® DR ® PIERRE ALBOUY toute proche, qui sont plutôt surpris par le déroulement peu ordinaire d’un culte auquel ils ne sont guère habitués. Cette rixe, qui s’est transformée en spectacle de rue, ne joue pas en faveur des juifs de Carouge. Cela pourrait même compromettre les excellentes relations entretenues jusque-là avec les autorités turinoises. Pour éviter cela, ils adressent donc au monarque, par l’intermédiaire du Gouverneur Général à Chambéry, la requête suivante : « Supplient très humblement les juifs domiciliés en cette ville et disent : qu’en suite de la tolérance qu’il a plu à sa Majesté leur accorder, de s’établir en cette ville, et de la permission de l’exercice de leur religion, ils ont établi une synagogue dans la maison du seigneur comte de Veyrier, pour y faire leurs prières, mais s’étant trouvé des juifs assez impies pour ignorer le culte qu’ ils doivent rendre au seigneur, et avoir troublé leur exercice, jusqu’au point d’en être venus aux mains, ce qui a causé un scandale des plus grands, et pour prévenir de pareils abus, les suppliants désirants (ndlr : orthographe d’origine respectée) remplir leur devoir de religion comme ils en ont été instruits de leurs pères, ont l’honneur de recourir à votre autorité, Monsieur, à ce qu’ il vous plaise, pour prévenir de pareils scandales, approuver le règlement suivant, à savoir : Que tous les deux mois il leur sera facultatif à ceux d’entre eux qui seront établis avec leur famille ; de tirer au sort pour être chefs dans leur synagogue, afin d’y maintenir le bon ordre durant leur exercice. Sauf le nommé Parafe Paulne, qui ne pourra tirer au sort, pour des raisons légitimes à eux connues. Que lors de leurs prières, ils seront modestes et ne s’y entretiendront d’aucunes affaires étrangères, et n’y causeront aucun scandale, ni posture indécente, ni moquerie, mais qu’ ils y seront retenus sans rien faire qui puisse troubler leur exercice. Si non, à peine d’être condamnés aux dépens et à une amende de trois livres pour chacun des contrevenants, dont la moitié sera appliquée aux frais de la synagogue, et l’autre moitié à l’hôpital de cette ville, et sur ce plaise pourvoir. » En demandant à l’autorité royale d’intervenir pour approuver un règlement, les juifs de Carouge jettent en réalité les bases statutaires du fonctionnement de leur communauté. Cet acte fondamental donne officiellement naissance à une institution, celle de la Communauté israélite de Carouge qui, bien plus tard allait se faire connaître sous un nouveau vocable, celui de Communauté israélite de Genève. Comme quoi une petite dispute peut quelquefois avoir des répercussions inattendues ! Jean Plançon LA COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE DE GENÈVE EN QUELQUES DATES Pour rappel, l’institution va changer de nom tout au long de son existence en fonction de l’évolution de sa juridiction, mais aussi du régime politique en place. ∙ 1789 : Naissance officielle de la Communauté israélite de Carouge. ∙ 1831 : L’institution adopte le nom de Communauté israélite de Genève et de Carouge. ∙ 1835 : Adoption du titre de Communauté israélite du Canton de Genève (elle ne sera cependant pas reconnue par le Conseil d’Etat de Genève avant 1852). ∙ 1917 : L’institution (qui est une Fondation depuis sa reconnaissance en 1852) devient une Association (nouveau Code civil) et adopte le titre de Communauté israélite de Genève. Cette appellation était déjà utilisée depuis 1843, mais sous la forme d’un simple pseudonyme destiné aux besoins des affaires courantes. Armoiries du Comte de Veyrier. 15 MARS -MA I 2020
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