CIG Magazine N°01

LA MAJORITÉ DES DÉCISIONNAIRES CONSIDÈRENT QUE LA MÈRE HALAKHIQUE EST LA DONNEUSE D’OVOCYTES, CAR LA MATERNITÉ SE DÉFINIT À PARTIR DE LA CONCEPTION. LA CHRONIQUE DU RABBIN LA GESTATION POUR AUTRUI EST-ELLE AUTORISÉE PAR LA HALAKHA ? Les techniques pour lutter contre l’inferti- lité bouleversent les paramètres d’analyse de la filiation et ses répercussions, selon la loi juive. Si la procréation médicalement assistée (PMA) est souvent autorisée à la lumière des textes sacrés, qu’en est-il de la judaïcité de l’enfant à naître ? La loi juive se dit en hébreu Halakha. Déri- vé du verbe hébraïque « halokh », il signifie «marcher avec, avancer, progresser ». Au- trement dit, la loi juive évolue au diapason des progrès technologiques. L’exemple le plus frappant est celui des transplantations cardiaques. Autrefois, ces greffes étaient considérées comme un double assassinat (du receveur de l’organe cardiaque et du donneur). Aujourd’hui, grâce à la maîtrise des techniques sophistiquées d’une part, et de la découverte de nouveaux produits tels que la ciclosporine (antirejet) d’autre part, ces opérations sont devenues classiques, et ont reçu l’aval du Grand Rabbin d’Israël (sous certaines conditions). Il en est de même pour les techniques d’in- sémination artificielle et de fécondation in vitro (FIV) spécifiques à la PMA qui sont ainsi généralement permises par la halakha (dans le cas de deux conjoints mariés, mais sans ajout de sperme d’une tierce personne dans le but d’activer la fécondation de l’ovule). Il s’agit d’ailleurs d’un motif de fierté pour le judaïsme d’avoir été la première religion à envisager la possibilité d’une fécondation artificielle. Près de 1710 années avant la dé- monstration scientifique d’une fécondation artificielle, le Talmud (Haguiga 15a) enseignait déjà qu’une femme vierge peut tomber en- ceinte en se baignant dans une eau contenant du sperme (soit sans relation physique avec un homme). Ce texte traditionnel constitue l’une des bases de la réflexion halakhique au sujet de l’insémination artificielle. Il illustre particulièrement bien la manière dont ces sources traditionnelles permettent au ju- daïsme de répondre aux questions modernes. A ces deux techniques de PMA, s’ajoute une troisième appelée GPA (grossesse ou gestation pour autrui) dont on parle beau- coup aujourd’hui. Cette dernière est liée à l’infertilité féminine. Il s’agit d’un ovule qui est prélevé puis injecté, une fois fécondé, dans les voies utérines d’une mère porteuse. Or, le transfert d’un ovule fécondé dans les voies utérines d’une autre femme trouve un écho dans la littérature talmudique avec la conception de Dina (fille de Yaacov et Léa, dont le nom est dérivé de Din qui signifie jugement). Dans le traité talmudique de Berakhot (60a), il est expliqué que Léa, qui était enceinte en même temps que sa sœur Rachel, avait prononcé «un jugement contre elle-même » en disant : « Yaacov devrait avoir douze enfants. J’en ai mis au monde six, quatre ont déjà été engendrés par les deux servantes, cela fait un total de dix. Si j’engendre un gar- çon et ma sœur Rachel une fille, elle ne sera même pas perçue au niveau des servantes. Léa a alors prié pour que son enfant soit une fille, afin de permettre à sa sœur Rachel, d’avoir deux garçons ». Le Targoum Yonathan ben Ouziel explique alors que les ovules ont été échangés : l’ovule de Rachel fécondé (duquel allait naître Dina) a été transféré par miracle et grâce à la prière dans les voies utérines de Léa ; l’ovule de Léa fécondé (duquel Yossef allait naître) a du coup été transféré dans les voies de l’utérus de Rachel. L’interprétation de Yonathan ben Ouziel met en relief l’idée du transfert d’un ovule déjà fécondé dans les voies utérines d’une autre femme, soit la gestation pour autrui. LE PROBLÈME DE LA MATERNITÉ La technique de la GPA pose ainsi des ques- tions halakhiques complexes notamment au sujet de la maternité, en plus des questions éthiques. L’enfant conçu par GPA descend génétiquement d’une mère commanditaire (biologique) et d’une mère porteuse qui porte l’enfant pendant neuf mois. Mais qui est donc la mère halakhique ? L’identité de l’enfant dépend de la réponse que l’on ap- portera à cette question. Car l’identité juive – la judaïté – se transmet selon la halakha, par la mère, jamais par le père. Si la mère est juive, son enfant l’est également, quelle que soit l’identité du père. LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 01 6 LA CHRONIQUE DU RABBIN

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