CIG Magazine N°07

L’une des idées du Grand Rabbin Lehmann repose sur un passage talmudique stipulant que : « kol démékadesh ada’ta dérabanane mékadesh », (quiconque remet des kiddoushin, ne le fait qu’avec l’assentiment des rabbins). Faut-il encore savoir ce qu’inclut le terme « rabanan » : s’agit-il uniquement des rabbins de la Mishna et du Talmud, ou s’applique-til aux rabbins contemporains ? D’ailleurs, le Rashba (13e siècle) écrit explicitement que les rabbins n’ont plus le poids juridique nécessaire pour casser des kiddoushin. Une autre idée du Grand Rabbin Lehmann est que l’on peut faire de n’importe quelle institution (Takanot) pour le bien de la communauté. Cet argument n’est valable que pour les problèmes liés à des coutumes. Dans ce cas, il s’agit d’interdits d’ordre thoraïque. Les décisionnaires ne permettent de faire un mariage conditionnel que dans le cas de yboum, lorsque le beau-frère est renégat, qu’il a disparu ou qu’il est sourd-muet, mais ils n’ont pas étendu leur autorisation à tous les mariages célébrés. Pourquoi ce distinguo entre le cas où le mari est encore vivant, et le cas où il est décédé ? Dans le cas où le mari est encore vivant, on considère qu’il annulera la clause lors de la consommation du mariage. Le statut religieux des enfants à naître va le motiver à annuler la clause. En effet, si des enfants naissent, qu’il est vivant au moment où son couple se déchire, et qu’il refuse de donner le guett, bien que le divorce civil ait été prononcé, que se passera-t-il si la condition est appliquée ? Son mariage sera annulé rétroactivement et ses enfants auront le statut de nés hors mariage (pégoumim). Un homme refusera, en règle générale, de se retrouver dans une telle situation ; par voie de conséquence, il annulera implicitement la clause avant qu’elle ne puisse prendre effet et la condition n’a pas de valeur. En revanche, dans le cas du renégat (ou disparu ou sourd-muet), le couple n’a pas eu d’enfant et il n’y a pas de crainte à avoir sur le statut des descendants. Le Rabbin David Hoffman (directeur du Séminaire rabbinique de Berlin, et auteur de Responsa Melamed Leho’ il) rapporte que s’il était réellement possible de casser les kiddoushin, alors toute la littérature rabbinique concernant les « agounot » serait superflue. D’autant plus que nous risquons d’arriver, par le biais de cette condition, à la quasi-annulation des lois matrimoniales, et la notion de famille juive pourrait s’effondrer. Le Rav Moshé Domishenski, rabbin de Slabodka, considère que faire une condition aurait pour conséquence éventuelle l’annulation rétroactive des kiddoushin, et, par là-même, le vécu rétroactif en concubinage. Cet état de fait n’est pas accepté, en vertu du principe selon lequel « ène adam ossé bé’ ilato, be’ ilat znout » (un homme se refuse à avoir des relations extra-conjugales). C’est la raison pour laquelle il subsiste le risque que le mari annule implicitement le tenay (la condition). Il est difficile, voire délicat, de trancher catégoriquement pour des clauses prénuptiales sur un plan halakhique. Les divorces font partie des tâches compliquées et laborieuses des rabbinats, et il est toujours très triste de voir arriver une femme en détresse. Nos dirigeants religieux ont toujours fait d’énormes efforts dans ce domaine pour trouver les solutions adéquates à ce problème épineux. En Israël, le pouvoir du Tribunal Rabbinique étant plus important qu’en Diaspora, plus de moyens peuvent être mis en œuvre pour forcer l’homme à donner le guett à son épouse. Bien qu’il soit tentant de penser que ces clauses faciliteraient la vie de beaucoup de femmes, les risques sont trop importants de se retrouver avec des enfants mamzerim pour donner suite à des mariages annulés. Rav Dr. Izhak Dayan, Grand Rabbin ® SHUTTERSTOCK 9 J U I L LE T-SEP TEMBRE 202 1

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