CIG Magazine N°05

® FACCUS COREST ® FACCUS COREST L’Université de Genève, rue de Candolle, en 1880 (à gauche) et Claire Ariel (ci-dessous). Au début du XX e siècle une deuxième vague de Juifs d’Europe de l’Est déferle sur Ge- nève. Il ne s’agit plus d’étudiants en quête d’instruction, mais de familles entières qui fuient les pogroms qui sévissent dans un Em- pire russe au bord du gouffre. Les femmes de l’Est se distinguent dès lors très vite dans des actions d’entre-aide. Dans la rue de Ca- rouge, Rosa Altyzer et Esther Perzoff ont ouvert une cantine pour offrir journalière- ment et à un prix modique des repas chauds aux nombreux étudiants russes, qu’ils soient juifs ou non, et où un certain Vladimir Ilitch Ulianov, plus connu sous le nom de Lénine, vient manger le fameux Bortch. Toujours dans cet élan de générosité, les femmes de l’Est fondent en 1915 l’ Œuvre de secours aux prisonniers juifs russes sous la présidence de M me Tourkeltaub. Leur ouvroir permet de récolter des habits, de l’argent, des médicaments et des produits de première nécessité. Une Ligue des femmes juives est aussi fondée en 1920 par M me Seebach et M me Rosa Grunblatt-Aberson. Cette dernière s’était déjà distingué, en 1897, à Vilnius, en Lituanie, en étant une des co-fondatrices du BUND, le fameux Parti des travailleurs socio-démocrates juifs. Enfin, la Société des dames juives de l’Est sera formée par des membres féminins issus de la communauté orthodoxe Agudath-Achim ; cette Société dont la présidente est M me Esther Nadetsky, aura la même vocation que celle des Filles d’Esther, en assurant aussi une Hevra-Kadicha féminine, mais cette fois-ci pour les membres des communautés orthodoxes. Dans les années 1920, les séfarades d’origine ottomane emboîtent le pas de leurs core- ligionnaires de l’Est. La Société des dames séfaradites, fondée en 1925 sous la houlette de M me Perla Pinhas, dispose d’un ouvroir composé d’une quarantaine de dames unies pour coudre des habits en faveur des dés- hérités restés en Turquie. Claire Ariel, une autre coreligionnaire d’origine turque qui a travaillé plusieurs années pour l’Alliance is- raélite universelle, va largement diffuser au sein de sa communauté une culture française dont elle s’est imprégnée. Elle sera aussi à l’origine de nombreuses rencontres, sorties dominicales, parties de bridge, soirées de bienfaisance, représentations théâtrales, soirées de lecture et de poésie en langue judéo-espagnole, dont les effets seront bé- néfiques sur le plan de la solidarité pour une communauté qui découvre une société gene- voise, certes accueillante, mais aux antipodes d’une culture ottomane joyeuse et colorée. En 1963, les femmes prennent encore l’ini- tiative de créer une nouvelle structure as- sociative indépendante, mais surtout mul- ticulturelle dans sa composition, chargée d’apporter un soutien aux familles, notam- ment lors d’un décès. La Société Ezrah est ainsi créée à l’initiative de Mesdames Denise Kramer, Irma Mazliah et Lydia Klopmann. Les hommes, quelque peu piqués au vif par cette initiative, ne tarderont guère à créer une section masculine qui rejoindra les rangs de cette Société l’année suivante. Comme nous avons pu le constater, les femmes ne sont pas restées inactives, tant sur la plan communautaire, associatif que professionnel. Nous aurions encore de nom- breux exemples à cet égard, comme Jeanne Hersch, considérée comme une des plus grandes philosophes du siècle passé ; Ruth Fayon, rescapée des camps de la mort, qui n’aura eu de cesse de donner des confé- rences sur cette période douloureuse de notre histoire et témoigné de l’effacement systématique d’une culture, notamment auprès des jeunes dans les écoles et collèges du canton de Genève ; Martine Brunschwig- Graf et Ruth Dreyfuss, respectivement présidentes de la République de Genève et de la Confédération Helvétique et qui ont eu l’honneur d’être non seulement les deux premières femmes, mais aussi les premières personnalités d’origine juive à accéder aux plus hautes fonctions de notre pays. Louis Aragon avait dit « Les femmes sont l’ave- nir de l’homme », une citation que, de toute évidence, l’on ne saurait démentir. Jean Plançon 19 OC TOBRE 2020 - FÉ VR I ER 202 1

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