CIG Magazine N°05

® SHUTTERSTOCK L'ENQUÊTE LA NOUVELLE TERRE PROMISE DES SÉRIES TV, C’EST ISRAËL ! BeTiful et Hatufim ont ouvert la voie. Fau- da ou Shtisel leur ont emboité le pas. Les séries télévisées produites en Israël sont désormais omniprésentes sur les écrans et séduisent autant le public que la critique. Enquête sur un surprenant, mais incontes- table, succès planétaire. Elle était très attendue. Elle n’a apparem- ment pas déçu. Diffusés à la fin du mois d’octobre dernier sur la chaîne israélienne Kan 11, les deux premiers épisodes de la série Sha’at Neilah ont réussi le pari de scotcher les téléspectateurs devant leur téléviseur. «Ça m’a filé la chair de poule » pouvait-on, entre autres, lire sur les réseaux sociaux après la retransmission. Pour cette fiction en hébreu autour de la guerre du Kippour de 1973, les producteurs n’ont pas lésiné sur les moyens : Sha’at Neilah est à ce jour la série israélienne la plus chère de l’histoire, avec un coût de deux millions de shekels par épisode, soit un montant dix fois supérieur au budget moyen. Mais, même dans ces conditions exceptionnelles, aucun souci à se faire pour la rentabilité future du programme : avant même sa diffusion, les droits de la série avaient été rachetés par le mastodonte HBO, lui ouvrant derechef la porte à un succès international. DES PROGRAMMES BIEN ÉCRITS, BIEN RÉALISÉS, BIEN INTERPRÉTÉS Succès : ce mot est désormais indissociable de cette nouvelle saga des séries à la mode moyen-orientale. Il suffit de taper les termes « séries israéliennes » sur un moteur de re- cherche pour s’en persuader : les occur- rences ne se comptent plus. Et les fictions télévisées made in Tel Aviv sont désormais omniprésentes sur les grilles de programme étrangères. Arte, qui propose toujours Ha- tufim sur son programme de replay, vient tout juste de commencer la diffusion de No Man’s Land , une co-production franco-belge et israélienne. Sur Netflix, la célébrissime Fauda cohabite avec When Heroes Fly , Les Shtisel et Hostages . Sur Canal Plus, la très controversée Our Boys côtoie Nehama , Aylum City , False Flag et Miguel . La chaîne payante française est même partie prenante dans la série Possessions , qu’elle a co-produit avec Israël et la Grande-Bretagne et dont la dif- fusion a débuté à la fin de l’année dernière. Côté spectateurs, on est conquis. Pour Na- dia, 64 ans, fan de séries, les productions israéliennes sont désormais incontournables : « J’adore tout ce qui parle d’Israël, de son his- toire, du judaïsme. Ça me touche parce que je me sens concernée, je m’y retrouve. Cela me replonge dans la langue, dans les paysages de Tel Aviv où j’ai une maison et où je passe beaucoup de temps normalement. » Si elle a bien sûr regardé Fauda et Hatufim , Diana avoue être quelque peu lassée des histoires de guerre : « J’ai par exemple beaucoup aimé Les Shtisel , qui parle d’une famille ultraor- thodoxe. C’est délicieux, plein d’autodérision, d’humour juif. Ces successions de petites scènes, ces passages en yiddish… Le personnage de la grand-mère me rappelle bien des femmes que j’ai connues. » Créatives, haletantes, bien écrites et bien interprétées… Les caractéristiques de ces nouveaux contenus sont protéiformes, mais convergent vers un seul et même constat de réussite : numéro trois mondial dans la vente de formats non scénarisés, Israël se place désormais dans le peloton de tête des pays producteurs de séries et est, depuis 2015, le troisième fournisseur de séries du marché américain. Chaque année, ce ne sont désormais pas moins de deux-cent cinquante heures de contenus originaux qui sortent des boîtes de production de Tel Aviv. Selon Bertrand Villegas, fondateur de The Wit, cabinet genevois spécialiste de la veille sur la création internationale de contenus TV et digitaux : « Israël est devenu une véritable marque dans le divertissement, tout le monde dans le milieu attend le nouveau « Israël », comme on dit. Ce petit pays, au regard de sa population, qui n’accordait jusqu’ ici pas de gros moyens à sa production TV, est en train de réussir là où des géants comme la Chine ont toujours échoué. Son impact mondial au niveau culturel est immense. » BETIFUL, PIONNIÈRE D’UN NOUVEAU GENRE Si le phénomène prend une ampleur inat- tendue ces derniers mois grâce au nombre de nouveaux programmes à succès et à leur retentissement, notamment médiatique, son origine remonte à une quinzaine d’années, comme l’explique le journaliste de Télérama Pierre Langlais : « Le premier vrai succès, c’est BeTiful en 2005, qui a ensuite connu de mul- tiples adaptations dans le monde, notamment aux USA sous le titre In Treatment . Dix ans plus tard, Hatufim , qui a été adaptée par les Etats-Unis sous le titre Homeland , a confirmé la tendance. » Deux séries aux antipodes, qui sont de parfaits exemples de la maîtrise de nouveaux genres, comme le souligne encore ce spécialiste des séries : « BeTiful filmait le tête-à-tête d’un psy avec ces patients dans l’ intimité de son cabinet. Hatufim narrait l’histoire du retour de deux soldats israéliens retenus prisonniers au Liban pendant des années. 15 OC TOBRE 2020 - FÉ VR I ER 202 1

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