CIG Magazine N°07

Eric Ackermann, Hazan, s’est aussi résolu à passer dans le monde virtuel : alors qu’il utilisait déjà les réseaux sociaux, notamment au travers de sa page Facebook, il a choisi, depuis un an et demi, de donner ses cours via Zoom. « Le web ne remplacera pas tout », analyse-t-il. « Se retrouver face à face, se parler, avec tous les sens aux aguets : le virtuel ne peut pas transmettre ces émotions-là. Mais, avec la situation que nous vivions, il constituait une solution adéquate pour poursuivre la vie communautaire. » À ses yeux, il était primordial que la communauté s’adapte à ce mode de communication afin de palier la distanciation, non pas sociale, mais physique, imposée par la crise sanitaire. Guide spirituel et responsable du secteur social à l’EMS les Marronniers, il a ainsi pu proposer une réflexion « humaniste, psychologique et philosophique », travaillant sur des thèmes différents, tels que l’amour du prochain ou l’art de la connaissance, s’adressant aussi bien aux aînés qu’aux adolescents. « Je ne souhaitais pas des conférences, mais plutôt des cours interactifs, où les gens pouvaient intervenir et poser leurs questions », précise Eric Ackermann, surpris par une demande qui n’a fait que croître avec le temps. «Des groupes mixtes, juifs et chrétiens, ont commencé à suivre mes cours. Mais, surtout, le web ouvre les frontières : j’avais des auditeurs en Italie, aux États-Unis ou en Israël. » À une époque où il est de plus en plus compliqué de fidéliser une communauté à la synagogue, où le consommateur – et non, le « consommacteur » pour reprendre son néologisme – a la fâcheuse tendance de zapper de plus en vite, les autoroutes du Net offrent un terrain d’expression majuscule aux rabbins. Une vitrine géante qui les amène à pousser toujours plus loin les murs de leur synagogue. DES PLATEFORMES POUR PARTAGER LA PENSÉE JUIVE Cela peut-il conduire à des dérives ? Autrement dit : ces interventions sur les réseaux sociaux (Instagram, Facebook, YouTube) forment-elles les prémices d’un fast-food religieux dans lequel le rabbin deviendrait une personnalité ultra médiatique ? Le phénomène n’est pas nouveau. L’Hexagone est devenu un terreau de popularité pour certains d’entre eux. On pense notamment à Yann Boissière, ex-scénariste pour le cinéma et la télévision, fondateur de l’association interconvictionnelle La Voix de la Paix, ou à Haïm Korsia – qui vient de débuter son second mandat comme Grand Rabbin de France. Ancienne journaliste de France Télévisions, désormais rédactrice en chef du magazine Tenou’a, Delphine Horvilleur, elle, enchaîne les plateaux TV et les interviews, depuis la sortie de son nouveau livre, Vivre avec nos morts, paru chez Grasset en début d’année. Cela a peut-être suscité des vocations. « Toutes ces personnalités étaient connues bien avant la pandémie », souligne cependant Sigalit Lavon, directrice éditoriale du site Akadem. « Dans le cas de Delphine Horvilleur, cette starification est propre à sa personne : elle est énormément sollicitée par les médias, elle a toujours donné des cours sur Internet, elle n’a donc pas hésité à organiser des directs depuis chez elle pendant le confinement. » Akadem, non plus, n’a pas attendu la Covid-19 pour s’imposer comme le « campus numérique juif ». Le site existe depuis 2005 et se présente comme l’un des précurseurs de ce 16 ® ISTOCK L’ENQUÊTE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 07

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