CIG Magazine N°05

Une économie de moyens (le budget medium d’un épisode est de 200000 dollars alors qu’aux USA il se compte en millions) qui, loin d’être un frein, a permis d’inventer une nouvelle manière de raconter les histoires : quand les Américains multiplient les plumes et les années pour « créer un concept », les scénaristes israéliens se basent souvent sur leur vécu : pour BeTiful , Hagai Levi, qui a passé de nombreuses années en thérapie, n’a pas eu, de son propre aveu, à chercher l’inspiration très loin. Lior Raz, co-scéna- riste et interprète principal de Fauda , qui suit une unité d’élite de l’armée israélienne, avoue s’être inspiré de son passé de militaire pour créer la série à succès. Le journaliste français Olivier Joyard, auteur du récent documentaire Israël, Terre de séries diffusé sur Canal Plus explique : « Paradoxalement, le modèle israélien est plus proche de celui du cinéma d’auteur. Celui qui a l’ idée porte le projet, éventuellement avec un co-scénariste. » Hagai Levi, à l’origine d’autres shows à suc- cès comme Our Boys ou encore The Affair aux USA, devenu l’un des show runners, pour employer un terme cher aux Américains, les plus importants du pays, confirme, dans un article du Point , l’importance du récit : « Les bonnes histoires peuvent être comprises dans tous les pays, quel que soit le contexte. La matière d’une série, c’est la vie. La leçon que donne Israël à ce sujet, ce qui ne manque pas d’ ironie, c’est que, face à l’universel, les diffé- rences s’effacent. » DE PEUPLE DU LIVRE À PEUPLE DES SÉRIES Et côté spectateurs, la sauce prend sans dis- tinction d’origine ni de culture. Et chacun y trouve son compte : le Vaudois Paul, 47 ans, a dévoré la première saison de Fauda d’une traite : « J’ai beaucoup aimé l’originalité de l’histoire, j’ ignorais que des membres de l’ar- mée s’ infiltraient ainsi dans le camp adverse. Les personnages sont intéressants, profonds, attachants. » Kobi, Israélien de 39 ans, ap- précie le côté réaliste de cette série : « Ce sont des sujets qui me parlent, dont je me sens proche car j’étais dans l’armée. Cela représente bien la réalité du terrain. » Docteur en études arabes à l’UNIGE, Ni- colas Appelt n’est qu’à moitié étonné de voir celui que l’on a l’habitude de surnommer le peuple du Livre devenir aussi celui des séries : «Certes, Israël n’est pas une terre de culture télévisuelle, la télé n’y a fait son apparition que très tardivement, la première chaîne privée ne date que de 1993 et le public intéressé n’y est pas très nombreux. Mais la débrouillardise dont les scénaristes ont dû faire preuve par manque de moyens a décuplé leurs capacités d’ inno- vation. Et l’absence de pression de l’audimat a augmenté une certaine forme de liberté. Ils ont pu développer un certain regard critique, un esprit poil à gratter. Ils vont là où aucun autre pays ne s’aventurerait. Et puis, les ressources étaient là : il y a de très bons départements cinémas dans les universités israéliennes. » De bonnes histoires, des conteurs inspirés, une singulière audace… Israël nous réserve encore des surprises en série ! Jennifer Segui LES PLUS CÉLÈBRES ADAPTATIONS BeTiful Chaque épisode correspond à une séance de thérapie menée par un psy. La série a été adaptée dans une vingtaine de pays dont les USA sous le titre In Treatment . En France, En Thérapie sera lancée sur Arte en mai. Hatufim L’histoire de trois soldats de retour de cap- tivité du Liban soupçonnés d’espionnage. Cette série a donné naissance à Homeland . Euphoria La vie d’une ado entre drogues et excès en tout genre bien loin des teen movies habituels. Son adaptation américaine est un succès. Kvodo Un juge très respecté voit sa carrière me- nacée par un accident provoqué par son fils. Aux Etats-Unis, la série s’appelle Your Honor . Fauda et Aviv et Yael, de When Heroes Fly. 17 OC TOBRE 2020 - FÉ VR I ER 202 1

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