CIG Magazine N°10

Ne pensez-vous pas que la CIG vous a sélectionné parce que vous avez cette double formation : rabbinique et universitaire ? Peut-être. L’un des choix est lié au caractère fédérateur. Essayer de collaborer avec les autres communautés, les autres rabbins, les dirigeants communautaires et les associations servira à unifier la communauté juive et à ne pas travailler uniquement dans la scission et la division. Je ne sais pas quelle est la situation à Genève, mais, dans le peuple juif, nous parlons beaucoup d’unité. C’est de l’humour ! Nous en parlons beaucoup, parce que nous en manquons beaucoup… Elle est née d’un traumatisme qui remonte déjà à l’inconscient biblique : dans le premier livre de la Torah, la Genèse, on nous raconte, épisode après épisode, des frères qui ne peuvent pas s’entendre, des fratricides… On a compris le message. La fraternité est une nécessité divine : D.ieu ne peut parler à ses enfants que s’ils sont autour de la table. Chacun exprimera cette fraternité dans un langage plus mystique, plus rationnel, plus social… Qu’importe ! Mais c’est un élément fondamental. La communauté juive doit vivre dans cette fraternité. C’est bon pour l’entente entre les personnes et pour la solidarité intracommunautaire : ensemble, nous saurons mieux quels sont les enjeux et comment mieux les appréhender. D’où vient votre passion pour la philosophie? Très jeune, j’ai découvert dans la bibliothèque de mes parents des livres qui m’intéressaient, sur la psychanalyse, les pensées juives… À 15-16 ans, j’avais un petit calepin où je notais déjà mes questions d’études ou existentielles. Lorsque j’ai découvert la philosophie en terminale, cela a été la révélation. Arrivé en Israël après le bac, j’ai suivi des études combinées, le matin à la Yéshiva, l’après-midi à l’université. Je me suis inscrit en philosophie juive et en philosophie générale. À la grande surprise de tous mes camarades qui avaient choisi l’économie, le business ou le droit… Ce qui les intéressait, c’était l’utilité du métier. Moi, j’étais à des années-lumière de cette réflexion. En quoi l’étude de la philosophie a-t-elle enrichi votre formation rabbinique ? À Bar-Ilan, nous avions deux départements qui n’en faisaient qu’un : philosophie juive et philosophie générale. Nous étions donc formés à la double culture. L’idée est que TRENTE-TROIS ANS EN ISRAËL Stéphanois d’origine, Mikhaël Benadmon a vécu en Israël pendant 33 ans, où il a complété sa formation talmudique et rabbinique à la Yéshiva Merkaz Harav, au Collel Bar-Ilan et au Makhon Amiel, après avoir débuté ses études dans les Yeshivot d’Aix-les-Bains et Etz-Haïm en France. Titulaire d’une sémikha Yoré Yoré et d’un doctorat en philosophie générale et philosophie juive de l’Université Bar-Ilan, spécialisé en philosophie de la Halakha, il est aussi l’auteur, en hébreu comme en français, de différents ouvrages de philosophie et de loi juive. Anciennement rabbin à Bruxelles et à Nice, attaché au Grand-Rabbinat d’Israël au service des conversions, il dirige depuis 10 ans le programme de formation rabbinique Maarava-Amiel et est maître de conférences en philosophie juive à l’Université Bar-Ilan. J.-D. S. 12 L’ENTRETIEN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 10

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