CIG Magazine N°02

® SHUTTERSTOCK PLUS QUE JAMAIS IL IMPORTE DE RAPPELER AUJOURD’HUI L’ABSOLU DES PRINCIPES MORAUX, ET AVANT TOUT, CELUI DU RESPECT DE LA VIE HUMAINE. Dans cette perspective, il sera formellement interdit de cesser de fournir au malade sa nourriture, même si celle-ci doit être ad- ministrée par sonde ou intraveineuse, ainsi que tout autre besoin naturel et vital, tel que l’oxygène et les médicaments de base, comme les antibiotiques. Malgré le carac- tère passif d’une telle euthanasie, son auteur serait néanmoins assimilé à un meurtrier, et comparable à celui qui fait mourir de faim sa victime. Inutile de préciser que même la volonté du patient ne modifie pas cette loi. Si le malade demande au médecin ou à toute autre personne de réaliser des actes qui rapprocheront sa mort, la chose est catégo- riquement interdite, car le malade n’est pas agréé à formuler de telles demandes, comme il est dit dans le livre du prophète Ezéchiel (18,4) : « Les vies sont à Moi », ce qui signifie que la vie d’un homme appartient à D.ieu. L’un des grands décisionnaires, Rabbi Moshé Isserles, nuance : « Si une cause extérieure l’empêche de rendre l’âme : par exemple un bruit de coupage de bois, provenant jusqu’à lui et maintenant son attention en éveil, il est permis d’écarter cet obstacle qui le rattache à la vie, car ce faisant, on n’agit en rien… ». La Loi juive distingue entre le fait de provo- quer la mort, et celui de s’abstenir de recourir à des moyens thérapeutiques qui empêchent artificiellement l’âme du patient de quitter le corps, sans lui apporter pour autant la moindre guérison. Il est catégoriquement défendu de débrancher les appareils déjà fixés sur un malade, tant que celui-ci pré- sente le moindre signe de vie. En revanche, il n’est pas obligatoire d’ins- taller un système de réanimation chez un mourant incurable, et en proie à de grandes douleurs (par exemple, dans le cas d’une personne atteinte d’un cancer généralisé et qui ne respire plus, ou dont le cœur a cessé de battre). Il semble donc possible d’affirmer que si le judaïsme s’oppose à l’euthanasie proprement dite, il réprouve également l’acharnement thérapeutique ; dès lors que celui-ci entre- tient ou augmente la souffrance sans véri- table espoir de guérison. S’agissant du droit à s’abstenir des soins qui dépassent le cadre des besoins naturels, c’est précisément la prise en compte de la douleur qui constitue le paramètre de la décision halakhique. La position des décisionnaires concernant l’administration de morphine aux grands malades, malgré le risque d’abréger la vie, est également très caractéristique. Tout dépend de l’intention du praticien. Si on vise explicitement à abréger la vie (dose toxique ou létale), cela est catégoriquement interdit. Mais si on ne vise que le soulage- ment du patient (dose apaisante), cela est non seulement permis, mais recommandé, malgré le risque fatal encouru. Si la mort survenait, la responsabilité du médecin (ou de l’infirmière) serait déga- gée, en vertu du principe de l’acte non in- tentionnel, qu’on appelle en hébreu, davar shééno mitkaven . En résumé, dans la difficile confrontation entre le souci d’atténuer et de supprimer la souffrance, et l’interdit de supprimer la vie, primauté absolue doit être accordée à la vie sur la souffrance. « Le médecin a le droit de guérir », affirme le Talmud (BK 86a). Il est au service de la vie. La «mort douce» ou la «belle mort » ne relèvent donc ni de sa compétence, ni de la mission dont la Torah l’investit. Plus que jamais il importe de rappeler aujourd’hui, dans une civilisation tentée par des solutions désespérées, l’absolu des principes moraux, et avant tout, celui du respect de la vie hu- maine. Le judaïsme est une doctrine de vie, il est pour ainsi dire tout entier, un hymne à la vie. Message d’optimisme, de courage, de foi et d’espoir en Celui qui donne la vie. Rav Dr. Izhak Dayan, Grand Rabbin 7 OC TOBRE 201 9 -JANV I ER 2020

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE4MDE=