CIG Magazine N°09

® SHUTTERSTOCK DANS LES PAYS INDUSTRIALISÉS, LE SURENDETTEMENT DES MÉNAGES EST DEVENU AUJOURD’HUI UN VÉRITABLE PROBLÈME DE SOCIÉTÉ. Le terme Tarbit (surplus) provient du mot harbé qui signifie « beaucoup ». En omettant la première lettre (le tav) du mot tarbit, on se retrouve avec le mot « ribit », qui signifie le prêt avec taux d’intérêt dans la littérature talmudique. Ces deux termes traduisent les deux aspects du prêt à intérêt : la morsure (Neshèkh) exprime la souffrance de l’emprunteur qui doit rembourser plus que ce qu’il a emprunté ; le surplus (Tarbit) exprime l’enrichissement du prêteur qui reçoit plus que ce qu’il n’a prêté. Pourquoi cette redondance ? Le texte ne les a distingués que pour rendre passible le prêteur à intérêt d’une double transgression (Bava Métsi’a, 60b). Le Maharal (Gour Aryé, Vayikra 25,37) explique ainsi que l’interdit de la morsure (Neshèkh) a pour enjeu le fait de mordre son ami, ce que la Torah interdit ; alors que le second interdit du surplus (tarbit) a pour enjeu le fait de s’enrichir de façon injustifiée. L’explication du Maharal soulève une autre question : pourquoi la Torah concernant le prêt à intérêt distingue-t-elle ces deux aspects pour le prêt à intérêt, alors qu’elle n’énonce qu’un seul interdit global pour le vol : « tu ne voleras pas » ? Le Maharal (Dracha léChabbat Hagadol, p. 208) explique que le ribit affecte le commerce, la subsistance (parnassa) et donc la vie de l’emprunteur. Le remboursement des intérêts étouffe son développement économique. En revanche, le vol ne touche pas en profondeur la vie de la victime, mais uniquement son argent. Il s’agit d’une atteinte ponctuelle qui n’affecte pas son développement économique futur. À la différence du prêt à intérêt où l’emprunteur est assujetti au remboursement futur des intérêts, la victime d’un vol conserve sa totale liberté d’action. Même si quelqu’un se fait voler toute sa fortune, rien ne l’empêche de se remettre au travail en repartant de zéro. En revanche, un emprunteur aux prises avec le remboursement des intérêts n’a pas de perspective d’avenir : son horizon est fermé. Des deux premiers passages bibliques cités ci-dessus, il ressort aussi que le juif peut prêter à intérêt à un non-juif. Du 3e passage, il est explicite qu’un non-juif peut prêter à intérêt à un juif (Deut. 23, 21). L’interdiction du ribit ne s’applique que lorsque le prêteur et l’emprunteur sont juifs. Cependant, la Torah aurait pu également interdire le ribit entre un juif et un non-juif (dans le souci d’assurer l’équité). Pourquoi la Torah a-t-elle limité l’interdiction du ribit entre Juifs ? Na’hmanide (Deutéronome, 23,20) propose la démarche suivante : le prêt à intérêt avec un non-juif est autorisé, contrairement au vol qui est interdit comme l’enseigne le Talmud (Bava Kama, 113b). Na’hmanide commence ainsi par rappeler que le Talmud interdit de voler un non-juif. Puis, il explique la différence fondamentale entre le ribit et le vol. Le prêt à intérêt se contracte par consentement mutuel, alors que le vol s’effectue sous la contrainte. Ainsi, le vol est contraire à la morale universelle, raison pour laquelle la Torah l’interdit de manière systématique. Le prêt à intérêt ne s’opposant pas à la morale universelle, la Torah l’autorise entre un juif et un non-juif. Cependant, par devoir de fraternité, il sera interdit entre juifs. En conclusion, l’interdiction du ribit est tellement importante qu’elle inclut toutes les parties prenantes au prêt : le prêteur, l’emprunteur, le garant, et les témoins. Certains ajoutent que même le scribe qui rédige le contrat du prêt (Bava Métsi’a, 75b) est concerné par le ribit. Il faut également préciser qu’il y a bien des modes de prêts à intérêt permis dans le cadre de la Halakha, mais qui dépassent cependant le cadre de cette chronique. Effectivement, ‘Hazal ont élaboré des structures appelées ‘Isska et Hétér ‘Isska qui permettent d’envisager un prêt entreprise et un prêt immobilier. Rav Dr. Izhak Dayan, Grand Rabbin 9 AVR I L-J U I L LE T 2022

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE4MDE=