® PIERRE ALBOUY Dans un premier temps, Eric Ackermann fait découvrir le sens de lecture de l’hébreu aux élèves de l’Établissement scolaire catholique de Cluses, en France. VOYAGE, RENCONTRE & DIALOGUE En cette fin d’année 2019, la synagogue reçoit l’Établissement scolaire catholique de Cluses, en France, en accueillant trois classes et soixante-huit élèves ainsi que cinq accompagnants. C’est l’animateur pastoral de l’établissement, Jean-Marie de Williencourt, qui a été missionné pour créer un parcours permettant de découvrir les religions monothéistes à destination des classes de cinquième (12-13ans). Cet apprentissage comprend la visite d’une église, d’une mosquée et d’une synagogue. Ces élèves font donc un voyage œcuménique dans la Genève laïque. Il a débuté par la découverte de la grande mosquée et s'est poursuivi par la visite de l’exposition «Dieu(x), modes d’emploi » à Palexpo. La rencontre avec les jeunes de Likrat à Beth Yaacov clôture cette journée. «Grâce à ces différentes excursions et à Likrat en particulier, les jeunes peuvent parler à des témoins vivants. C’est autant de la culture religieuse que de la culture générale », précise l’animateur, en tentant de contenir l’agitation générale que suscite l’entrée dans ce lieu inconnu à l’architecture et à la décoration inattendues. En avançant dans l’allée centrale de la synagogue, le brouhaha s’estompe, mais déjà, les questions fusent : « Pourquoi il y a des noms sur les bancs ? ». « La Torah, c’est écrit sur un papyrus ? » Pour répondre à ces interrogations, Eric Ackermann, second Ministre officiant, accueille les élèves. «Rassurez-vous, je ne vais pas vous faire un cours de judaïsme en une demi-heure », s’amuse-t-il. Soupir de soulagement dans les rangs devant l’absence d’enseignement magistral. Pour le ministre officiant de Beth Yaacov, ces rencontres sont l’occasion de réanimer le lieu de prière, qu’il considère avant tout comme un lieu de vie. Président de la Plateforme Interreligieuse de Genève, il souligne que les quelque trois cents lieux de culte genevois ont besoin de ce nouveau souffle, qu’il s’agisse d’un temple, d’une mosquée ou d’une synagogue. Sans prosélytisme aucun, il s’adresse aux jeunes en évoquant l’ensemble des pratiques monothéistes : « Toutes les religions sont là pour donner du sens. Prenons conscience que des choses nous dépassent. J’appelle Celui qui me dépasse D.ieu, mais d’autres emploient des termes différents. » Un silence, religieux, est de mise. RÉGIME ALIMENTAIRE & ACTES ANTISÉMITES C’est ensuite aux jeunes formés dans le cadre de Likrat de prendre la main, pour expliquer leur judaïsme, leur foi et leurs pratiques à leurs camarades. Sensibilisés aux bonnes pratiques du management, les six intervenants, qui suivent parfois également les cours de l’Ecole des Cadres à la CIG, forment deux groupes et multiplient les sujets ludiques : peut-on porter le logo du FC Barcelone sur sa kippa ? Un juif peut-il manger un cheeseburger ? Que peut-on faire pendant chabbat ? Peut-on manger de la raie ? A force de quiz et avec enthousiasme, les jeunes font découvrir leur culture et leur religion. Dans le second groupe, on s’adonne à un essayage de kippa et on s’attaque à la lecture de l’hébreu, avec admiration devant la démonstration de Noam. Au fil de la rencontre, les très jeunes adolescents n’hésitent pas à aborder des sujets de plus en plus sérieux, comme l’antisémitisme. «Madame, on fait comment quand on voit un acte antisémite ? » «On le frappe », plaisante un des enfants. Clara, avec beaucoup de diplomatie, tempère les ardeurs des uns et des autres. La meilleure marche à suivre ? Ne pas envenimer la situation, déclarer l’acte à la CICAD, prévenir la police. « J’étais auparavant animatrice à EDC. Quand j’ai arrêté pour diverses raisons, je n’ai pas voulu m’éloigner complètement de la communauté. Or, l’échange interreligieux est génial, très enrichissant. » En s’appuyant sur son vécu, elle sensibilise les jeunes aux problèmes de société auxquels sont confrontés les juifs au XXIe siècle. Depuis l’été 2019 et sa formation, elle a déjà participé à trois rencontres Likrat, toutes plus stimulantes les unes que les autres. « J’observe beaucoup de confusion entre les juifs et les musulmans », observe la jeune femme. 18 LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 03 LE REPORTAGE
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