CIG Magazine N°02

LA CHRONIQUE DU RABBIN JUDAISME ET OBSTINATION DÉRAISONNABLE Depuis toujours, le peuple juif a créé une relation étroite entre la médecine et lui. Le rêve de beaucoup de mères juives est d’avoir un fils médecin. Très souvent, les rabbins exerçaient comme profession la médecine. Cet amour pour l’art de guérir n’est pas dû au hasard. Il trouve son essence dans l’im- portance que le judaïsme accorde à la vie. Ouba’harta ba’hayim: « Tu choisiras la vie » , nous enjoint la Torah. Cet enseignement se trouve corroboré par un texte de la Mishna : ‘Haviv adam: « L’homme est chéri par D.ieu » Shénivra bétsélém: « Parce qu’ il a été créé à Son image » Shénéemar : « Ainsi qu’ il est dit » Bétsélém Elo-kim ‘assa et Haadam: « Il créa l’homme à Son image. » De ce verset, nos Rabbins déduisent : «De même que l’homme ne peut pas porter atteinte à la vie de son prochain, ainsi il ne pourra pas porter atteinte à sa propre vie. » Pour le judaïsme, le respect de la vie humaine est absolu, sacré et inviolable. La vie de l’homme n’est sujette ni à être mesurée, ni à être pesée. Chaque seconde d’une vie a une valeur absolue. Un instant, une minute dans une vie sont investis d’une importance incomparable, puisqu’il suffit d’un moment de repentir complet pour permettre à l’homme de se transformer de pêcheur endurci en juste parfait. Cette importance considérable accordée à la protection de la vie n’est pas sans réper- cussion sur la vie religieuse. En effet, cer- taines prescriptions sont modifiées, voire supprimées pour sauver une vie en danger. Le jour du Grand Pardon, appelé Yom Kip- pour, par exemple, est une des journées les plus sacrées du calendrier hébraïque. Durant cette journée, il est interdit, entre autres, de travailler et de consommer tout aliment. Toutefois, en cas de danger, il est permis de nourrir un malade tant que cela sera nécessaire, même si le malade exprime le désir de jeûner, et le médecin (même non- juif) le contredit. Il en est de même pour le chabbat, dont nous connaissons l’importance. Le chabbat est le jour de repos hebdomadaire, durant lequel tout travail est prohibé. Il est cependant permis, voire obligatoire, de contrevenir à ce repos chabbatique, et de transgresser d’autres commandements pour sauver une vie humaine. Même en sa durée la plus courte, même condamnée à brève échéance, la vie repré- sente une valeur suprême, incontournable. Même pour une vie d’un instant, on peut transgresser le chabbat, ainsi que le consigne le code de la Loi juive (OH,329,4) : «Même si on lui trouve la cervelle écrasée et qu’ il ne peut vivre qu’un moment, on dégage les dé- combres » (ndlr : en cas d’ensevelissement sous un éboulement). Cette introduction semble dire que le ju- daïsme se désintéresse de la souffrance humaine, puisque la primauté est accordée à la vie. Et pourtant, la miséricorde et la pi- tié sont des vertus décrites dans le Talmud comme spécifiques d’Israël. En réalité, l’étude du droit hébraïque montre à quel point celui-ci est sensible à la souf- france. Le concept même de « belle mort » est cité dans le Talmud : « Et tu aimeras ton prochain comme toi-même – choisis-lui une belle mort. » C’est en vertu de ce principe que les condamnés à mort buvaient une po- tion anesthésique avant de subir leur peine. Même la souffrance des animaux est prise en compte dans la Loi juive. Vénatati essev béssadékha : « Je donnerai l’herbe dans ton champ » Livhémtékha : « Pour ton bétail » Véakhalta véssava’ta : « Tu mangeras et tu seras rassasié. » Ainsi, nous n’avons pas le droit de nous atta- bler pour le repas, avant de donner à manger aux animaux. La primauté accordée à la vie sur la souffrance exprime, de la manière la plus éloquente pos- sible, le caractère sacré, intangible, absolu que le judaïsme attribue à la vie. Idée qu’ex- primait déjà le roi David dans les psaumes : Yassor Yissérani Kah : « Le Seigneur m’a fait beaucoup souffrir » vélamavét lo nétanani : «Mais il ne m’a pas livré à la mort. » Nous comprenons dès lors pourquoi le mot « euthanasie » suscite l’opposition des pen- seurs juifs traditionnels. Le judaïsme refuse l’idée de mettre un terme à la vie, même par compassion, pour abréger les souffrances des malades. Le code de la Loi juive stipule : « Le moribond doit être considéré comme vivant en tout ce qui le concerne. Il est interdit de faire quoi que ce soit qui puisse hâter la mort… A quoi cela peut- il être comparé ? A une lumière tremblotante qu’ il suffit de toucher pour qu’elle s’éteigne… Même s’ il reste longtemps en agonie, et qu’ il en résulte une grande souffrance, pour lui et pour ses proches, il est cependant interdit de provoquer rapidement la mort. » 6 LA CHRONIQUE DU RABBIN LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 02

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