CIG Magazine N°01

L’ENQUÊTE SÉCURITÉ DES JUIFS DE GENÈVE : LE PRIX À PAYER Face à la recrudescence observée de l’anti- sémitisme en Europe et alors que se joue le débat sur le projet d’ordonnance fédérale quant à la sécurité des minorités, celle des juifs de Suisse est au cœur de l’actualité. A Genève, la CIG y accorde une part consé- quente de son budget annuel. Noa a quatorze ans. Curieuse, cultivée, so- ciable, elle a toutes les qualités pour s’épa- nouir comme une adolescente de son âge. Tout, sinon la sérénité de se sentir en sé- curité au quotidien. «On m’a déjà reproché d’être juive au cycle », raconte-t-elle. Scola- risée dans un établissement public, la jeune fille s’est déjà sentie menacée du fait de sa confession religieuse. Actes préoccupants, atteintes sérieuses à la personne ou agressions graves : encore épar- gné par les actes terroristes que connaissent certains autres pays du globe, le quotidien des juifs de Suisse est également dangereux. UNE INSÉCURITÉ CROISSANTE Supermarché cacher à Paris, synagogue de Copenhague, école juive de Toulouse, musée juif de Bruxelles, drame de Pitts- burgh, synagogue de San Diego… Que des bâtiments juifs aient fait l’objet d’attaques en Europe et outre-Atlantique pendant la dernière décennie fait évidemment croître les inquiétudes sécuritaires de la commu- nauté juive helvète. En 2015, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) s’inquié- tait déjà, dans son rapport annuel, de l’aug- mentation significative des insultes et des agressions physiques envers les personnes appartenant à la communauté juive. En 2018, selon le même organe, la situation s’est encore dégradée. L’étude, qui repose sur les chiffres de l’année 2017, explique cette recrudescence par la reprise du conflit au Moyen-Orient, qui aurait attisé l’antisé- mitisme en Europe, ainsi que par la montée de l’extrême droite. Dans les conclusions de son enquête sur l’antisémitisme présentées au Palais des Nations en décembre 2018, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne affirmait en substance que les discours de haine antisémites, le harcèle- ment et la crainte d’être identifié en tant que juif rythmaient malheureusement le quotidien des personnes de cette confes- sion religieuse en Europe. Ces agressions, de préoccupantes à graves, composent en- core la triste réalité qu’affrontent les juifs du XXI e siècle. « Le sentiment d’ insécurité des communautés juives d’Europe ne cesse de s’accentuer », concluait l’investigation de manière alarmante. En 2018 et en Suisse romande, la Coordi- nation Intercommunautaire contre l’An- tisémitisme et la Diffamation (CICAD) a signalé dans son rapport annuel 174 actes antisémites, dont deux agressions physiques, contre 150 en 2017. 64% de ceux-ci pro- venaient des réseaux sociaux, contre 46% seulement l’année précédente. Outre-Sa- rine, quarante-deux incidents antisémites (sans compter les messages de haine diffu- sés sur les médias sociaux) ont été recensés au cours de l'année écoulée, soit trois de plus qu'en 2017, d’après le rapport publié par la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI) en collaboration avec la Fondation contre le racisme et l’antisémi- tisme (GRA). En France, les attentats des dernières années ont provoqué un exode significatif des juifs vers Israël. En Suisse, si l’Office fédéral de la statistique ne peut évaluer combien de coreligionnaires ont quitté le pays, Herbert Winter, président de la FSCI, ne cesse de répéter que les juifs ont un avenir. Encore faudrait-il que les communautés se sentent en sécurité chez elles. DES MESURES EXCEPTIONNELLES Depuis le début des années 70 et la vague d’attentats terroristes palestiniens en Europe, les collectivités juives de Suisse ont pris des mesures pour protéger leurs synagogues, leurs écoles, leurs maisons de retraite et leurs autres institutions. Pour faire face au temps de la menace, reconnue par les auto- rités de la Confédération, la Communauté Israélite de Genève déploie un dispositif de plus en plus exceptionnel d’année en année. La protection du GAN, de la Maison Juive Dumas, des synagogues Beth Yaacov et Hekhal Haness, et du cimetière de Veyrier engage des dépenses permanentes en termes de matériel de surveillance performant et de personnel qualifié, dont les effectifs sont en constante augmentation depuis plusieurs an- nées. Pour demeurer à la pointe, le matériel est régulièrement renouvelé et les gardes de sécurité soumis à un entraînement ardu. Des modifications structurelles, comme les prochains travaux dans le sas d’entrée du GAN, viennent soutenir ces investissements matériel et humain. Il faut également ajouter à ce montant les charges impalpables que représente l’impli- cation sans borne de nombreux bénévoles. A Genève, une vingtaine de personnes dévouées se mobilisent tout au long de l’année dans le cadre du Groupe de Sécurité Intercom- munautaire (GSI), organe qui gère toutes les questions opérationnelles de sécurité pour l’ensemble des communautés juives de Ge- nève en étroite collaboration avec les forces de police. La CIG a également recours aux services d’une société externe spécialisée. A la fin de l’année, la facture s’élève à plus d’un million de francs. La part du budget communautaire allouée à la sécurité est en augmentation constante. Elle équivaut environ à 13% du budget global 11 J U IN-SEP TEMBRE 201 9

RkJQdWJsaXNoZXIy MjE4MDE=