CIG Magazine N°01

LA NÉCESSAIRE IMPLICATION DES POUVOIRS PUBLICS Aujourd’hui, ce sont les communautés juives elles-mêmes qui organisent et paient le prix fort pour couvrir leurs besoins, grevant largement leurs ressources. La sécurité des juifs de Suisse est autofinancée, ce qui contrevient aux principes de l’Etat de droit, auquel incombe la lourde tâche d’assurer la protection de la population. « Les fonctions régaliennes de la Confédération et du canton impliquent d’assurer une sécurité optimale des concitoyens. Si certains font l’objet d’une menace particulière, c’est leur rôle d’appor- ter le soutien financier nécessaire », affirme Johanne Gurf inkiel, porte-parole de la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD). « La Suisse n’a pas encore été confrontée au terrorisme, et la considération des pouvoirs publics pour la sécurité des juifs est en lien avec cette réalité. » Début 2019, après plusieurs années de débats intenses, la Confédération a annoncé parti- ciper aux coûts de la sécurité des minorités particulièrement exposées au terrorisme ou à l’extrémisme violent, et ainsi notamment les communautés juives et musulmanes. Le 30 janvier, l’exécutif a mis en consultation l’avant-projet «Ordonnance sur les mesures visant à garantir la sécurité des minorités ayant un besoin de protection particulier » (OMSP) qui servira de base à l’octroi d’une enveloppe de 500000 francs par an. Ce projet d’ordonnance vise à garantir la sécurité, non seulement de la communau- té juive, mais également de la communauté musulmane, et, au-delà du cercle religieux, la sécurité des gens du voyage (Yéniches, Roms et Sintés) et des groupes minoritaires en raison de leur orientation sexuelle (homo- sexuels, bisexuels, transgenres et intersexes). Le projet prévoit un soutien portant sur les bâtiments, la formation, la sensibilisation et l’information, mais les conditions d’octroi demeurent vagues, et le mécanisme de ré- partition reste aujourd’hui encore inexistant. Sur le territoire, on compte environ 18000 Suissesses et Suisses de confession juive, exposés à une menace connue des pouvoirs publics depuis 2016 et la publication d’un rapport du Service de lutte contre le racisme affirmant que les juifs faisaient l’objet de me- naces spécifiques. Ce texte soulignait alors que la Confédération ne pouvait financer les mesures de protection, faute de base légale. L’ordonnance, qui répond à ce vide juridique, doit désormais bénéficier d’un large soutien, et de l’indispensable appui politique et finan- cier des villes et des cantons. Celui de Bâle s’est déjà positionné très franchement en faveur de ce soutien dès décembre 2018, quand le Grand Conseil a voté un crédit de 746000 francs afin de soutenir la commu- nauté juive locale dont les frais de sécurité sont élevés. Le projet « Sécurité juive Bâle » prévoit une présence policière durablement renforcée pour les institutions juives et des mesures concernant les bâtiments, qui se- ront examinées dans un second temps. Une nouvelle accueillie avec soulagement par la FSCI et par la CICAD. A Genève, les repré- sentants des intérêts des communautés juives et ceux du Conseil d’Etat se rencontrent et échangent sur le sujet, mais sans qu’aucune information concluante ne filtre encore. « La CICAD continuera d’apporter son appui aux institutions juives concernées et à être l’ inter- locuteur engagé des pouvoirs publics afin que le soutien devienne effectif et que les coreligion- naires puissent mener une vie juive sereine et harmonieuse », s’engage Johanne Gurfinkiel. «Nous espérons que l’adoption du projet d’or- donnance par le Conseil fédéral donne un si- gnal fort. Les pouvoirs publics doivent prendre conscience des coûts et des frais assumés par les communautés », espère Laurent Selvi, Vice-Président de la CICAD et ancien tréso- rier de la CIG. Un soutien massif des cantons serait un premier pas afin que l’implication des pouvoirs publics passe -enfin- du sym- bolique à l’effectif. Emilie Cailleux 13 ® POINT-OF-VIEWS.CH ® POINT-OF-VIEWS.CH J U IN-SEP TEMBRE 201 9