CIG Magazine N°01

L’HISTOIRE LE CIMETIÈRE DE LA CIG À CHEVAL SUR LA FRONTIÈRE FRANCO-SUISSE ® POINT-OF-VIEWS.CH Le cimetière de Veyrier célèbrera l’an pro- chain son centenaire. Lieu d’inhumation consacré à la mémoire des défunts, il a aussi permis de sauver nombre de destins, compte tenu de son emplacement unique. Depuis 1788 la Communauté Israélite de Genève est propriétaire d’un cimetière juif établi sur l’ancienne commune sarde de Carouge. En 1916, elle se voit dans l’obliga- tion de rechercher de nouveaux terrains, car la capacité du lieu arrive à saturation. La loi cantonale de 1876 interdisant toute nouvelle création de cimetières confessionnels ou extension de ceux déjà existants, une solu- tion alternative se dessine alors en France voisine. Les lois y permettaient encore la création de cimetières « privés ». Une convention est alors signée entre les représentants de la Communauté Israélite de Genève et les autorités de la commune d’Etrembières (Haute-Savoie), le 16 juillet 1920, donnant naissance à ce cimetière. Quatre parcelles le composent : trois du côté français, destinées aux sépultures, et une du côté suisse, destinée aux aménagements de l’entrée principale. Sa superficie totale est alors de 13 133m 2 . Trois mois après, les douanes suisses donnent leur feu vert pour que l’entrée principale du cimetière s’effectue par le territoire helvétique, afin d’en faciliter l’accès depuis Genève. Le mur d’enceinte, qui longe une partie de la frontière, puis pénètre en territoire suisse, doit cependant disposer d’une ouverture de 2 mètres de large, là où la frontière le coupe, afin de permettre le libre passage des douaniers. En 1930, la Communauté Israélite de Ge- nève fait l’acquisition, sur territoire suisse, d’une nouvelle parcelle d’une superficie de 2350m 2 . Elle y construit l’oratoire et des salles funéraires (voir encadré). Ce n’est qu’à partir de son inauguration en 1931 que le cimetière prend l’appellation de cimetière israélite de Veyrier. DURANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE Situé en zone libre française au début du conflit, le cimetière ne fait curieusement l’objet d’aucune surveillance particulière malgré la présence d’une frontière à l’inté- rieur de son périmètre. Les enterrements s’y poursuivent. Au cours de cette période, plu- sieurs juifs fuyant la persécution nazie passent d’un pays à l’autre en longeant les tombes. Accueillis et cachés dans un premier temps dans l’oratoire funéraire, ils sont ensuite conduits en toute discrétion vers Genève. La situation ne change guère en novembre 1942 à l’arrivée des troupes italiennes qui se montrent plutôt bienveillantes. Mais en septembre 1943, les troupes allemandes ferment inexorablement le cimetière en posant des barbelés le long de la frontière. Malgré la présence régulière de soldats de la Wehrmacht, et les enterrements devenus impossibles, quelques personnes réussissent néanmoins à passer la frontière de nuit. Après la libération de la Haute-Savoie, en août 1944, nombreux sont les juifs réfugiés à Genève qui veulent rejoindre la France. Mais le pays est désorganisé, aussi les autorités françaises freinent-elles le retour immédiat des réfugiés. Les autorités suisses refusent également de les libérer tant qu’ils ne rem- plissent pas certaines formalités. Le cime- tière représente ainsi la brèche providentielle pour franchir la frontière clandestinement. Le nombre de traversées illégales devient tel que le cimetière est placé en zone militaire par les autorités genevoises. Le gardien du cimetière, Gustave Michon, et Aimée Stitel- mann, une jeune coreligionnaire genevoise, seront d’ailleurs condamnées par la justice genevoise pour avoir facilité ces passages. Ils ne seront réhabilitées par le Parlement fédéral qu’à partir de 2004, au même titre que 130 autres condamnés en Suisse du- rant la Seconde Guerre mondiale pour des motifs similaires. LE MAGA Z INE DE L A C I G N ° 01 14 L’HISTOIRE

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