CIG_JOURNAL_N°3_FLIPBOOK

L’ENTRETIEN AU REVOIR, MISTER PRESIDENT On entend dans sa voix le sentiment du devoir accompli, que quelques regrets viennent teinter au cours de notre entretien. Après quatre ans de présidence dévouée de la Communauté Israélite de Genève, Maître Philippe A. Grumbach se retire au bénéfice d’un nouvel élu, qui sortira des urnes lors de l’Assemblée générale de la CIG au mois de mai. « Il est toujours mieux de se retirer avant qu’on nous pousse dehors ! », s’amuse-t-il. Son engagement ne date pas d’hier. Connu à Genève pour avoir notamment plaidé contre des négationnistes et des auteurs d’actes antisémites – il sort d’ailleurs d’une audience contre Dieudonné au moment où nous réalisons cette entrevue téléphonique, il a présidé la CICAD (Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation) pendant huit années avant de prendre les commandes du navire CIG. Élu en décembre 2015 avec des belles personnalités dont il ne cesse de souligner la qualité à ses côtés, il prend ses fonctions le 1er janvier 2016. Retour sur deux mandats fructueux et quatre années d’équilibre périlleux entre boulot, asso et perso. Au terme de votre second mandat à la présidence de la CIG, vous n’aviez pas envie de vous représenter ? Les statuts de l’association m’y auraient autorisé. Mais je suis associé dans un grand cabinet d’avocats. Il est très difficile de mener de front une activité professionnelle soutenue et cette activité bénévole. La présidence de la CIG est un sacrifice : il s’agit d’une structure de l’ampleur d’une petite PME, avec un budget d’environ dix millions par an, et 80 personnes. Pour s’y consacrer pleinement, il faut être à la retraite, ou rentier ! Quel rôle teniez-vous : président ou directeur ? J’ai parlé d’une « entreprise » mais je mets des guillemets. La CIG véhicule et transmet des valeurs juives, des valeurs de solidarité. Le moment le plus marquant que j’ai connu pendant ces quatre années était un déjeuner organisé par le Service social. J’y ai entendu à la fois l’expression des souffrances du quotidien de certains, et le bonheur apporté aux bénéficiaires. J’en garde un souvenir très ému. Quel est le quotidien d’un président ? Il est fait de nombreuses représentations, en interne ou à l’extérieur de la CIG. J’ai prononcé un nombre incalculable de discours en quatre ans. D’ailleurs, je pense qu’un nouveau style sera le bienvenu ! Le comité se réunit tous les mois pour prendre des décisions stratégiques. Un bureau, tous les 15 jours environ, rencontre le Secrétaire Général pour traiter les questions opérationnelles. Enfin, il faut être en permanence à l’écoute du Grand Rabbin, du Secrétaire Général, des membres, et prendre position au sein de la CIG ou à l’extérieur. D’où vient votre fibre communautaire ? Quand j’ai eu 13 ans et que je m’apprêtais à effectuer ma Bar-mitsva, mon père, de mémoire bénie, m’a raconté comment sa mère avait été arrêtée par la Police de Vichy puis déportée et assassinée à Auschwitz. Cela m’a beaucoup choqué. C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à la lutte contre l’antisémitisme. En parallèle de mes études de droits à l’Université de Genève, je me suis engagé dans différentes organisations juives et non juives. J’ai ensuite présidé la CICAD pendant huit ans, et j’ai été membre du comité suisse de la Licra (Ligue Internationale contre le racisme et l’antisémitisme). Obtenir mon brevet d’avocat m’a permis de défendre une cause qui m’est chère. La CIG ressemble-t-elle aujourd’hui à ce que vous aviez imaginé en 2016 ? Tout n’est pas encore parfait, mais nous avons augmenté le nombre de membres, notamment auprès des jeunes, en proposant davantage d’activités bien ciblées. Nous avons également insisté pour que le comité soit consacré aux décisions stratégiques, et nous avons délégué l’opérationnel au Secrétaire Général de la communauté. A ce propos, je salue le travail exceptionnel accompli par Elias Frija, Secrétaire Général. Fin 2015, le navire de la CIG tanguait. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, et c’est une très grande satisfaction. Face à la montée de l’antisémitisme, il est essentiel d’avoir une communauté juive forte et unie, qui assure la transmission des valeurs juives et sache s’occuper de ses coreligionnaires de la naissance à la mort. Quel a été votre plus grand challenge au cours de ces quatre années de présidence ? Ils ont été nombreux ! Parmi eux, donner une nouvelle image de la CIG avec un nouveau logo et un site web constamment actualisé, en français et en anglais, a représenté un grand défi. Engager un Secrétaire Général, en la personne d’Elias Frija, était également un challenge de taille. Nous avons aussi, au cours de ces quatre années, tenu à redynamiser la jeunesse de la CIG, et ce grâce à l’arrivée et au travail très efficace de Guillaume Cohen. Enfin, la sécurité a représenté une véritable obsession, tout au long de mes mandats. Une préoccupation malheureusement de plus en plus actuelle, et de plus en plus onéreuse. Quelles crises la CIG a-t-elle essuyé sous votre présidence ? Je remercie le Tout-puissant d’avoir connu assez peu de crises. Ma plus grande inquiétude a concerné, et concerne encore, la sécurité des juifs de Genève : les actes malveillants sont aujourd’hui constants. On ne compte plus les incidents devant les bâtiments communautaires et les profanations du mémorial de la Shoah devant Beth Yaacov. Aujourd’hui, la sécurité des juifs de Genève est gérée de manière intercommunautaire et fraternelle, en partenariat avec le GIL et le Habad. Comment s’organisent les relations avec les autres communautés juives de la Cité ? Nous partageons des préoccupations communes avec le GIL et le Habad. Les relations avec les autres communautés se sont améliorées. Un de mes regrets concerne la FSCI : en 2020, pour la première fois Genève ne présentera aucun candidat au comité directeur de la FSCI. Ce désintérêt est regrettable et préoccupant. 8 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 03 L’ENTRETIEN

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