STÉPHANE AMAR : « ISRAËL VIT À CONTRECOURANT DES ÉVOLUTIONS DE L’EUROPE » TEXTE JEAN-DANIEL SALLIN Invité dans le cadre du cycle de conférences organisé par la CIG pour célébrer le 75e anniversaire d’Israël, Stéphane Amar, journaliste et correspondant de la RTS à Jérusalem, est venu présenter son troisième livre à la synagogue Beth Yaacov : L’exception israélienne. Enquête sur un État controversé. Un regard sans tabou sur ce pays qui dérange autant qu’il fascine. Correspondant permanent pour la Radio Télévision Suisse (RTS) et Arte en Israël depuis 20 ans, Stéphane Amar connaît ce coin de terre comme sa poche. Il est aux premières loges pour suivre le conflit israélo-palestinien en Cisjordanie ou la montée de l’extrême-droite à la Knesset. Vivant à Jérusalem, il est surtout sur le terrain tous les jours pour prendre le pouls d’une population qui tente de vivre normalement malgré les difficultés. Avec son troisième livre, L’exception israélienne. Enquête sur un état controversé, le journaliste français pose un regard sans concession sur ce pays – avec une objectivité et une honnêteté intellectuelle remarquables. Invité dans le cadre du cycle de conférences organisé par la CIG pour célébrer le 75e anniversaire d’Israël, il est venu présenter son ouvrage à la synagogue Beth Yaacov. Une heure de dialogue passionnante avec Aude Marcovitch Lorgulescu, ex-correspondante en Israël pour la Radio romande et Libération. Pourquoi avoir choisi de vous installer en Israël en 2003 ? C’était surtout le fait de ma femme, quelque chose qui lui tenait à cœur. De mon côté, j’étais un peu plus dubitatif, car mon travail passe d’abord par la langue. Mais, une fois sur place, je me suis rendu compte que c’était un pays magnifique pour exercer le métier de journaliste. Je me suis passionné pour l’actualité dans la région, pour les gens et pour l’énergie qui y règne. J’ai appris l’hébreu et je suis devenu assez vite correspondant pour la RTS et Arte. Qu’est-ce que c’est d’être journaliste en Israël ? C’est facile, parce que l’accès aux gens est simple. Les Israéliens sont très ouverts aux médias. Les administrations sont extrêmement transparentes. Il est aisé d’obtenir des interviews. J’ai choisi ce métier pour faire des rencontres et là, franchement, je suis servi. Tout le monde a une histoire ou un avis à partager, tout le monde est passionné... C’est vraiment le terrain idéal pour travailler ! Êtes-vous totalement libre de travailler sur le terrain ? Ah oui ! Complètement. Il n’y a jamais eu d’entrave. En Europe, l’opinion publique a souvent une image restreinte, voire négative, sur l’État d’Israël. Est-ce essentiel pour vous de rétablir une certaine vérité ? Il est important de voir les choses dans leur globalité. Si on ne connaît pas l’histoire du sionisme et du peuple juif, on ne comprend rien à ce qui se passe en Israël et on passe à côté de l’essentiel. On voit Israël comme un petit état refuge du peuple juif qui rencontre certes des réussites économiques ou technologiques, mais qui est en même temps menacé et critiqué. D’un autre côté, beaucoup de gens estiment que ce pays est en train de tomber dans le fascisme et l’extrême-droite... Ce sont des visions totalement faussées et fantasmées. Dans mon livre, je démontre qu’Israël vit une situation exceptionnelle : dans l’histoire, il n’y a pas d’autres exemples d’un peuple qui revient sur ses terres 2000 ans après l’avoir quitté et qui reconstitue son identité nationale. De plus, c’est aussi un État qui est à contrecourant des évolutions de l’Europe occidentale. Pourquoi ? Israël est un pays nationaliste, alors que l’Europe occidentale a vomi le nationalisme après les deux guerres mondiales. C’est un état religieux traditionnaliste, alors que l’Europe se déchristianise. Et sa natalité est extrêmement forte, alors qu’elle est en chute libre partout ailleurs... Cette situation crée beaucoup d’incompréhensions. J’explique cette réalité : pourquoi elle est ce qu’elle est et pourquoi il ne faut pas en avoir peur. Comment expliquer qu’Israël est en aussi bonne santé? On se souvient qu’en période de Covid, par exemple, il a été le premier à vacciner ses habitants... Le livre est d’ailleurs parti de cette idée. Cette campagne de vaccination a mis en évidence l’ADN d’Israël : une capacité de résilience, une aptitude à prendre des risques, à être créatif... Cela vient forcément des 2000 ans d’exil qui ont forcé le peuple juif, pour survivre, à se réinventer sans cesse, à s’adapter aux nouvelles situations face au danger... Cela a été complètement intégré dans l’ADN israélien. Les « SI ON NE CONNAÎT PAS L’HISTOIRE DU SIONISME ET DU PEUPLE JUIF, ON NE COMPREND RIEN À CE QUI SE PASSE EN ISRAËL ET ON PASSE À CÔTÉ DE L’ESSENTIEL. » L'ENTRETIEN 17 AVR I L-SEP TEMBRE 2023
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