CIG Magazine N°04

LA CHRONIQUE DU RABBIN QUELQUES ASPECTS HALAKHIQUES DE L’ADOPTION (IMOUTS) La Halakha, le code de la Loi juive, ne peut éviter la réflexion sur les nouvelles formes de parentalité, comme l’adoption. Nom- breuses et délicates sont les questions et problématiques suscitées par le statut de l’enfant adopté au regard de la Halakha et autant douloureuses peuvent parfois sembler les réponses apportées à travers les siècles par les Poskim (décisionnaires contemporains et plus anciens). Effectivement, quel est le statut halakhique de l’enfant adopté ? Si le père adoptif est Cohen ou Lévi, devient-il automatiquement Cohen ou Lévi ? Si les parents biologiques sont non-juifs, une conversion est-elle né- cessaire ? L’enfant est-il concerné par le respect de ses parents aussi bien biologiques qu’adoptifs et doit-il respecter les règles de deuil ? Si le père adoptif est Cohen ou Lévi, peut-il monter sous le nom de Cohen ou Lévi ? Ou encore, un enfant adopté peut-il être appelé à la Torah en portant le nom de son père adoptif ? Doit-on dévoiler la vérité à l’enfant adopté ? La liste des questions ci-dessus n’est pas exhaustive, mais restrictive ! Je n’ai pas la prétention ici de traiter de la question de l’adoption au regard de la Halakha d’un point de vue général, car cela mériterait une étude recensant toutes les problématiques soule- vées par le statut de l’enfant adopté, ainsi que les réponses apportées. Face à l’adoption, nous nous trouvons devant un vide biblique. Effectivement, l’adoption n’est pas traitée directement dans le texte. Pourtant, la question est abordée à travers quelques personnages bibliques, ce qui donne interprétation à un certain nombre de prin- cipes dans le Talmud . Ainsi, le Traité Meguila (13a), rapporte le texte biblique, où Moshé Rabbénou est recueilli par la fille de Pharaon, et interprète : «Celui qui fait grandir un orphelin, ou une orpheline, à l’ intérieur de sa maison, il lui est considéré comme s’il l’avait enfanté. » Ce même principe est encore à nouveau dans le Traité de Sanhé- drin (19b) à propos de Mikhal, la fille du Roi Shaoul (Samuel II, 21,8) et de ses cinq fils, qui sont en fait les enfants de sa sœur. Le même traité fait référence à Ruth (IV,17) : « Les voisines désignèrent l’enfant en disant, un fils est né à Naomi. » En fait, nous savons que c’est Ruth qui a accouché (et non Naomi), et le Talmud souligne que c’est Ruth qui a enfanté, mais que Naomi a élevé l’enfant. Recueillir des enfants orphelins et/ou mal- heureux à qui l’on offre une famille, les sau- ver de la misère et de la mort constitue une grande mitzva. Certes, ‘Hazal rapporte dans le Traité Ketoubot (50,1) : celui qui a le mérite de faire grandir un orphelin ou une orphe- line (ou tout autre enfant malheureux : voir Maharsha) dans sa maison, et de les marier, il est dit à son sujet ( Psaumes 106,3) : Ossé tsédaka bé’khol ét (que l'on traduit par : pra- tique la charité à tout instant). L’existence de modes de filiation non biolo- giques est affirmée : élever un orphelin, le nourrir, lui enseigner la Torah ( Sanhédrin , 19b), c’est « comme si » on l’avait enfanté. La filiation ne peut être fondée sur la seule hérédité. NOM DU PÈRE ADOPTIF La formulation « comme si on l’avait enfanté » citée par le Talmud doit-elle être prise au mot à mot (l’adopté est considéré comme le fils biologique à part entière) ou bien la formulation n’a-t-elle qu’une valeur méta- phorique pour mettre en exergue l’impor- tance de cette mitzva (l’adopté est un fils pour certains aspects seulement) ? Le Rama (Rabbi Moshé Isserles, dans ‘Ho- shen Mishpat, ch. 42, alinéa 15) rapporte, en ces termes : «Celui qui fait grandir un orphelin à l’ intérieur de sa maison, et le désigne dans le testament comme son fils, ou l’orphelin qui écrit concernant le père adoptif ‹mon père›, le testament est un bon testament et non-falsifié. » Rabbi Yaccov ‘Amdin ( Chéélat Ya’avetz, tome 1, ch. 165) va dans le même sens que le Rama, à savoir que l’enfant adopté est considéré comme un fils biologique. Ces deux décisionnaires se sont basés sur plusieurs écrits du Talmud ( Bérakhot 62a, Irouvin 29a, Psa’him 110a, et Chabbat 66a, 133a et 134a), où il est rapporté que l’une des figures talmudiques du nom d’Abbayé appelait sa mère adoptive «ma mère », la trai- tait avec respect et rapportait des paroles de sagesse et de Torah en son nom. 8 LA CHRONIQUE DU RABBIN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 04

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