CIG Magazine N°04

® DAVID HOLIFIELD – UNSPLASH pour assurer l’accueil des réfugiés qui fuient les persécutions nazies. Le Groupe Fraternel Séfaradi assumera ainsi sa part contributive humanitaire, grâce no- tamment à l’action déployée par les membres de la Société des dames séfaradites, institution d’entraide sociale efficacement dirigée par Claire Ariel. Au sortir de la guerre, Victor Fissé est cons- cient des bouleversements qui vont s’opérer dans les années à venir sur le plan interna- tional. Il entrevoit la fin des Empires colo- niaux et l’instabilité politique qui entraînera à nouveau les Juifs sur les routes de l’exil. En quelques années, les « nouveaux séfa- rades », comme on les appelle à Genève, originaires du Soudan, de Syrie, du Liban, d’Irak et puis d’Egypte, viennent gonfler les rangs d’une communauté qui connaît alors une profonde mutation. Cet afflux n’est d’ailleurs pas sans susciter quelques inquié- tudes : les Ottomans, jusque-là majoritaires dans la cité de Calvin, craignent de perdre leur identité judéo-espagnole et par là-même leur influence au sein de leur institution. De son côté, la CIG, soucieuse de préserver son hégémonie sur la scène genevoise, ne voit pas d’un très bon œil cet accroissement notable du Groupe Fraternel Séfaradi . L’idée d’une fusion entre communautés ashkénaze et séfarade commence alors à prendre corps, surtout chez les dirigeants de la CIG, qui y voient un avantage : maintenir leur leadership. Une partie des nouveaux arrivants n’est du reste pas opposée à cette idée de fusion, espérant ainsi – grâce à cette allégeance – obtenir certaines compensa- tions (notamment la possibilité de construire un grand centre culturel séfarade : Hekhal Haness). Victor Fissé sait désormais que la tendance est irréversible, d’autant que de nouveaux coreligionnaires originaires d’Afrique du Nord arrivent au début des années 1960. Il prépare donc le Groupe Fraternel Séfaradi à vivre ses dernières années, en tentant de préserver au mieux les intérêts de ses co- religionnaires ottomans. Le 3 décembre 1964, dans un climat plutôt tendu, la fusion est tout de même adoptée. Toutes les communautés juives de la cité de Calvin – y compris les deux institutions orthodoxes existantes à cette époque – in- tègrent la CIG qui est désormais la seule représentante du judaïsme genevois. Victor Fissé, quant à lui, accepte avec amer- tume cette décision et lorsqu’il quitte ce monde le 1 er juillet 1977, c’est toute une partie de cette culture joyeuse et colorée qui s’en va aussi. Pour l’anecdote, c’est sous sa présidence que fut fondé le «Club de la jeunesse séfarade » dont les membres étaient des adolescents âgés de 17 à 20 ans. Par le truchement des activités sportives, ces jeunes gens allaient contribuer au rapprochement des diverses communautés israélites pré- sentes à Genève, en signant notamment les prémices des premiers mariages mixtes entre séfarades et ashkénazes. Un rapprochement qui, paradoxalement, mettra fin au destin d’une institution aux traits si particuliers : le Groupe Fraternel Séfaradi. Jean Plançon 21 J U IN-SEP TEMBRE 2020

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