LE PORTRAIT GABRIEL TAMMAN ZL, L’INCLASSABLE On pourrait écrire à son sujet autant de lignes qu’il a lui-même fait couler d’encre. Aventurier, homme d’affaires, Juif engagé, romancier, philanthrope : qui était Gabriel Tamman zl ? Aucune étiquette ne lui sied bien, et, pourtant, toutes lui vont parfaitement. Monsieur Tamman zl était lui, simplement. Portrait vrai et enrichi d’émouvantes rencontres. Difficile de distinguer l’être du personnage public. Dans le cas de Gabriel Tamman zl, ils se confondent avec la même authenticité. «Mon père n’a jamais eu aucun doute sur qui il était », affirme son cadet, David. « En toutes circonstances, il restait le même, authentique, spontané. » Un homme imperturbable, ancré, qu’il fallait suivre dans sa vie privée autant que dans son parcours professionnel. L’ENGAGÉ Jusqu’au 19 juillet dernier, Gabriel Tamman zl a mené une existence prolifique qui débute à Alexandrie, en Egypte, en 1932. Issu d’une fratrie de sept enfants, il passe une enfance modeste entre Le Soudan et Le Caire. C’est là qu’il est confronté à l’antisémitisme dès la fin des années 40. Face aux persécutions sinueuses du gouvernement nationaliste égyptien, l’adolescent, à 16 ans seulement, s’engage dans la défense des droits des Juifs en participant notamment à la bataille du ghetto du Caire et en aidant ses coreligionnaires à immigrer vers Israël. Un engagement qui ne le quittera jamais et qui le poursuivra au fil des années sur le reste du globe : du Soudan à la Suisse en passant par le Royaume-Uni, Gabriel Tamman zl n’a cessé de se mobiliser pour sa communauté, s’imposant comme un homme dont le succès n’a jamais confiné à l’insolence et dont la prospérité s’est toujours mise au service des autres. L’ENTREPRENEUR C’est au Caire, également, en découvrant le marché aux peaux, que s’est aiguisé son esprit entrepreneurial. Qu’à cela ne tienne : dès l’âge de 18 ans, direction les jungles de l’Afrique de l’Ouest pour chasser le crocodile et faire commerce des cuirs à l’intention des grandes maisons de couture parisiennes avec son frère, installé en Italie. Goût du risque, goût des affaires : Gabriel Tamman zl côtoie des animaux sauvages autant qu’il fait fleurir l’affaire familiale naissante. En 1958, il s’établit à Genève, avec son épouse Angèle qui n’a pas su résister à son charme indéniable et à son inépuisable dynamisme. Gabriel Tamman zl détonne dans les milieux suisses « bon teint », comme il aimait à les appeler. Ce qui ne l’a jamais arrêté. Entrepreneur dans l’âme, il diversifie alors ses activités et s’oriente vers le négoce maritime, tout en construisant un véritable empire immobilier en Europe. LE PRÉSIDENT Il devient rapidement une véritable figure de la communauté juive locale. Avec des activités, des camps de vacances, en sollicitant des animateurs, il mobilise les jeunes générations qui se rassembleront dans le Centre Communautaire de la Jeunesse Juive. Il participe également activement à la construction de la synagogue Hekhal Haness, dont il aura le bonheur de voir l’accord avec la Maison Juive Dumas signé avant sa disparition. «Mon père était un des premiers sépharades à rejoindre le Comité de la Communauté Israélite de Genève. Il n’a cessé d’œuvrer dans son intérêt et de concilier les positions de chacun dans un esprit de paix et de réconciliation qui l’a animé jusqu’à la fin de sa vie », note Joseph, le benjamin du clan. En 1970, il devient Président de la CIG. Son ambition? Instiller un sentiment de fraternité entre les Juifs de différentes origines qui ont choisi de vivre en Suisse. Très investi, il demeure présent même après sa présidence, au point que, en 1995, ce fervent défenseur du shalom s’est vu confier les travaux de rénovation de la synagogue Beth Yaacov. LE SAGE Celui que ses amis, parmi lesquels Alain Köstenbaum (Président de la Communauté entre 1989 et 1990), surnommaient Gabi, était « Un homme non seulement brillant et d’une très grande intelligence, mais également un homme doté d’une vision hors du commun », se remémore l’avocat. Même souvenir ému du côté de Philippe A. Grumbach (Président de la Communauté entre 2016 et 2021) : « Gabriel Tamman zl était un visionnaire. Son charisme, sa connaissance des hommes m’ont beaucoup marqué. C’était une forte personnalité. Lorsqu’ il s’exprimait, il avait ce don de captiver l’assemblée. Un Mensch, un vrai ! » Dans sa vie personnelle, dans sa vie professionnelle et dans son activisme, Gabriel Tamman zl mettait à profit son attitude pacifique et son érudition pour réconcilier les hommes et régler les différends. Il s’entretenait souvent avec les rabbins en postes, du Grand Rabbin Alexandre Safran au Rav Izhak Dayan. Ce dernier se souvient : «Nous avions l’habitude de nous consulter pour trouver des solutions pour la communauté. » Gabriel Tamman zl avait également l’habitude de s’attaquer aux différends personnels des membres : « Ce sage trouvait toujours une solution plausible pour les deux parties, n’hésitant jamais à recourir à l’autorité des autres », poursuit le Grand Rabbin. « J’ irai même plus loin : sur un plan personnel, ses conseils précieux ne m’ont jamais déçu. Il m’a souvent sorti d’affaire ! Gabriel Tamman zl faisait preuve d’une vraie sagesse de vie. » LE PHILANTHROPE Au fil des années, il est évidemment resté proche d’Israël, dont il considérait la création comme un véritable miracle : « Pour moi, Israël est un symbole depuis que je suis enfant. C’est un phare pour tous les Juifs, et c’est très important de faire passer ce lien à mes enfants, petits-enfants et arrières petits enfants », déclarait-il à la presse. Il s’engage notamment aux côtés du Jewish Joint Distribution Committee et soutient l’université 18 LE PORTRAIT LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 08
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