncé haut et fort les conséquences des bombardements israéliens sur Gaza, restant discrètes quant au sort des otages israéliens, alors que la séquestration est interdite en vertu de l’article 3 des conventions de Genève, et selon l’article 8 du statut de Rome de la Cour pénale internationale. L’Unicef, qui s’engage dans le monde pour les droits des enfants, mobilise les internautes, et c’est heureux, en faveur des enfants en situation de danger ou de mort imminente à Gaza. Sa prise de position est plus discrète quant aux 33 enfants âgés de 9 mois à 15 ans parmis les otages israéliens. Sur leur site Internet, ni verbatim spécifique, ni mention d’une action particulière en homepage. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance a toutefois réagi dans une déclaration prononcée le 9 octobre dernier par sa directrice générale, Catherine Russel : « L’Unicef appelle tous les groupes armés […] à libérer immédiatement et en toute sécurité les enfants retenus en otage à Gaza afin qu’ ils puissent retrouver leur famille ou les personnes qui s’occupent d’eux. Nous appelons également toutes les parties à protéger les enfants en vertu du droit international humanitaire. » Un communiqué, daté du 30 octobre, a soutenu cette déclaration. De même, les prises de position en faveur des otages, réitérées à plusieurs reprises dans des communiqués de presse, d’Amnesty International, sont aujourd’hui noyées sous le flot de messages appelant à protéger les civils à Gaza. Dès le 9 octobre, en France, l’avocat et ancien ambassadeur pour les droits de l’Homme François Zimeray interpelle les ONG qui n’ont aucun mot de solidarité pour les victimes des attaques du Hamas : « Le sang coule en Israël, où est votre indignation, vous dont la mission est d’appeler un crime un crime, un civil un civil et un otage un otage ? » Comment expliquer ce deux poids, deux mesures ? Le biais de la gauche, dont sont souvent proches les organisations non-gouvernementales et qui défend souvent la cause propalestinienne, peut-être. La volonté de protéger des équipes implantées, parfois depuis 15 ou 20 ans, dans des zones contrôlées par le Hamas peut sembler un autre élément de réponse. Sans compter l’impartialité théorique imposée à ces ONG par un cadre légal strict, qu’il faut ici rappeler. On peut également voir dans ces réactions internationales le succès du piège tendu par le Hamas à l’État hébreu : la déconvenue est telle pour Israël, que Netanyahu et le gouvernement israélien ne pouvaient que réagir fortement. Dès lors, c’est – de manière regrettable – la guerre à Gaza qui a pris le dessus dans l’espace public. La rapidité des exactions (à titre de comparaison, le massacre de Boutcha a fait quelques 458 morts en 1 mois, quand les crimes du Hamas ont été perpétrés en quelques heures), la réactivité et la puissance de la riposte israélienne pourraient avoir détourné l’attention des observateurs internationaux, passant les victimes du 7 octobre et les otages sous silence. LÂCHETÉ ET IGNORANCE En France, le dessinateur, écrivain et réalisateur de renommée internationale et de confession juive Joann Sfar s’est très vite ému de la « lâcheté collective » entourant cet acte de barbarie. Dès ce samedi noir d’octobre, il publie sur Instagram une aquarelle devenue virale : un dessin du symbole Haï, accompagné de ce message : «Nous vivrons ». Interrogé largement dans la presse hexagonale, il est revenu sur la signification de ce message pacifique, sur les actes sanguinaires commis contre l’État hébreu, mais surtout sur ceux qui préfèrent se taire, relevant que les influenceurs, ceux qui sont de toutes les grandes causes, se sont peu, ou pas, mobilisés. De même, peu d’artistes se sont engagés en faveur d’Israël. Vianney, Frank Dubosc, Alain Chamfort, Carla Bruni, Guillaume Canet, Omar Sy : ceux qui l’ont fait ont souvent essuyé des menaces de mort. A Hollywood, Joaquin Phoenix ou encore Dua Lipa ont demandé à Biden d’imposer un cessez-le-feu et la libération des otages. Mais sur les réseaux sociaux, pas de mouvement massif : on ne « stand pas with Israël », comme la société civile a pu le faire pour l’Ukraine. Pour autant, les familles de victimes, épaulées par des bénévoles, ont exposé les photos des personnes disparues, décédées ou prises en otage. Les noms et leurs images se sont répandues sur les réseaux, relayées principalement, là encore, par des coreligionnaires. Même constat amer dans les manifestations de soutien organisées de par le monde. À Genève, place des Nations, au cours des nombreux rassemblements initiés par des associations juives ou sionistes chrétiennes, on note la prédominance de participants de confession juive. « J’avais peur de l’ indifférence, j’ai constaté la peur de dire des bêtises », explique Joann Sfar. Est-ce à dire que l’ignorance justifie le silence ? Force est de conclure que les raccourcis lient les langues au sujet des crimes commis par une organisation spécialisée dans l’oppression des Palestiniens et dans le massacre des civils juifs. ENQUÊTE Karim Khan, le procureur en chef de la Cour pénale internationale, s’est rendu en Israël le 3 décembre dernier. En 2021, des enquêtes ont été ouvertes sur de possibles crimes de guerre menés dans les territoires palestiniens aussi bien par Israël que par le Hamas. Les investigations se poursuivent évidemment aujourd’hui. EN OFF Le silence pèse également sur les analystes et observateurs médiatiques : aucune des personnes contactées dans le cadre de cette enquête n’a accepté de nous répondre, sinon en off, arguant de l’explosivité du sujet. 17 OC TOBRE 2023 – JANV I ER 2024
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