CIG Magazine N°02

® SHUTTERSTOCK vers les animaux ». De plus, une interdiction d’importation aussi générale pourrait se ré- véler incompatible avec le droit international, d’un point de vue éthique, mais également d’un point de vue commercial. La motion la plus récente, déposée par Bar- bara Keller-Inhelder en 2018, joue sur deux tableaux : la protection du bien-être animal et la préservation de l’agriculture locale. Elle n’a pas encore été traitée, mais le Conseil fédéral recommande de la rejeter. La question de l’abattage rituel s’inscrit désormais dans un contexte de méfiance, voire d’opposition radicale, à l’ensemble des pratiques de l’homme vis-à-vis de l’animal dans nos sociétés. Au même titre que la chasse, la corrida ou le gavage des oies, l’abattage rituel se heurte de plus en plus violemment aux problématiques de maltrai- tance animale, faisant rivaliser droit animal et liberté de culte. LIBERTÉ DE CROYANCE ET LIBERTÉ DE CULTE Ces arguments au cœur des motions d’inter- diction d’importation des viandes abattues rituellement dissimulent-ils une résurgence de l’antisémitisme ? Sabine Simkhovitch- Dreyfus, vice-présidente de la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) et ancienne présidente de la CIG, de nuancer : « En 1893, en pleine affaire Dreyfus, l’accent antisémite de la disposition constitutionnelle issue de la première votation populaire était évident. Mais aujourd’hui, la plupart des per- sonnes et organisations opposées à l’abattage rituel sont animées par le souci du bien-être ani- mal. » Force est de constater qu’aujourd’hui, les porteurs de ces motions et la plupart des associations qui les soutiennent ne visent pas la viande casher en particulier. Cer- tains sont même disposés à envisager des réserves spécifiques pour les communautés religieuses. « Pour la majorité, ces textes ne sont pas motivés par des sentiments antisé- mites. Mais il continue à jouer un rôle chez certains », regrette-t-elle. Les débats sur l’abattage rituel convoquent également une autre disposition constitu- tionnelle. L’article 15 garantit la liberté de croyance et de conscience. Le second alinéa du texte précise : « Toute personne a le droit de choisir librement sa religion ainsi que de se forger ses convictions philosophiques et de les professer individuellement ou en communauté. » La Constitution fédérale ne garantit dès lors pas seulement la liberté de croire ce que l’on veut, d’adhérer à la religion de son choix et de la quitter librement. Le droit de chaque individu et collectif de professer sa religion a pour corollaire l’obligation des pouvoirs publics d’observer une neutralité religieuse et de s’abstenir d’entraver, sans justifica- tion primordiale, l’exercice des convictions religieuses. Avançant qu’elle porte atteinte à la liberté de croyance et de conscience des juifs, la FSCI, avec le soutien des communautés juives de Suisse, a longtemps essayé de faire abolir l’interdiction de l’abattage rituel. A une exception près, ces tentatives n’ont malheu- reusement pas abouti : pendant la Première Guerre mondiale, face à l’impossibilité d’im- porter de la viande cacher, le Conseil fédéral a octroyé, en mars 1918, une autorisation restreinte d’abattage. AUX ORIGINES L’abattage rituel, tel qu’il est aujourd’hui pratiqué, trouve sa source dans les interdits alimentaires décrits dans le Lévitique et le Deutéronome. L’homme y est autorisé à consommer des animaux, mais à certaines conditions. Le sang, par exemple, est pros- crit de son alimentation, dans la mesure où il est considéré comme le siège de l’âme. Le Deutéronome (XII, 27) stipule que « Le sang, c’est la force vitale. » C’est pourquoi l’animal doit être complètement saigné lors de l’abattage rituel. Cette ritualisation de la mort a plusieurs vertus. Elle permet d’abord de dissocier l’âme, contenue dans le sang, de la chair. Elle permet également de réaliser que se nourrir implique un acte de mise à mort, qui doit s’effectuer dans le respect, en évitant au maximum toute souffrance. 12 L’ENQUÊTE LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 02

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