CIG Magazine N°09

L’ENTRETIEN « J’AI AIMÉ ENSEIGNER, EXPLIQUER, VOIR UN ÉLÈVE PROGRESSER… » Après avoir dirigé un lycée du groupe ORT à Marseille pendant 30 ans, Maurice Cohen Zagouri est arrivé à Genève sur la pointe des pieds en 2013 pour s’asseoir dans le fauteuil de directeur de l’École Girsa. Fondée en 1981, avec un effectif de 12 élèves, cette école privée juive s’était installée à Veyrier, en 2003, dans un bâtiment flambant neuf, grâce à la générosité de trois hommes : Bruce Rappaport, Edmond Safra et Nessim Gaon – lequel vient de s’éteindre à l’âge de 100ans. Si la pandémie de Covid-19 a empêché l’établissement de célébrer ses 40ans en 2021, il a retrouvé son dynamisme grâce aux bons offices de ce directeur passionné par l’enseignement et l’épanouissement de ses élèves. Au moment de prendre une retraite bien méritée, Maurice Cohen Zagouri parle de sa carrière et de sa mission à l’école qui a changé récemment de nom – Beit Yossef Girsa – en l’honneur de Joseph Safra. L’école a pris un nouvel élan avec l’arrivée de Jacob Safra à la tête de la fondation. La famille Safra est connue pour ses réalisations philanthropiques à travers le monde entier, et en particulier pour son soutien aux écoles juives. Pourquoi avoir choisi de vous installer à Genève après tout ce temps passé à Marseille ? J’étais sur le point de prendre une préretraite. Comme j’avais commencé ma carrière jeune, j’avais de bonnes conditions de départ… C’est là que l’Alliance israélite universelle, alors aux commandes de l’École Girsa, m’a demandé de venir pour un dépannage. Elle avait besoin de quelqu’un d’expérience pour régler un problème de gouvernance. Cela aurait dû durer trois à quatre ans au maximum, j’en ai fait neuf… Quels ont été les problèmes rencontrés ? Quand j’ai découvert cette école, dans ce magnifique bâtiment, j’ai trouvé une équipe pédagogique de qualité, mais il y avait un souci dans le fonctionnement administratif, comptable ou gestionnaire. Cette période de flottement, avant mon arrivée, entraîna une perte de confiance de la part des parents : ils n’avaient pas d’interlocuteurs face à eux, ce qui a conduit à une fuite importante d’effectifs vers d’autres établissements. J’ai pris la direction de cette école avec 82 élèves. Aujourd’hui, je la quitte avec 243. Nous avons mis de l’ordre dans tous les domaines et nous avons regagné la confiance des parents. Comment s’y prend-on justement pour renouer le dialogue ? Par une présence dans la vie communautaire. J’ai tenu à habiter à Genève, et pas en France voisine, dans un quartier où il y avait de nombreux parents d’élèves. Par les contacts réguliers, j’ai pu, par petits pas, regagner cette confiance et les convaincre – de revenir pour certains ou d’inscrire leurs enfants ici pour d’autres. Pourquoi ce choix de travailler exclusivement dans le privé plutôt que dans le public ? C’est l’histoire de mon parcours qui m’a amené dans le privé. Au départ, je suis ingénieur diplômé en électronique. J’ai d’ailleurs fait l’école d’ingénieurs à Genève, à la rue de Lyon. Mais, alors que je me destinais à une carrière dans l’industrie, j’ai accepté, totalement par hasard, de faire un remplacement d’enseignant. J’ai découvert ce métier et j’ai adoré. J’ai trouvé extraordinaire cette action d’enseigner à des élèves et de leur transmettre des connaissances. Ce n’était pas du tout planifié comme ça. J’avais même signé un précontrat avec la société Alcatel à Paris. Qu’est-ce qui vous a vraiment plu dans cette profession ? Je dois vous décrire le sentiment précis qui m’a poussé à suivre cette voie… Je donne mon premier cours de mathématique et, à la fin, je perçois dans le regard des élèves en face de moi, qu’ils ont compris mon cours. À cet instant j’ai ressenti un immense plaisir. Je m’étais bien préparé, évidemment, mais ce plaisir-là, j’avais envie de l’approfondir et de le poursuivre. J’ai beaucoup aimé enseigner, expliquer, voir un élève progresser, changer, poser des questions intelligentes… Vous vous dites alors que vous faites quelque chose de bien ! On entend beaucoup d’enseignants, surtout dans le public, se plaindre des conditions de travail… Quel regard portez-vous sur cette problématique ? Je suis le premier à reconnaître que c’est une profession difficile. Dans le privé, il y a un contact encore plus important avec les parents, notamment dans le primaire. Cette relation est essentielle. Avec eux, il faut savoir communiquer... C’est un exercice difficile ! Un enseignant présente son cours, il l’explique, mais il doit aussi le défendre quand il est contesté. À L’ÉCOLE GIRSA, NOUS AVONS FAIT LE CHOIX DE L’EXCELLENCE. NOUS DEMANDONS UN TRAVAIL ACCRU AUX ÉLÈVES POUR LES ÉLEVER AU PLUS HAUT NIVEAU. 11 AVR I L-J U I L LE T 2022

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