CIG Magazine N°07

® SHUTTERSTOCK signe distinctif, en l’occurrence la Rouelle (anneau de couleur jaune), une mesure qui est confirmée dans la lecture des minutes du procès qui s’est joué entre décembre 1443 et janvier 1444 où le Juif Peyret Symoel est accusé d’un grand nombre de fraudes dont justement celle « …d’avoir enlevé son signe distinctif de Juif ». LE POGROM DE 1461 Dans le Cancel, la situation semble stable durant quelques années, jusqu’au 6 avril 1461 où, au lendemain de Pâques, la population, à laquelle s’est mêlée une partie de la bonne bourgeoisie, pénètre le quartier et pille les habitations. Les Juifs, durement battus, doivent alors se réfugier dans la «Maison de ville» pour échapper à des conséquences plus graves. Le duc Louis Ier de Savoie, qui sera rapidement informé des faits, ne va guère apprécier cette violence gratuite et fera porter une large responsabilité au Conseil de Genève qui devra s’expliquer. Après cette affaire, le duc prendra même une ordonnance interdisant toute mesure vexatoire à l’encontre des Juifs, y compris les moqueries pourtant courantes à cette époque. Malgré l’attitude protectrice du nouveau duc de Savoie, la situation dans le Cancel ne fera que s’aggraver au fil du temps. La déchéance des foires de Genève, fortement concurrencées par celles de Lyon, va en effet largement contribuer à nourrir la mauvaise humeur des commerçants qui, cherchant un responsable aux périodes de crise, trouve, en la personne du Juif, le parfait bouc émissaire. L’EXPULSION DES JUIFS DE GENÈVE En 1487, les drapiers portent plainte contre leurs concurrents, et un an plus tard, on interdit aux médecins juifs d’exercer leur art. Le 30 novembre 1490, l’installation sournoise par les autorités genevoises des « filles de joie» dans le Cancel, entraîne une vive réaction de la population, qui réclame dès lors l’expulsion des Juifs. Ces derniers, convoqués devant le Conseil le 28 décembre 1490, sont alors informés qu’ils doivent quitter la ville sous dix jours pour ne plus y revenir. Le vent d’intolérance qui souffle désormais sur Genève aura des conséquences durables. Si l’on excepte la période française de 1798 à 1813, où l’on note quelques passages temporaires à Genève, les Juifs ne pourront revenir dans la cité qu’à partir de 1816, après l’annexion du territoire de Carouge à la République et canton de Genève. Quelques années plus tôt, en 1779, ils ont en effet été accueillis avec une grande bienveillance sur le territoire carougeois, alors sous dépendance du royaume de Sardaigne, et dans lequel ils ont pu jouir d’une totale liberté. La citoyenneté genevoise, tant espérée, ne sera cependant obtenue qu’à l’issue d’un long et douloureux combat politique, en 1857. Il est à noter que durant leur séjour genevois, les Juifs du Moyen Âge ont disposé d’un cimetière (à Châtelaine) et probablement d’une synagogue où l’instruction religieuse était sûrement dispensée aux enfants, les registres de l’époque mentionnant la présence réitérée de rabbins désignés aussi comme maîtres enseignants. * Le terme de Cancel provient du latin Cancellus, qui désigne des barreaux, des balustrades, une grille… Il désigne aussi dans l’architecture ecclésiastique, sous l’appellation de Chancel, la partie close du chœur d’une église réservée au clergé et interdit d’accès aux fidèles. Par extension, il désigne donc un lieu séparatif et fermé, comme ce fut le cas pour le quartier juif de Genève de 1428 à 1490. Jean Plançon 19 J U I L LE T-SEP TEMBRE 202 1

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