CIG Magazine N°04

L’HISTOIRE VICTOR FISSÉ ET LE GROUPE FRATERNEL SÉFARADI ® ROBERT ZUNIKOFF – UNSPLASH Victor Fissé (1890-1977) fut sans aucun doute un des représentants les plus em- blématiques de la première communauté séfarade genevoise, le Groupe Fraternel Séfaradi, dont les membres étaient origi- naires de l’Empire ottoman. Né à Constantinople en 1890, il suit très jeune les cours de l’école hébraïque diri- gée par son père Joseph, un établissement qui, dans la capitale ottomane, favorise le mouvement des jeunes Turcs désireux de transformer le pays en une société mo- derne à l’occidentale. Mais, à l’approche de l’année 1900, Joseph Fissé est suspecté par le régime d’être un « progressiste opposé au pouvoir ». Il ne se sent plus en sécurité et décide d’émigrer en Egypte. Peu de temps après, laissant provisoirement son épouse et ses deux enfants au Caire, Joseph Fissé s’installe en Suisse, dans la petite commune tessinoise de Russo, dans le Val Onsernone. Là-bas, en vendant tapis, broderies et divers autres objets, il espère rapidement tirer profit du fort potentiel touristique de la région et gagner ainsi suf- fisamment d’argent pour faire venir le reste de sa famille, ce qui est chose faite en 1903. Durant quelques années, les Fissé profitent de la situation économique favorable de la région qui attire essentiellement les membres de la noblesse autrichienne. C’est au cours de cette période qu’ils obtiennent la natio- nalité suisse. Mais avec la Première Guerre mondiale, la situation se détériore et les Fissé préfèrent déménager vers Genève. En 1915, Victor Fissé est un jeune homme de 25 ans qui a belle allure, mais qui est sans véritable formation. Mû cependant par un profond désir d’apprendre et de savoir, il fait donc son apprentissage en autodidacte, fréquentant avec assiduité des gens instruits et cultivés de la cité de Calvin. Parallèle- ment, il intègre le cercle des membres de la petite communauté séfarade genevoise dont les structures associatives sont à peine naissantes. Il s’implique activement dans le développement de celles-ci, ce qui le conduit à être à l’origine de la fusion qui sera opé- rée entre le Groupe Fraternel Séfaradi et le Bikour-Holim (un petit organisme séfarade indépendant dont la vocation était axée sur l’entraide sociale). En 1920, le nouveau Groupe Fraternel Séfaradi devient une insti- tution déclarée comme « association d’utilité publique à but non lucratif, organisme de charité et d’action sociale. » Fort de ce succès, Victor Fissé fonde l'an- née suivante un Talmud Torah qui compte une dizaine d’élèves dès la première année. A l’approche des années 1930, alors que l’ins- titution recense déjà 90 familles membres, dispose d’un siège social, d’une école et d’une synagogue à la rue des Etuves, dans le quartier de Saint-Gervais, Victor Fissé s’éloigne quelque temps de sa communauté, s’impliquant dans les événements politiques qui secouent alors l’Espagne. Il devient ainsi fournisseur d’armes pour la jeune République espagnole et joue un rôle important dans le retour des Juifs séfarades dans la patrie an- cestrale entre 1933 et 1935. Après un bref retour à Genève, entre 1934 et 1936, période au cours de laquelle il est en charge des activités du Fonds National Juif et député socialiste au Grand Conseil de Genève (le 1 er séfarade à ce poste), les activités professionnelles de Victor Fissé l’éloignent encore une fois de sa commu- nauté. Ce n’est qu’à partir de l’année 1943 qu’il s’investit à nouveau au sein du Groupe Fraternel Séfaradi, au cours d’une période particulièrement difficile qui va mobiliser l’ensemble des institutions juives de Genève 20 L’HISTOIRE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 04

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE4MDE=