CIG Magazine N°07

Une certaine cohésion est-elle importante pour le succès d’une programmation ? ID Oui, bien sûr, il y a toujours un fil conducteur. Dans le contexte actuel, il y a cette difficulté à distinguer le vrai du faux, comme les fake news par exemple. Cela nous amène à nous poser des questions autour de ce que l’on voit et qu’on se permet de juger trop rapidement. Cette année, nous projetterons Misha and the Wolves. C’est un documentaire sur Misha Defonseca, l’auteure de Survivre avec les loups, le récit autobiographique d’une petite fille qui a échappé à la Shoah en parcourant l’Europe protégée par des loups. Récit dont on s’est aperçu des années après qu’il était complètement inventé. Ce document montre comment cette histoire est née, comment elle s’est construite et les traumatismes qui ont poussé à raconter cela avec autant de véracité. Qu’est-ce qu’englobe finalement ce terme de « culture juive » ? LS C’est davantage une question de société et de politique que de communauté, autour de la manière que l’on a de vivre toute forme de persécution, de ségrégation. Au-delà de notre appartenance à une communauté, à une religion, on a tous les mêmes interrogations… Tout est question de perception… Le but du festival n’est pas d’être totalement lisse. Si la valeur cinématographique est indispensable, la programmation est aussi là pour poser des questions et amener la discussion. Vous pensez qu’un tel festival manquait à la vie culturelle genevoise, où la communauté juive a toujours été très présente ? LS Oui, indéniablement, cela manquait. C’est vraiment un évènement qui permet de se rencontrer autrement que sous l’égide de la seule religion, de montrer la diversité de notre culture, de nos aspirations. Même si le cinéma israélien est de très grande qualité, ça n’est pas un festival du film israélien, ni du film juif. Vous parlez du cinéma israélien…On a l’impression d’un vrai renouveau de ce cinéma, notamment sous l’impulsion de l’énorme succès des séries made in Israel. LS C’est une petite production, comparée à d’autres pays bien évidemment, mais qui est de plus en plus qualitative grâce à de bons auteurs et de bons cinéastes. On y trouve vraiment de belles choses. Les Israéliens ont un goût avéré pour la comédie musicale, pour l’humour décalé. Il y a d’excellentes écoles de cinéma. Le Festival International du Film des Cultures Juives de Genève propose aussi un programme éducatif sur la Shoah. Comment cela se passe-t-il ? LS C’est un aspect du festival qui nous tient très à cœur. Durant chaque édition, nous organisons une ou deux projections en exclusivité pour un public d’écoliers et de collégiens des secteurs publics et privés, en présence, autant que possible, des comédiens ou du réalisateur. Le film a bien entendu un rapport avec la Shoah, sans être un documentaire sur ce sujet précis. Nous voulons consacrer un moment à l’Histoire, à travers un film de fiction, parce que c’est un bon moyen d’aborder la problématique, dans un but aussi pédagogique. Le cinéma a un côté magique, quelque chose d’unique. Il laisse une empreinte sur ce public qui a, de par son jeune âge, une sensibilité exacerbée. Je pense que, lors de ces séances, c’est un écolier qui entre dans le cinéma et c’est un autre qui en ressort tant ce qu’il a vu le marque. ID C’est vraiment palpable. Lorsque nous avons programmé Un sac de billes, il y a eu un échange très fort avec le scénariste qui était présent. A la fin de l’échange, le scénariste a donné un sac de billes à un écolier. Il en avait les larmes aux yeux. C’était intense et symboliquement puissant. Un beau moment de partage. Vous êtes un couple, tous deux très impliqués dans ce festival…Quels sont vos rôles ? ID De mon côté, j’ai un rôle dans la programmation, je vois tous les films aux côtés de Donna. Pendant le festival lui-même, j’assure la présentation et les interviews avec l’équipe du film après sa diffusion. LS Je m’implique davantage dans l’aspect financier, je suis celui qui vient regarder les factures (il rit). J’ai également un rôle stratégique sur ce que doit être le festival maintenant et dans le futur, et la manière dont on peut le développer. Mais si nous nous y impliquons en couple, ce festival n’est pas une histoire de couple mais une histoire de passion commune. Pouvez-vous nous parler de ceux qui, à vos côtés, font vivre le festival ? ID Donna Adiri a un rôle fondamental au cœur du festival. Elle réalise un travail remarquable et intense. C’est elle qui organise tout et surtout qui motive nos sponsors. Elle est très douée. Les bénévoles s’impliquent à fond, ils ont un rôle-clé et ne comptent pas les heures. Le tout forme une équipe formidable. Comment voyez-vous l’avenir du festival après ces deux années un peu chahutées par la crise sanitaire ? LS Je dois dire que j’ai été agréablement surpris par le succès de la version en ligne ® SHUTTERSTOCK 12 L’ENTRETIEN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 07

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